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Orges brassicoles et malt Des marchés sous haute tension

Le bilan offre-demande des orges brassicoles au niveau mondial se fragilise en raison d’évènements géopolitiques et climatiques. Une tension qui se répercute sur le marché du malt alors que la consommation de bière reprend.

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«Il manquera 190 000 t d’orges brassicoles au niveau mondial pour boucler le bilan entre l’offre et la demande en juin », a prévenu Julien Darley, DG de Granit négoce (Axéréal), lors du colloque Orges brassicoles, organisé par Arvalis à Nancy, le 5 avril. « L’orge de la récolte 2022 va être maltée plus tôt que d’habitude. » En effet, en 2021, le Canada, qui a connu une grande sécheresse, n’a produit que 2,15 Mt et l’UE est en retrait à 12 Mt en raison de soucis de qualité. L’Argentine a produit 3 Mt et l’Australie 3,3 Mt. Mais la Chine, premier importateur mondial, n’a pas commercé avec l’Australie, un de ses fournisseurs habituels, en raison de conflits politiques. L’Australie, qui a dû chercher des marchés en Amérique et même en Europe (fait exceptionnel), n’a exporté au final que 650 000 t. Les besoins intra-européens étant de 11,1 Mt, l’UE a exporté 700 000 t. « Le stock de fin de campagne 2021-2022 dans l’UE est très faible, à 170 000 t, dont seulement 20 000 t en orge de printemps, ce qui peut mettre en danger les indus­triels », note Rémi Dequesnes, responsable des achats chez Malteurop (Vivescia). Heureusement que l’Argentine a pu exporter 2,45 Mt, soit autant que l’Australie habituellement !

La France incontournable

Avec 4,8 Mt d’orges brassicoles (40 % de l’orge totale), la France est le premier producteur et troisième consommateur (1,6 Mt) de l’UE, et le deuxième exportateur mondial (3,2 Mt), en grande partie vers l’UE. L’orge française y est incontournable. « Elle a notamment un avantage concurrentiel pour les pays du nord de l’UE par rapport aux autres origines. Le transport au départ de la France via la voie fluviale, le rail ou la route est plus compétitif que le fret maritime dont le coût a augmenté de plus de 300 % en moins de deux ans. »

Comme au niveau mondial, le bilan offre-demande en orges brassicoles en Europe se fragilise en raison de la réduction des surfaces des pays exportateurs (sauf la France), du contexte en Ukraine, de l’abandon des exports australiens vers la Chine et du risque climatique. S’y ajoute une demande en orge fourragère forte et exceptionnelle, en raison de la guerre en Ukraine et de la sécheresse au Maroc et en Espagne. Ce marché aux critères de commercialisation plus simples peut attirer les offreurs d’orges brassicoles si les malteurs ne se positionnent pas assez rapidement. Le stock de fin de campagne, très bas, laisse peu d’amplitude aux malteurs.

Production incertaine

« La consommation mondiale de bière en 2022 devrait retrouver le niveau de 2019 (367,3 Mhl), après un recul important en 2020 (340,6 Mhl) en raison du Covid et une reprise partielle en 2021 (359,7 Mhl) », estime Christine Bonnenfant, directrice commerciale chez Malteurop France. Pour y faire face, l’Europe et le Royaume-Uni ont une capacité de production de malt de 9,9 Mt, dont 52 % pour l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Avec une production de 9,4 Mt en 2021 et une demande intérieure de 6,2 Mt, le surplus exportable pour 2021-2022 est de 3,2 Mt. En 2022, si les exportations ukrainiennes (50 000 t en 2021) et russes (240 000 t) ne peuvent se faire, leurs clients habituels (Europe de l’Est, Asie centrale, Afrique, Amérique du Sud) pourraient se tourner vers l’UE. De son côté, la France, troisième pays producteur de l’UE avec 1,4 Mt de malt (pour des besoins en 2021 de 250 000 t), est le premier exportateur mondial avec 1 Mt (soit 75 % de sa production) : 35 % vers l’UE, 31 % vers l’Afrique, 15 % vers l’Asie, 14 % vers l’Amérique et 5 % vers l’Europe hors UE.

Hausse des prix inévitable

« À court et moyen termes, nous allons connaître des tensions sur les disponibilités en malt, déjà bien utilisées pour répondre à la reprise de la consommation de la bière », estime Christine Bonnenfant. Or les problèmes de qualité des orges de la récolte 2021 ont réduit les capacités de production pour 2022. S’y ajoute la baisse prévisible des exportations russes et ukrainiennes. Tous ces évènements vont avoir un impact très fort sur le prix du malt, sans compter l’inflation (énergie, prix des orges). « Les brasseurs vont donc devoir s’habituer à des prix de malt élevés à l’avenir et le consommateur à payer sa bière plus chère que par le passé », conclut-elle.

Chantal Urvoy

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