Bientôt trois mégafirmes sur le marché
Le secteur de l'agrochimie, poussé par un contexte peu porteur, est en pleine restructuration. ChemChina a mis la main sur Syngenta, Dow et DuPont s'unissent, et Bayer s'offre Monsanto. Si ces rapprochements aboutissent,trois firmes détiendront plus des trois quarts du marché.
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L'an dernier, dans ce même numéro, nous parlions de « rachats conséquents » en 2015 dans le secteur de l'agrochimie. La firme américaine FMC a racheté la danoise Cheminova pour 1,8 milliard de dollars, et Platform Speciality Product, après avoir mis la main sur Chemtura, a acquis le belge Agriphar pour 300 M€ et Arysta LifeScience pour 3,51 Mds$. Des mouvements notables, certes, mais bien peu comparé à 2016, car il s'agit cette fois des leaders du marché.
Fin 2015, les deux chimistes centenaires américains Dow et DuPont ont annoncé leur volonté de fusionner en une entité par la suite scindée en trois, avec une division agriculture (lire page 8). Début 2016, c'est au tour de ChemChina d'annoncer le rachat de Syngenta, alors que depuis plusieurs mois, Monsanto lorgnait sur le suisse, sans succès (lire page 10). De prédateur, l'américain Monsanto est devenu proie : Bayer a confirmé en septembre dernier vouloir absorber le spécialiste du Roundup (lire page 12). Et BASF dans tout ça ? Le numéro trois mondial ne s'interdit rien, et pourrait s'offrir ça et là des activités cédées par les protagonistes des rapprochements (lire page 12).
Si les projets en cours aboutissent, car ils doivent encore être approuvés par les autorités de la concurrence à travers le globe, le panorama mondial va radicalement changer. Plus de 75 % du marché seraient entre les mains de trois mégafirmes. Pas étonnant que la Commission européenne se montre frileuse, et diligente des enquêtes plus approfondies. Outre un contexte mondial peu porteur, avec un marché phytos passé de 56,6 Mds$ en 2014, à 51,21 Mds$ en 2015, pourquoi de tels mouvements, maintenant ? Jean-Charles Bocquet, qui après quarante ans dans la protection des plantes, a passé la main pour la direction de l'ECPA (European Crop Protection Association) à Jean-Philippe Azoulay,début septembre, livre son analyse personnelle : « Le business devient de plus en plus compliqué. Les investissements en R & D sont très importants. En moyenne, il faut onze ans pour sortir un nouveau produit. Il faut une taille critique pour survivre. Sans compter un contexte réglementaire européen qui se complexifie. »
Une cascade de fusions à venir ?
Ces rapprochements sont-ils une bonne ou une mauvaise nouvelle ? « Oui et non, répond Didier Thierry, directeur agriculture de Soufflet et président de la centrale d'achat et de référencement Symphonie. Je vois des conséquences positives et négatives. Avoir des groupes plus importants, sécuriser la recherche et l'innovation, avec des ressources humaines, des compétences et des moyens financiers plus importants, c'est positif. Mais cela veut dire moins de concurrence, des sociétés avec des parts de marché déjà notables qui augmentent encore et pour la distribution et les agriculteurs une plus grande dépendance vis-à-vis de ces acteurs qui vont avoir une taille énorme. Et peut-être que d'autres fusions sont dans les tuyaux, dans l'agrochimie, mais aussi dans les centrales d'achat et de référencement pour rééquilibrer les rapports. On a déjà vécu cela dans le passé. A chaque fois qu'il y a de grands mouvements de concentration, on observe des répercussions dans toute la filière. » Chez InVivo, Jean-Sébastien Bailleux, à la tête du PPA (pôle partenaires agrofourniture), est assez optimiste : « Je ne vois pas ça d'un mauvais oeil. Cela veut dire qu'il y aura toujours des firmes demain pour mettre en marché des produits. Après, à nous de négocier. Je ne dis pas que je suis heureux de ces rapprochements, mais ils actent que des entreprises s'intéressent toujours au marché de la protection des plantes. »
DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE
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