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La coop à la Une Saint-Hilaire-lez-Cambrai : la capacité d’innover

Discrète et de taille plutôt modeste, la coopérative agricole de Saint-Hilaire-lez-Cambrai, dans le Nord, cultive la proximité, l’efficacité et les projets, avec un pied en grandes cultures et un autre en élevage. Indépendante, elle s’appuie avant tout sur la fidélité de ses adhérents. Ici, Jérôme Lobbedez, son directeur.Par Blandine Cailliez Photos : Denis Paillard

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La coopérative de Saint-Hilaire-lez-Cambrai, dans le sud du département du Nord, a été créée en 1931, au lendemain de la crise de 1929, par des agriculteurs prêts à investir collectivement pour mieux valoriser leur production. « Près de 90 ans plus tard, ce sont les petits enfants des fondateurs qui sont aujourd’hui ses adhérents, et la coopérative a toujours gardé la même philosophie, à savoir servir ses adhérents, explique Jérôme Lobbedez, son directeur. Elle n’a jamais oublié sa vocation initiale, l’investissement en commun et la meilleure valorisation possible des céréales produites par les agriculteurs. »

Si plusieurs générations d’adhérents se sont succédé de père en fils, et sont restées fidèles à leur coop, ils ont aussi fait confiance à la même famille pour la diriger depuis le début, puisque c’est l’arrière-grand-père de Jérôme Lobbedez qui avait aidé les fondateurs à créer la coopérative, et que son grand-père puis son père en ont ensuite assuré à leur tour la direction. Il a lui-même pris le relais, très jeune, à 23 ans, à la suite du décès prématuré de son père, en 1996.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans un environnement où les coops n’ont cessé de se regrouper ou de fusionner, celle de Saint-Hilaire-lez-Cambrai est toujours restée indépendante, et le nombre d’adhérents toujours sensiblement le même, aux alentours de 180. Si la surface moyenne par exploitation n’a cessé d’augmenter et le périmètre de la coop de s’élargir, elle a constamment attiré de nouveaux agriculteurs. Au cours des vingt dernières années, sa collecte est passée de 8 500 à 28 500 t et son chiffre d’affaires de 2,3 à 10 millions d’euros. « Les racines de la coopérative, ce sont ses adhérents, et c’est leur fidélité qui fait sa force aujourd’hui, souligne Philippe Bricout, son président. Notre gros atout, c’est le fait de rester une structure à taille humaine et bien ancrée dans son territoire. Les adhérents veulent qu’elle reste indépendante, ils veulent pouvoir appeler le directeur à tout moment, pour discuter de la vente de leurs céréales, par exemple. Notre force, c’est aussi le professionnalisme de ses hommes. Nous avons su nous entourer de personnels compétents et c’est une chance. »

Aujourd’hui, la zone d’activité de la coop de Saint-Hilaire-lez-Cambrai s’étend d’ouest en est, de Cambrai au Quesnoy, et du nord au sud, de Vendegies-sur-Écaillon à Caudry, un terroir au potentiel élevé en grandes cultures, mais un bassin qui compte aussi des éleveurs. En céréales, elle a investi dans des silos au fur et à mesure que la production des agriculteurs augmentait, et en particulier au cours des quinze dernières années. « Les adhérents ont toujours voulu se donner les moyens d’investir dans l’amélioration des installations, souligne le directeur. La coopérative s’est équipée successivement de trois silos de 5 000 m3 en 2004, 2010 et 2015, et d’un séchoir à maïs il y a huit ans. » Elle a investi 250 000 €/an pendant douze ans, et dispose aujourd’hui d’un outil performant et d’une capacité de stockage de 20 000 t, pour une collecte de 28 600 t. Cette phase d’investissements importants est terminée, ce qui a permis à la coop de réduire son ratio emprunts sur capitaux propres à seulement 60 %.

