Faire reculer les limites de la sélection
La recherche génétique change de dimension : exploitation de la biodiversité, génomique, pistes de sélection complètement innovantes... C'est vrai en blé, mais aussi pour les autres espèces de grandes cultures.
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S'il y a quelques années, on avait l'impression de perdre un programme de sélection en céréales à paille, tous les deux ou trois ans, le blé fait aujourd'hui l'objet d'une toute nouvelle mobilisation et les sélectionneurs tentent d'exploiter de nouvelles pistes très innovantes comme celle des variétés synthétiques par exemple. « Le blé tendre est le résultat de l'addition des génomes A, B et D de trois plantes différentes, explique Alain Murigneux, directeur des ressources génétiques, chez Limagrain Europe. Le génome A est celui de Triticum monococcum, une plante qui date d'il y a environ cinq millions d'années. Cette plante a été croisée une première fois, il y a 400 000 ans, avec Aegilops speltoïdes (génome B) pour donner le blé dur. Le blé tendre est né du croisement du blé dur, il y a environ 10 000 ans, avec Aegilops squarrosa, encore appelée Aegilops tauschii, qui a fourni le génome D du blé tendre. La création de variétés synthétiques consiste à repartir de ces trois plantes sauvages qui existent toujours aujourd'hui, et de les recroiser entre elles. » Limagrain a engagé des programmes en ce sens, avec d'autres partenaires, dans le cadre du fonds de soutien à l'obtention végétale en blé tendre, et avec l'institut de recherche anglais, NIAB (National Institute of Agricultural Botany).
Des hybrides aux variétés polyploïdes
Les blés hybrides sont aussi en ligne de mire des sélectionneurs, et en particulier de Limagrain, DuPont Pioneer, Syngenta, Bayer... et bien sûr, de Saaten Union, le seul semencier à en proposer aujourd'hui en Europe. A côté du schéma classique de production des hybrides avec agent chimique d'hybridation, le semencier allemand travaille à partir de deux autres techniques d'hybridation, génétiques cette fois, la technologie HyWheat qui repose sur une source de stérilité provenant d'une orge sauvage Hordeum chilense, et un système de restauration de fertilité Split Gene, mis en place avec des instituts de recherche publics allemands, qui fait appel aux OGM. « Nous sommes convaincus que la montée en puissance des blés hybrides est inéluctable et qu'ils pourraient représenter 2 Mha en France, dans vingt ans », estime Guillaume de Castelbajac, directeur de Saaten Union, en France. En parallèle, Saaten Union a démarré avec la société israélienne Kaiima, un programme de création de variétés de blé polyploïdes, comme c'est le cas en ray-grass. Il consiste à multiplier par deux le nombre de chromosomes du blé. « Cette voie nous semble très prometteuse, en terme de gain de rendement et de protéines », souligne le Dr Volker Lein, directeur scientifique de Saaten Union qui attend l'inscription des premières variétés de ce type pour 2017. Bayer CropScience, de son côté, est aussi en train de mettre en place un programme de sélection en blé. Le groupe a inauguré en juin un centre de sélection, à Gatersleben, dans le nord-est de l'Allemagne et a racheté la station de sélection de RAGT semences à Milly-la-Forêt, au sud de Paris, qui comprend 180 ha de terres, des serres et des laboratoires. Il va aussi investir dans une nouvelle station de recherche en Australie et envisage à moyen terme, de faire de même en Asie et en Amérique latine. Toutes espèces confondues, le groupe prévoit que le secteur des semences devrait atteindre 20 % de ses ventes globales d'ici à 2016.
Exploiter les ressources génétiques
L'exploitation des ressources génétiques présente aussi un très grand intérêt aux yeux des sélectionneurs. « Elle constitue un formidable outil d'innovation, ajoute Alain Murigneux. Les ressources génétiques sont utilisées depuis cinquante ans, mais aujourd'hui des outils modernes comme le marquage moléculaire permettent d'accélérer l'introduction de cette diversité génétique dans notre propre matériel. Des programmes de recherche sont en cours, en collaboration avec le Cimmyt, et dans le cadre du programme d'investissement d'avenir Breedwheat, pour introduire dans les variétés élites françaises de blé, des sources de tolérance à partir de variétés exotiques, cultivées dans des régions géographiques arides. » Ce programme associe l'Inra de Clermont-Ferrand et de nombreux partenaires publics et privés.
Les OGM poursuivent leur progression
Des programmes similaires ont également été lancés en France, en maïs, Amaizing, en colza, Rapsodyn, en pois protéagineux, Peamust, en tournesol, Sunrise et en betteraves sucrières, Aker (lire ci-dessus). On peut d'ailleurs se demander si ce nouvel intérêt pour l'exploitation des ressources génétiques aurait été aussi important en France et dans les autres pays européens, si les OGM avaient été autorisés comme sur les autres continents. « Je crois que oui, estime Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint de l'agriculture, à l'Inra. Car dans les pays où les OGM sont autorisés, on sent aussi une forte mobilisation autour des ressources génétiques, notamment aux Etats-Unis. » D'autres pistes originales sont également explorées. Après le lancement de maïs, de tournesol ou de colza résistants à des herbicides par BASF, Bayer et KWS ont annoncé la mise au point de betteraves résistantes à un herbicide de la famille des inhibiteurs d'ALS.
Les OGM, quant à eux, poursuivent leur progression... En France, même si l'épisode Séralini se termine par un rejet des conclusions de son étude, à la fois par l'Efsa, l'Autorité européenne de sécurité alimentaire, l'Anses, l'Agence française de sécurité sanitaire et le Haut conseil des b iotechnologies, ce type d'événements contribue toujours à retarder les autorisations sur le sol français. Les surfaces d'OGM n'attendent pas un accès au marché européen pour continuer leur progression. Les chiffres de 2012 ne sont pas encore connus, mais ils ont franchi en 2011, la barre des 160 Mha cultivés sur la planète.
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