Pourquoi la HVE fait autant débat ?
L’attribution d’un crédit d’impôt à la HVE, en pleine expansion, a déclenché une salve de critiques d’ONG, dont certaines sont à l’origine de ce label, et de syndicats. La valorisation de cette démarche soulève également bien des questions.
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1Des soutiens publics contestés
Le collectif « Pour une autre Pac », fort de 45 membres dont la FNE, la Confédération paysanne et la Fnab, remet en cause le nouveau crédit d’impôt de 2 500 € alloué aux exploitations HVE, soit une enveloppe totale de 76 M€ pour 2021 et 2022, et le fait que la HVE puisse être éventuellement éligible aux aides Pac via les éco-régimes. Le porte-parole de la Confédération paysanne, Nicolas Girod, tient toutefois à préciser : « Nous ne sommes pas là pour nous bagarrer sur la remise en cause de la HVE ou pour garder les parts de marché du bio ; nous sommes là pour voir si les outils sont adaptés aux enjeux de l’agriculture et éligibles alors aux soutiens publics. » Pour ces organisations, la HVE actuelle ne mérite pas ces soutiens car elle ne répond pas suffisamment aux enjeux de transition agroécologique et est bien en deçà du bio.
2Un label estimé pas assez bio
Il est en effet reproché à la HVE de ne pas être assez bio. Lors d’une conférence de presse du 2 décembre dernier, la Confédération paysanne, Agir pour l’environnement, la FNE et le Synabio soulignaient que « ce label avait été conçu à l’origine comme une marche vers le bio et non comme une certification des produits ». Ce que réfute l’association HVE. « La situation est paradoxale, car on nous reproche de ne pas être assez bio tout en nous accusant de faire de l’ombre au bio, relate Laurent Brault, animateur de l’association. Or, il n’a jamais été question que la HVE soit du bio. Le ministère de l’Agriculture est clair, il veut deux projets distincts avec chacun sa mission : la biodiversité et l’autonomie des exploitations pour la HVE, le bien-être animal et le sans produits phytos de synthèse pour le bio. »
3Un référentiel jugé peu abouti
« Le cahier des charges HVE ne répond pas aux enjeux actuels », selon Cécile Claveirole, secrétaire nationale de la FNE, qui a porté ce label lors du Grenelle de l’environnement en 2007. « L’option B n’est pas efficace pour l’environnement. Sur l’option A, les exploitations sont HVE sans avoir à faire de grands efforts. Tous les critères sont à renforcer, d’autres sont à ajouter comme la vie microbienne du sol, les émissions de GES, le stockage CO2. Sur les haies, on est sous les critères de l’éco-conditionnalité de la Pac. » De son côté, Laurent Brault estime qu’il y a une mauvaise interprétation de la réalité : « Le niveau d’effort réalisé varie selon l’existant et la région naturelle. Nombre d’exploitations remplissaient déjà plusieurs critères. Pour les éléments de biodiversité, une exploitation doit avoir au moins 10 % de la SAU en contenant (5 % pour les aides Pac). L’auditeur contrôle juste ces 10 %, même s’il y en a plus, tout en contrôlant l’ensemble de l’exploitation. Pour l’indicateur ruche également critiqué, il est là pour démontrer l’existence d’une bonne biodiversité par la présence d’une ou plusieurs ruches sédentaires toute l’année. Cela traduit la capacité de l’exploitation à nourrir les abeilles sur un an grâce à une diversité floristique. »
4Une valeur ajoutée en question
Du côté des producteurs, le débat porte surtout sur la valeur ajoutée en découlant. Pour sa part, Benjamin Bichon (coopérative La Tricherie) estime « aberrant de lancer nos agriculteurs dans cette voie sans avoir au préalable construit la filière et positionné la rémunération au juste niveau. C’est la clef de la réussite du développement de la HVE. Nos céréales HVE sont valorisées 20 % au-dessus du marché standard. » La structuration de filières est en effet le prochain virage à passer pour déployer « un label qui est complémentaire au bio », estime Benjamin Bichon. Tout en étant bien sûr perfectible. Les questions évoquées ici peuvent être discutées lors des réunions de la CNCE. Par ailleurs, une étude d’impact va être lancée. Des évolutions vont être actées prochainement sur les IFT. D’autres seront à venir certainement. Mais Julien Denormandie préfère déployer la HVE avant de la revoir et a prévu une campagne de communication grand public.
Hélène Laurandel
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