Travail de concert avec d’autres structures coopératives

Cette volonté de rester indépendante ne l’a pas empêchée de se rapprocher d’autres structures coopératives pour se faciliter la tâche dans certaines activités ou réduire ses coûts. « Nous sommes, par exemple, membre de l’union d’approvisionnement Sicapa depuis sa création, précise Jérôme Lobbedez. Ce qui nous permet de rester compétitifs en appro. » Saint-Hilaire-lez-Cambrai travaille aussi de concert avec les coopératives voisines d’Avesnes-sur-Helpe, dans le Nord, et l’union de la Scarpe, dans le Pas-de-Calais, en alimentation animale. « Nous disposons d’un moulin pour fabriquer les aliments simples, 5 000 t/an, mais pour les formulations plus spécifiques, nous faisons appel à nos coopératives partenaires. ». La coop de Saint-Hilaire partage également une technicienne élevage avec celle d’Avesnes-sur-Helpe. « Nous avons toujours gardé un pied dans les céréales et un pied dans l’alimentation animale, mais avec l’agrandissement des exploitations, l’élevage était devenu le parent pauvre au sein de la coopérative, reconnaît Fabrice Leroy, son vice-président. Nous avons décidé il y a deux ans et demi de redynamiser le secteur de l’élevage. Cela s’est traduit par l’embauche de notre technicienne spécialisée à mi-temps. Nous proposons aussi aux éleveurs des formules et des mélanges beaucoup plus variés que par le passé. Et le résultat est très positif, nous avons de très bons retours de la part des adhérents. » La coop de Saint-Hilaire a également investi avec ses deux autres coopératives partenaires dans un outil de triage à façon des semences.

« Nous mettons aussi en place avec l’union de la Scarpe des plateformes d’essais en grandes cultures, avec des expérimentations variétales pour identifier les variétés les mieux adaptées à notre terroir, et des essais désherbage et fongicides, pour ajuster au mieux les programmes et les doses », précise Jérôme Lobbedez. Sur le plan de la commercialisation des céréales, la coopérative n’a pas ressenti à ce jour le besoin de s’associer avec d’autres structures. « Nos céréales sont surtout destinées à l’exportation vers les pays d’Europe du Nord et notamment le Benelux, indique le directeur qui suit lui-même ce dossier. Elles sont valorisées essentiellement en alimentation animale. Le Nord n’est pas un département qui compte beaucoup de meuniers. Notre terroir est plutôt adapté à la production de volumes, et lorsque nous avons la chance d’avoir des protéines, les fabricants d’aliment du bétail savent aussi les rémunérer. » Pour lui, ce qui compte, c’est d’être le plus efficace possible pour bien valoriser la collecte, et de maintenir le coût d’intermédiation de la coop le plus bas possible. Les agriculteurs vendent leur récolte au prix ferme, pour 75 % de la collecte, et au prix moyen, pour 25 %. La part valorisée au prix moyen a tendance à augmenter.

Un projet de méthanisation à 5-6 M€

« Le fait d’être une petite coopérative et de rester indépendante ne nous a pas empêchés non plus d’innover, poursuit Philippe Bricout. Nous avons monté, il y a dix ans, une unité de trituration du colza, qui absorbe la totalité de notre collecte, soit 2 000 t. » Les 750 t d’huile produites sont jusqu’à présent destinées à l’alimentation des porcs et des volailles avec un client unique à La Martinique. « Cette activité est intéressante pour les producteurs de colza, mais aussi pour les éleveurs, constate Fabrice Leroy. Alors que la France cherche à réduire son déficit en protéines végétales, nous sommes très satisfaits de pourvoir utiliser les tourteaux de colza riches en huile, pour couvrir une partie des besoins en protéines de nos éleveurs. » La coopérative est en train d’étudier la mise en place d’un atelier d’embouteillage et une cellule de vente directe, pour valoriser l’huile en alimentation humaine et ainsi dégager une marge un peu plus élevée.

Autre gros projet qui anime les dirigeants depuis plusieurs mois, celui de la méthanisation. « C’est la coopérative qui porte le projet, mais chaque adhérent aura la possibilité ou pas d’investir, précise Philippe Bricout. Nous sommes allés à la rencontre des collectivités, pour leur proposer de valoriser leurs déchets, en plus de l’utilisation des produits d’origine agricole. L’objectif est pour les agriculteurs de valoriser leurs déchets d’origine animale et végétale, et de récupérer des matières fertilisantes. C’est aussi d’offrir à la population locale une façon de valoriser leurs déchets et de produire localement de l’énergie renouvelable. » Le projet, qui mobilise un collectif d’adhérents en production végétale et en production animale avec l’Ademe et les intercommunalités et communauté d’agglomération, devrait nécessiter un investissement d’au moins 5 à 6 M€. « Ce projet est une façon de réconcilier les grandes cultures avec l’élevage, et surtout le monde agricole avec son environnement local », ajoute Fabrice Leroy. Un vrai projet de territoire pour la coopérative.

© Denis Paillard - Jérôme Lobbedez, directeur de la coopérative de Saint-Hilaire-lez-Cambrai : « Nous travaillons actuellement sur deux projets, la commercialisation d’huile de colza en alimentation humaine, et la méthanisation. »

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