Covid-19 Premiers enseignements
Le confinement a obligé à de nouvelles façons de faire qui poussent un certain nombre d’entreprises, voire les confortent, dans des initiatives qui font bouger les lignes de l’organisation du travail ou de la relation à l’agriculteur. Avec à la clé des gains associés et une digitalisation amplifiée. L’ampleur de la crise sanitaire laisse aussi des traces dans les circuits courts et fait émerger des questions en amont et en aval.Par Hélène Laurandel avec les correspondants
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Il est délicat de parler d’enseignements à tirer à propos d’une crise qui fait vivre un drame humain sur divers plans, d’autant plus qu’elle n’est pas terminée. Mais il est difficile de ne pas le faire car les faits sont là, et peut-être que cette période compliquée n’est pas arrivée pour rien. L’espoir mis par certains dans l’« après » a pu être source de déception car on le voudrait dans l’immédiateté. Or les prises de conscience et évolutions, si elles doivent avoir lieu, ne se font pas d’un claquement de doigts. Cependant, dans l’instant présent, des entreprises souhaitent rebondir sur les nouvelles façons de faire imposées par le confinement. « On veut en sortir plus fort », m’a-t-on confié. « On a tous appris beaucoup. Comment alors donner une forme pérenne dans nos modes de fonctionnement au télétravail et au travail à distance ? La solution digitalisée fait gagner un temps fou ; cependant, il s’agit de trouver la juste dose pour ne pas supprimer tout ce qui existait avant », estime Dominique Chargé, président de La Coopération agricole.
Les postures diffèrent face au Covid. Si certains ont repris quasiment le cours de leur vie d’avant (la prévention sanitaire perdurant), d’autres veulent faire de cette période un levier de progrès pour l’entreprise et ses salariés, et les agriculteurs. Cependant, même la vie d’avant n’est plus tout à fait la même, car le confinement a laissé ses traces en ouvrant la porte à un peu plus de digitalisation, à des réunions ou premiers entretiens d’embauche en visio. Tout comme la crise a pu laisser des traces psychologiques et physiques avec stress et surmenage.
Pour rebondir, il s’agit de mettre en place des mesures concrètes dès maintenant, « sinon le monde d’avant va revenir. Or des enseignements sont à tirer de cette crise », affirme Sébastien Graff, DRH d’InVivo qui a lancé un plan de relance dès avril. On revisite alors l’organisation du travail (pp. 26 à 29) et on s’attelle à faire perdurer de nouveaux services aux agriculteurs (pp. 30 à 33). Avec à la clé davantage d’efficacité et de flexibilité, un quotidien facilité si, bien sûr, les conditions sont appropriées, et une amplification du digital.
Le confinement a eu un effet accélérateur sur des décisions ou projets en cours. « Cette crise nous a poussés à valider la réorganisation de nos bureaux pour dédier un accueil clients par activité, afin de gérer au mieux les flux de personnes et éviter les croisements. Cette période m’a fait comprendre que je devais accélérer nos projets face à un temps qui passe vite et à la question de l’environnement », avance Johann Landreau, responsable agricole de Landreau Groupe. Des remises en question se posent également. Pour Nicolas Lecat, dirigeant de RAGT Plateau central, « ces épisodes nous obligent à nous interroger sur le fonctionnement en flux tendu permanent, même si les OS ont pu approvisionner en continu et sans rupture les outils de transformation ». Consultant métiers du grain, Jonathan Thevenet y voit « l’opportunité de se poser la question de l’agilité pour produire sur d’autres segments et de décortiquer l’efficacité et la performance de la chaîne du grain ».
Les élans de solidarité n’ont échappé à personne non plus avec, au sein même des entreprises, des salariés venant prêter main-forte sur les postes très sollicités. « Cela va-t-il perdurer ? Un enseignement peut en être tiré : bien pointer ce que peuvent faire ou pas ses collaborateurs, mieux connaître leur agilité, leur flexibilité au niveau géographique ou des compétences », poursuit Jonathan Thevenet. Un esprit de solidarité qui a marqué toute la chaîne alimentaire et fait dire à Philippe Chalmin, dans son dernier rapport OFPM, « alors que l’on commençait à déplorer une lente dilution de l’esprit des EGalim, cette épreuve a permis de retrouver un climat de conciliation au niveau interprofessionnel, avec un recours peut-être un peu moins systématique aux arbitrages de la puissance publique. Puisse cet esprit perdurer au-delà de la crise. »
Une parenthèse dorée
Cependant, si la filière alimentaire a réussi à faire face et que le champ du possible s’est ouvert, « la rentrée s’annonce difficile avec la crise économique se profilant, remarquait mi-juillet Dominique Chargé. La RHD est toujours en mode dégradé. Les aides de l’État vont se restreindre et dans le PLFR3, on a beaucoup de mal à faire prendre en compte les problèmes de la RHD ». En outre, Bertrand Valiorgue, professeur en stratégie et gouvernance, assure que « si le confinement a été une parenthèse dorée pour l’agricole et l’alimentaire, pour autant la société ne va pas cautionner les pratiques en place. Il va falloir évoluer. » Christian Huyghe, de l’Inrae, affirme lui aussi que « la pression sociétale ne va pas bouger » (lire ci-dessous). Et la pandémie qui dure nous rappelle que nous ne pouvons pas faillir et que des lignes sont certainement à bouger.
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