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CONSEIL ET VENTE PHYTOS Séparation : l'ordonnance so ulève un tollé

Édouard Philippe reste sourdAprès la découverte du nouveau projet d'ordonnance, FNSEA-JA, Coop de France et FNA, séparément puis ensemble, se sont fendues de courriers au Premier ministre, expliquant les conséquences du texte et appelant à la reprise des discussions. À l'heure où nous mettons sous presse, fin novembre, Édouard Philippe n'avait pas donné suite à ces demandes.AFP

La nouvelle version du projet d'ordonnance a provoqué une onde de choc. Réactions et projections sur ce que pourrait être l'avenir.

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Le 14 novembre, la V2 de la proposition d'ordonnance pour la mise en oeuvre de la séparation du conseil et de la vente est tombée. Avec une surprise de taille, apprise quasiment le jour de la réunion où siégeaient les parties prenantes : coopératives et négoces perdent le conseil au quotidien, qui revient au conseiller agréé indépendant. En signe de protestation, Coop de France et FNA ont claqué la porte, suivis par la FNSEA. Si le gouvernement a semblé gêné par ce départ, aucune nouvelle réunion n'a été décidée pour le moment. Contacté, le ministère de l'Agriculture a indiqué « ne pas pouvoir répondre pour l'instant car des discussions sont en cours ». Et le timing annoncé est serré : mise en application au 1er janvier 2020, avec une période de transition jusqu'à décembre 2022.

Ce que prévoit le texte, c'est l'existence de deux agréments incompatibles : l'un pour la vente et l'autre pour le conseil à l'utilisation de produits phytos. Pour en acheter (hors biocontrôle, substance de base ou à faible risque), l'agriculteur devra avoir réalisé un diagnostic de l'exploitation, apanage des conseillers agréés indépendants. Restait, avant le 14 novembre, la question du conseil au quotidien. Elle a été tranchée : ce seront aussi les conseillers agréés indépendants qui l'assureront.

Participation plafonnée

L'autre nouveauté concerne les conditions de la séparation capitalistique (lire ci-dessous). Une précision a priori faite pour éviter des blocages : le gouvernement a pris l'exemple d'une banque qui voudrait investir dans une structure de conseil et une autre de vente. Difficile d'évaluer les conséquences pour les coopératives et négoces, mais la possibilité d'une prise de participation en dessous du seuil légal dans une structure de vente commune à d'autres distributeurs, en conservant le conseil dans la structure de base, ne semble pas à écarter. L'ordonnance acte aussi l'impossibilité d'avoir des membres de conseil d'administration communs entre société de vente et de conseil. Ce qui pose question concernant les chambres d'agriculture. « Il y a un collège coopération au sein des chambres », rappelle Claude Cochonneau, à l'APCA, dénonçant un texte « déconnecté de la réalité, qui traduit un certain amateurisme ». La position de l'APCA n'a pas changé : pour elle, le conseil annuel n'est pas forcément une bonne idée en tant que telle, mieux vaut un conseil pluriannuel avec un rendez-vous annuel. Cela étant, « on s'investira dans le conseil aux agriculteurs, car c'est notre métier, indique Claude Cochonneau. Même si on n'a pas forcément les moyens humains au niveau des chambres. » Côté agriculteurs, on craint la charge supplémentaire. « Il y a un fort risque d'augmentation du coût du conseil », juge Baptiste Gatouillat, aux JA.

Emplois menacés

Dans des communiqués publiés le 14 novembre, Coop de France et la FNA pointent les suppressions d'emplois, et dénoncent les impacts sur les filières, ainsi que l'impossibilité d'appliquer le dispositif des CEPP (certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques). Une position que ne partage pas Hervé Tertrais, président du PCIA (pôle du conseil indépendant en agriculture), qui juge que « les arguments de la distribution agricole sont incohérents et non recevables : il aurait déjà fallu qu'elle commence par facturer séparément le conseil et la vente de produit ». Quant à l'emploi, « il va y avoir une reconversion, avec création de nouveaux postes de conseillers indépendants. Et sur les CEPP, il suffit de ne conserver que les fiches actions avec des produits. Dans tous les cas, séparer le conseil de la vente sera bien plus efficace pour réduire l'usage des produits phytos que les CEPP, car si le conseil vraiment indépendant avait déjà existé, personne ne parlerait de CEPP ».

Côté ONG, si la FNE se réjouit de la nouvelle version, elle demande « du temps pour la mise en pratique, sous peine de faire échouer la mesure », indique Claudine Joly, qui regrette que les chambres ne se sentent pas plus impliquées. L'ONG regrette aussi l'absence d'une prescription obligatoire, avec une ordonnance nécessaire pour faire les achats de produits, au moins pour les matières les plus préoccupantes comme le glyphosate. « Cela donnera du poids au diagnostic annuel. »

Pour le moment, chacun reste dans l'attente d'une reprise, ou non, des discussions sur le contenu du texte. Jean-Michel Soufflet, président du groupe éponyme, avait récemment interpellé des parlementaires sur le sujet : « Comment voulez-vous que d'un côté, je développe des filières vertueuses avec McDo, Saint-Michel, Lu ou Heineken, si vous me coupez le conseil aux agriculteurs ? » Il eut pour toute réponse : « Monsieur, le problème n'est pas là, c'est une promesse de campagne du président de la République et donc nous tiendrons ses promesses. »

Marion Coisne

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