L’hégémonie russe bouleverse l’exportation des céréales françaises
Mercredi 20 mars, Intercéréales a convié l’ensemble des acteurs de la filière céréalière à Paris pour une matinée d’échanges autour des perspectives d’exportation des céréales françaises, au regard de la montée en puissance de la Russie sur le marché international.
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Sur les 24,6 Mt de céréales exportées chaque année par la France, 64 % sont destinées à l’Europe, 15 % à l’Asie, 10 % au Maghreb, 7 % à l’Afrique subsaharienne, 2 % au Moyen-Orient et 2 % à l’Amérique. L’exportation de céréales contribue fortement à la balance commerciale du pays : +10,4 Mds€ en 2023. Mais celle-ci est en baisse depuis le début du conflit russo-ukrainien.
Dans les faits, deux phénomènes : une Ukraine contrainte d’exporter vers l’Europe en raison de la quasi-impossibilité de passer par la mer Noire, et une Russie qui met en place une stratégie de désoccidentalisation, tournée vers l’Orient et l’Afrique.
L'« armada » russe
Pour Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, la Russie est le principal responsable de la diminution des exportations françaises. « Elle a développé une armada pour envahir le terrain de jeu mondial, via le déploiement d’un arsenal logistique, dans une stratégie d’extension de son impérialisme », argumente-t-il.
« Certaines grandes puissances étrangères, telle que la Russie, utilisent votre filière pour affirmer leur impérialisme. Le blé ne doit pas devenir la variable d’ajustement du soutien à l’Ukraine », abonde Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité, de la francophonie et des Français à l’étranger. D’après le conseil international des céréales, la Russie a exporté environ 140 Mt de blé tendre sur la campagne 2022-2023.
Des céréales ukrainiennes abondantes en Europe
En Europe, l’abondance des céréales ukrainiennes perturbe grandement les exportations. À titre d’exemple, 7 Mt de blé tendre ont été exportées en Europe en 2022-2023, contre moins d’1 Mt en 2021-2022.
« L’origine France est challengée, avec des volumes désormais fluctuants à destination de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Espagne. Cette dernière a d’ailleurs capté 73 % des céréales ukrainiennes entrées en Europe en 2023 », indique Delphine Drignon, responsable export Europe chez Intercéréales.
Des marchés en perte de vitesse en Afrique et au Moyen-Orient
La France voit également ses exportations diminuer au Moyen et Proche-Orient où les pays ont décidé de sécuriser leur alimentation en diversifiant leurs approvisionnements. « En Égypte, la prédominance russe historique se maintient, avec 66 % des importations de blé prévues pour 2023-2024, indique Roland Guiragossian, responsable export Proche et Moyen-Orient chez Intercéréales. Quant à l’Algérie, elle a importé 1,6 Mt de blé russe, soit 40 % de ses besoins sur la campagne en cours. Elle entre dans le top 5 des importateurs de céréales russes. » En Arabie saoudite, l’approvisionnement historiquement via l’Europe du Nord a été délaissé au profit de la Russie. « Depuis 2019, l’afflux de céréales russes vers l’Arabie s’est accru pour atteindre 80 % des importations », poursuit Roland Guiragossian.
Au Maghreb, la situation économique difficile de la Tunisie la pousse à acheter au moins cher, donc russe. Et, en Afrique subsaharienne, « les relations diplomatiques étroites avec la Russie et une certaine animosité envers l’Occident rendent difficile le maintien de ces marchés », précise Yann Lebeau, responsable du bureau Maghreb-Afrique chez Intercéréales.
Heureusement, les marchés marocain et chinois devraient se maintenir. Le premier en raison d’une recherche par le Maroc de blé de qualité, la France a ainsi exporté 3 Mt en 2022-2023 (60 % des importations marocaines). Le deuxième grâce à une forte demande en blé fourrager et orge brassicole. « Bien que la Chine diversifie ses achats de céréales, elle a un fort besoin en blé fourrager pour alimenter ses filières animales en pleine croissance », explique Zao Yu Li, responsable de la zone pour Intercéréales.
Un « signal politique fort » attendu
Face à tous ces défis, Philippe Heusèle, président des relations internationales chez Intercérérales, demande à court terme un « signal politique fort » et souhaite « faire des problématiques commerciales des sujets politiques ». « Nos efforts devront s’inscrire dans la durée pour conquérir de nouvelles parts de marché », conclut-il.
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