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Biostimulants Y’a encore de la marge !

Les produits de biostimulation, s’ils intéressent agronomiquement et économiquement la distribution, continuent de questionner les agriculteurs. Et bâtir des argumentaires de vente reste délicat.

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Biofertilisants, stimulateurs de croissance, activateurs de sol, phytostimulants… Quel que soit le nom qui leur est donné, le foisonnement de ces produits, microbiens ou non, ne se dément pas. S’ils font désormais partie intégrante des expérimentations en distribution, les biostimulants peinent encore à se déployer sur le terrain (hors cultures spé), une majorité de producteurs doutant de leur réel intérêt. « Ça ne marche pas, c’est cher, c’est compliqué, on faisait bien sans », peut-on entendre dans les campagnes.

La dynamique semble même cassée, si l’on en croit les résultats de notre sondage ADquation-Agrodistribution : 16 % des agriculteurs interrogés (grandes cultures, polyculture-élevage, éleveurs) déclarent en utiliser, un résultat en baisse par rapport à l’année dernière (19 %). Un chiffre qui paraît même surestimé selon un distributeur, qui s’interroge sur une confusion possible avec des produits de biocontrôle, même s’il contrebalance son opinion en rappelant que beaucoup de produits sont achetés en direct…

Des effets variables

D’un autre point de vue, 16 % d’agriculteurs qui sont passés à l’acte, ça peut paraître un résultat honnête. Et si l’on ajoute les 24 % qui ne seraient pas contre en appliquer dans l’absolu, indépendamment du prix, on atteint un chiffre potentiel de 40 % d’utilisateurs à l’avenir. De quoi réjouir les professionnels de la distribution ? Ces produits continuent de les intéresser, car ils apportent de l’innovation dans un environnement commercial de plus en plus contraignant et peuvent aussi être une réponse aux récentes évolutions climatiques. Surtout, ils sont générateurs de marge et permettent d’animer les équipes. « Ce qui est embêtant, c’est qu’on n’a pas toujours une efficacité stable dans le temps, quelquefois ça marche, quelquefois moins bien, et on ne comprend pas toujours pourquoi », déplore Céline Denis, chef de projet pour le développement de méthodes alternatives en maraîchage chez Terrena. Elle intervenait avec une dizaine d’acteurs de la distribution, de l’agrofourniture, d’instituts techniques, de la recherche, lors d’une table ronde organisée le 17 septembre à Paris par le pôle IAR et Rittmo Agroenvironnement au sujet des nouvelles solutions de biocontrôle et de biostimulation. Elle n’était pas la seule à se faire l’écho des difficultés rencontrées avec ce type de produits.

« On a des remontées similaires des agriculteurs et de leurs conseillers sur la variabilité des effets selon les années, approuve Cécile Le Gall, chargée d’études chez Terres Inovia. Cela nous pose question sur les méthodes d’évaluation et sur l’intérêt économique pour l’agriculteur à investir. » « En biocontrôle et encore plus en biostimulants, on a très souvent des effets partiels, abonde Régis Berthelot, d’Arvalis/RMT Elicitra. L’intégration de ces produits dans les itinéraires techniques, voire dans les systèmes de cultures, est encore très peu travaillée. Cela va nous obliger, de la part des expérimentateurs comme des agriculteurs, à reconcevoir, à recombiner solutions de protection et de biostimulation. »

Des outils à bien positionner

Les distributeurs aussi sont un peu échaudés, à l’instar de ce responsable agronomique de coop : « L’efficacité est très dépendante du climat, il est difficile de bâtir des programmes et des argumentaires. »

« On aurait besoin d’outils pour mieux positionner ces produits », relève aussi Cécile Denis, chez Terrena, qui fait également état de souci de mélanges dans le pulvérisateur, d’incompatibilité avec les autres produits dans l’itinéraire technique et puis aussi « des clients qui, via leur cahier des charges, nous interdisent l’utilisation de bacillus » pour des raisons sanitaires.

Les fabricants sont bien entendu plus optimistes. « On a de très bons retours de terrain, ça fonctionne très bien », assure Jonathan Gerbore, directeur R&D de Biovitis. Même s’il reconnaît qu’il paraît nécessaire de « développer des outils d’évaluation terrain pour [leur] permettre de rendre ces technologies de plus en plus performantes et de les combiner avec les autres leviers, variétaux et culturaux ». Même son de cloche du côté d’Agrauxine : « On est beaucoup plus intransigeant vis-à-vis de ces produits-là car il y a une image et une expérience imprimées dans le marché, estime Ronan Kempf, directeur marketing. L’important, c’est que les agriculteurs et la distribution comprennent comment le produit fonctionne. Cela nécessite de la pédagogie. »

Sécurisation de la production

« S’il n’y a pas de rigueur dans la méthodologie d’application, l’échec est assuré, et après ce sont les rumeurs qui font le reste », poursuit Thierry Roger, responsable du pôle végétal chez Biodevas laboratoires. Lui insiste sur la nécessité pour les producteurs de savoir où les positionner dans l’itinéraire technique, de les voir comme un outil d’amélioration de leur production. « Et il faut commencer là où les utilisateurs ont envie de changer et là où il y a une demande de l’aval », ajoute Ronan Kempf. Peut-être aussi en valorisant financièrement les producteurs qui utilisent ce type de produits à travers leur cahier des charges. Carrefour dit le faire, mais on peut en douter… « La Suisse a mis en place un système de compensation des pertes éventuelles des agriculteurs qui utilisent des solutions alternatives, dont le biocontrôle et les biostimulants », informe en revanche Najat Nassr, chez Rittmo.

« Avec les biostimulants, on est dans une logique d’anticipation, de prévention, d’engager une dépense comme lorsqu’on souscrit une assurance », tente Thierry Roger. « Sauf qu’avant de choisir une assurance, vous allez faire une analyse rationnelle, tacle un distributeur. Et là, on n’a pas vraiment de données techniques, comparables et fiables, on n’a pas d’arguments pour les vendre. »

Les approches classiques d’Arvalis et de Terres Univia, de leur propre avis, ne sont pas adaptées. « On ne sait pas par rapport à quelles références les évaluer, confirme Régis Berthelot. On a un besoin assez criant de méthodologie d’évaluation, pour avoir les modes d’emploi, pour pouvoir les intégrer dans des OAD. » Espérons que la nouvelle réglementation européenne, qui entrera en vigueur en 2022, permette un meilleur cadrage.

Renaud Fourreaux

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