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Le lac de Montbel (Ariège) est rempli seulement à 30 % au 20 avril au lieu des 70 % habituels. Il sert, entre autres, pour l'irrigation.

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Dix-huit départements relèvent à ce jour d’une alerte sécheresse au 25 avril, d’après la plateforme Propluvia. Au 1er avril, 75 % des nappes avaient un niveau inférieur à la normale en fin d’hiver contre 58 % en mars 2022. Toutefois, les sols se retrouvent aujourd’hui dans une situation légèrement plus humide que la normale, sauf en Occitanie et sur le pourtour méditerranéen où ils sont très secs.

Si on se projette dans le climat futur, l’étude Explore 2070 annonce, pour 2050, une diminution de 10 à 40 % des débits moyens annuels des cours d’eau, et des sécheresses et inondations plus fréquentes et intenses. Et à l’horizon 2100, selon le dernier rapport Giec-Drias, « les précipitations seraient 5 à 10 % supérieures dans la moitié nord et 5 à 20 % inférieures pour la moitié sud en métropole avec le scénario RCP 8.5. Les solutions d’adaptation ne seront pas forcément les mêmes et les disparités vont s’accentuer », estime Alain Dupuy, professeur d’hydrologie.

Des mesures du Plan eau inquiètent la profession

Face à ces changements potentiels, des initiatives sont mises en place pour aller chercher de la résilience et préserver la ressource en eau et la production agricole. Ainsi, le gouvernement a annoncé fin mars un Plan eau de 53 mesures dont certaines inquiètent cependant la profession. « Plusieurs mesures ne correspondent pas aux annonces politiques, en particulier la 11 qui veut mettre fin à toute nouvelle autorisation de prélèvement sur les zones en déficit. D’autre part, le budget alloué au secteur agricole est très faible, partage Frédéric Marcato, coprésident du Comité eau de La Coopération agricole. Les premières traductions en ce sens sont déjà en cours dans les agences de l’eau. »

Se projeter en 2050

Coté amont agricole, coops et négoces de toutes les régions se rejoignent désormais autour des enjeux climatiques, en particulier la disponibilité en eau, et prennent la mesure du travail à accomplir (pp. 28 à 31). « Restons positifs, nous trouverons les solutions », lance Jacques Groison, DGA d’Arterris. Des mesures agronomiques sont mises en œuvre pour notamment disposer d’un sol « éponge » riche en eau en favorisant la vie du sol (pp. 32-33). Des évolutions d’assolement sont opérées et des cultures nouvelles sont testées et étudiées sous l’angle de leur résistance au stress hydrique et aux pics de chaleur, à l’image de la démarche d’Alliance BFC avec ses nouvelles plateformes (p. 30). Le maïs tend à perdre un peu de terrain au profit de cultures moins gourmandes en eau comme le tournesol, le sorgho ou les céréales d’hiver. Et des jeux d’assolement se font entre région. « Les légumiers viennent sécuriser leurs productions chez nous sur notre zone sableuse, un tiers de notre territoire, bénéficiant d’une nappe phréatique sans contrainte de limite. Et les semences sous contrat se développent. Le maïs a alors reculé de 37 % en dix ans », explique Laurent Badin, directeur commercial du pôle végétal de Maïsadour.

Toutefois, la modification des assolements suscite des appréhensions en regard des filières existantes et de celles qui seraient à mettre en place. « Il s’agit en fait de se projeter dans une France en 2050 où les répartitions des productions ne sont plus les mêmes et avec, derrière, le tissu économique qui doit évoluer, la question de ce qui sera acheté et consommé », développe Thierry Caquet, directeur scientifique environnement de l’Inrae. Ce n’est pas un exercice si simple.

Irriguer autrement

La génétique entre aussi en scène avec « des agriculteurs demandant à nos négociants des variétés de maïs aux indices plus courts pour une floraison plus précoce, dans une période moins risquée en stress hydrique et moins exposée au risque de coupure d’eau, détaille Nicolas Pugeaux, du Naca. Et en élevage, la tendance est aux prairies moyenne et longue durée à base de dactyle, fétuque, festulolium et des variétés de maïs ensilage au cycle plus long pour éviter une récolte trop précoce en août. »

Avec des risques de stress hydrique marqué lors des stades critiques des cultures, la question du déploiement de l’irrigation et de son optimisation (pp. 37-38) est posée, d’autant que des nouvelles régions pourraient y avoir recours. « Pourquoi ne pas entamer alors une réflexion sur le choix des cultures à irriguer et dans quelle région ? interroge Sami Bouarfa, directeur adjoint du département Aqua de l’Inrae. Tout en repensant l’irrigation sous la forme d’une irrigation de résilience en année sèche et non d’irrigation maximaliste. »

Réutiliser les eaux usées

Très vite derrière, on se retrouve avec la question de la ressource en eau et, entre autres, de la création de retenues collinaires ou de réserves de substitution (pp. 34-35) et de leur acceptabilité sociale. Sur ce sujet, juste avant la manifestation à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), un collectif « anti-bassine » s’est créé dans le Morbihan pour être en veille sur d’éventuels projets bretons. « Sans retenue, il serait compliqué de continuer à produire, souligne Frédéric Marcato. D’autant plus que depuis deux à trois ans, certains contrats de l’aval exigent un accès à l’eau. » Président de Terre Atlantique, Jean-Yves Moizant, qui attend le retour en appel d’un projet de réserve lancé en 2004, connaît aussi ces exigences : « On loupe des contrats en semences car il faut irriguer. Avec plus de réserves, nous pourrions également développer des cultures à forte valeur ajoutée comme les légumes. Je suis très inquiet sur la gestion quantitative de l’eau en France car on ne fait qu’accélérer le circuit de l’eau vers la mer. »

« Certains contrats de l’aval exigent un accès à l’eau »

À moins qu’une nouvelle ressource ne prenne de l’ampleur : la réutilisation des eaux usées, avec un règlement européen du 25 mai 2020 qui entrera en vigueur le 26 juin 2023 et modifiera la règlementation française actuelle pour les usages d’irrigation agricole. À Mont-de-Marsan (Landes), un projet est à l’étude pour irriguer 1 000 ha avec le million et demi de m3 d’eau traitée d’une station d’épuration. Le premier réservoir devrait voir le jour en 2025.

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