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Les engrais de mélange toujours dans le coup

À travers un sondage inédit, nous avons essayé de mesurer le poids de cette industrie de proximité, qui surfe sur l’agriculture de précision, et les pratiques qui y sont associées.

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Certains trouveront peut-être ce chiffre trop bas, ou trop élevé, c’est selon, mais 31 % des agriculteurs envisageraient d’utiliser cette campagne des engrais minéraux de mélange ; ces engrais obtenus par mélange mécanique d’autres engrais. Selon notre sondage exclusif Agrodistribution-ADquation, cette proportion est plus importante chez les agriculteurs de la région Nord-Est (41 %), chez ceux orientés grandes cultures (39 %) et chez ceux travaillant principalement avec un négoce (38 %). À l’inverse, ils sont plus nombreux à ne pas envisager d’en utiliser dans la région Ouest (77 %), en polyculture-élevage (71 %) et chez les moins de 50 ans (71 %).

Un marché aux trois quarts dans les mains de la distribution agricole

« Un tiers qui dit en utiliser, ça ne m’étonne pas trop », commente Estelle Vallin, directrice de l’Afcome, représentant les mélangeurs d’engrais. « Chez Inoxa, nous sommes un peu plus bas, plutôt vers 25 % », réagit en revanche Patrick Loizon. Le responsable fertilisants de la centrale d’achat évoque en effet une singularité propre à son bassin, la proximité de fabricants d’engrais composés PK et NPK industriels (Yara, EuroChem, Rosier, Timac, Fertemis…) qui, de fait, concurrencent les engrais de mélange.

Autre enseignement de ce sondage : près des trois quarts des agriculteurs qui envisagent d’appliquer des engrais de mélange comptent en utiliser pour moins de 40 % de leurs engrais minéraux. Ce qui est assez logique. « Cela reste des petits volumes, à côté des 6,2 Mt d’engrais azotés simples consommés en 2019-2020 ou des 8,8 Mt d’engrais minéraux au total », compare Estelle Vallin. « Ces résultats me paraissent même plutôt élevés, ajoute Patrick Loizon. Cela signifie que, si l’on exclut les engrais azotés simples, les agriculteurs se situant dans la tranche [20-39 %] appliquent la majorité de leurs engrais minéraux en engrais de mélange. »

Enfin, cette étude permet d’avancer que dans trois cas sur quatre, le mélange est réalisé par une coopérative ou un négoce. Ce qui paraît très cohérent à Patrick Loizon. Les distributeurs sont au cœur de ce système, et disposent soit d’un ou plusieurs ateliers de mélange, soit sous-traitent cette activité. Et sinon, ils achètent à un indus­triel spécialiste du mélange parmi la grosse dizaine d’acteurs en France, tels que Sud engrais distribution, Amaltis, Unifert, DuRoure, Borealis, etc. En revanche, il n’est pas légal pour un agriculteur de réaliser lui-même son mélange.

550 000 t d’engrais de mélange comptabilisés à l’Afcome

Alors que l’impression générale est une progression des engrais de mélange, les statistiques de l’Afcome (qui, avec ses 23 membres, dit représenter 70 % du marché des engrais minéraux) indiquent une stabilité assez nette des volumes : 550 000 t/an. En revanche, le recul des engrais composés industriels (1,7 Mt/an, selon l’Unifa) fait que le ratio entre les engrais de mélange et les composés industriels croît, de 28 % en 2011-2012 à 32 % en 2019-2020, si l’on s’en tient au périmètre de l’Afcome.

« Par rapport à des engrais de mélange, fabriquer des engrais composés est bien plus complexe et coûteux », justifie Caroline Naddéo, codirigeante de Sud engrais distribution. Les engrais de mélange bénéficient en effet d’un rapport qualité/prix souvent attractif. D’autant plus que, bien souvent, le distributeur ne fait pas de marge additionnelle liée à cette activité. « C’est du service, rapporte Patrick Loizon. Et si ça peut arriver que ce soit l’inverse, le plus souvent, l’écart économique est en faveur du mélange. » D’ailleurs, selon une étude de l’Afcome de 2017, environ 80 % des engrais consommés aux États-Unis ou au Brésil sont des engrais de mélange, ce qui constitue un avantage compétitif majeur pour les filières agricoles de ces pays.

« Il y a un aspect économique certain, abonde Estelle Vallin, mais l’autre argument, c’est la possibilité d’avoir une formule à la carte, au plus près des besoins à partir d’une analyse de terre, et qui génère moins de pertes d’éléments nutritifs. » Pour optimiser toujours plus les apports, les mélanges d’engrais semblent donc avoir encore de l’avenir !

Renaud Fourreaux

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