La solution azotée fait son marché à terme
Le contrat Euronext portant sur la solution azotée démarre le 14 novembre. Entre enthousiasme et hostilité.
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Après les grains, les engrais. Euronext diversifie son panier de commodités en mettant en orbite son premier contrat à terme sur les engrais azotés. Il s'agit d'un contrat à livraison physique sur la solution azotée, négocié en euros. « Il s'adresse à l'ensemble des partenaires de la filière, depuis les producteurs d'engrais jusqu'aux agriculteurs en passant par les exploitants de terminaux de stockage et les coopératives et négoces », détaille Ulrich von Fürstenberg, chef du projet, chez Euronext.
Echec du contrat CME
« Il interpelle également les Américains », poursuit son collègue, Lionel Porte. D'autant que l'unique contrat existant jusqu'ici sur la solution azotée (Fob Nouvelle-Orléans), porté par le CME depuis un an et demi, ne fonctionne pas. Euronext a donc souhaité procéder différemment. « Tous nos contrats sont à livraison physique, alors que les contrats engrais du CME sont en numéraire, rapporte Lionel Porte. Et puis, on ne voulait pas lancer un panier pour s'appuyer sur un seul mécanisme. »
La France et les Etats-Unis sont les deux bastions de la solution azotée. Elle couvre en France, un tiers de l'azote épandu. « Géographiquement, sa consommation est concentrée sur les exploitations du Bassin parisien qui utilisent des pulvés de grande largeur », note Philippe Eveillard, à l'Unifa. Justement, Rouen est le point de livraison sélectionné pour ce contrat. Ce hub céréalier est aussi le plus important site d'importation de solution azotée en Europe.
Un marché de niche ?
Sur un marché national estimé entre 2,2 et 2,4 Mt, ce sont 1,3 Mt à 1,4 Mt qui arrivent au port de Rouen, dont 1 Mt chez Rubis terminal, seul point de livraison accrédité pour ce contrat. Le cycle des échéances (mars, juin, septembre et novembre), couvre un horizon de cotation de plus de deux ans, « afin d'être en adéquation avec la saisonnalité des semis, des épandages et des récoltes pour les différents types de culture », justifie Euronext.
Non convaincus de la pertinence d'un tel outil, les industriels français y sont plutôt hostiles. A l'instar de Jean-Luc Pradal, DG de Fertiberia France : « En France, qui est capable de s'arbitrer sur de la solution azotée ? C'est un marché de niche. Il n'y a que dix gros acheteurs et trois ou quatre fournisseurs. » « Sur le principe, on n'a pas de problème avec les marchés à terme, c'est sain lorsque le marché est suffisamment fluide pour le porter », reprend-on à l'Unifa. Mais actuellement, « la plupart de nos adhérents présents sur la solution azotée passent des contrats forward (long terme) avec la distribution ». « Les opérateurs veulent aller plus loin dans les contrats, plus de longueur, plus de transparence, plus de sécurité, fait remarquer Ulrich von Fürstenberg. Je crois qu'ils sont prêts à passer à une autre méthode de travail. »
Reste la question logistique : comment faire bouger des volumes en cas de livraisons physiques non négligeables ? « Nous nous appuyons au maximum sur les modes opératoires utilisés pour le marché physique », répond-on, chez Euronext. D'où une période d'exécution ouverte sur environ 45 jours : du 6e jour qui suit l'expiration de l'échéance (fixée au 10 du mois précédent le mois d'échéance) jusqu'à la fin du mois d'échéance. « On se demande, quand même, comment va être traité le sujet de la saisonnalité avec une production de solution azotée toute l'année, et une utilisation sur deux ou trois mois », objecte Gilles Poidevin. Au-delà de ces aspects techniques, les industriels ne voient pas d'un bon oeil un outil qui fait la promotion d'un produit qui, selon eux, ne présente pas un bon bilan agronomique ni environnemental. De surcroît, il est importé à 90 %, et son utilisation tend d'ailleurs à croître, notamment cette campagne, par raisonnement économique.
Les distributeurs le voient bien et ce sont eux d'ailleurs qui ont fait la demande de contrat. Même s'ils ne vont peut-être pas s'y jeter à corps perdu dans un premier temps, ils sont plutôt enthousiastes et vont regarder attentivement ce qu'il s'y passe. Ils seraient assez tentés de s'en servir pour proposer des contrats à prime, voire des offres couplées engrais-céréales, notamment chez des exploitants gestionnaires de marge.
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