Des évolutions sous pression
Le monde bouge autour de l'agrochimie française. L'opinion publique et les médias continuent de dénoncer le danger des produits phytos. De leur côté, distributeurs et agriculteurs évoluent dans leurs pratiques. L'heure est à la réactivité pour les firmes.
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En parcourant le rapport de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé, on peut lire que « plusieurs des interlocuteurs entendus par la mission ont parlé de "fabrique du doute" à propos des pesticides et de la santé. » Le terme fait référence à une stratégie utilisée notamment par l'industrie du tabac, consistant à créer la confusion sur une question sanitaire pour gagner du temps par rapport à la mise en place d'une réglementation. Alors, l'industrie agrochimique, « fabrique de doute » ? Si l'assertion est fortement discutable, elle est assez révélatrice du climat anxiogène et accusateur qui plane autour des fabricants de produits phytosanitaires. Quand les résultats de l'industrie phytopharmaceutique pour la campagne 2011-2012 sont parus, révélant une légère hausse des ventes, beaucoup sont ceux qui y ont vu un échec du Plan Ecophyto 2018. « La stabilité des tonnages commercialisés, pour la deuxième année consécutive, illustre bien la prépondérance des conditions climatiques sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques », analyse Jérôme Barbaron, vice-président de l'UIPP, dans le rapport d'activité. « Nombre d'experts s'accordent à penser aujourd'hui que l'objectif de réduction de 50 % est quantitativement irréalisable, mais qu'une diminution de 20 à 30 % des intrants chimiques est envisageable à l'horizon 2018, pour peu qu'il n'implique pas une baisse trop sensible de la production (5 % serait un maximum) », appuie Hubert Faucher, professeur à l'Essec Business School.
A noter sur la campagne, une légère baisse des fongicides, avec un décalage des achats dû, d'une part à des homologations tardives, d'autre part à l'attitude curative des agriculteurs et aux stocks présents à la ferme. Les herbicides sont en hausse, en lien avec la météo. « Les herbicides betteraves ont connu un fort engagement pendant la morte-saison, conséquence de la tension sur certains produits lors de la campagne précédente qui a généré un réflexe de couverture de la part des distributeurs voulant se mettre à l'abri de rupture d'approvisionnement au printemps », note l'UIPP. Les insecticides eux aussi sont en hausse, du fait d'une forte pression parasitaire, de même que les TS.
Réconcilier la société avec l'agriculture
Si en pratique, la filière continue de se professionnaliser et d'innover, ces évolutions ne sont pas forcément perçues par l'opinion publique. « Parler d'innovation est anxiogène », avait souligné à l'automne 2011 Jean-Pierre Princen, alors président de l'UIPP, lors d'une journée organisée par Orama, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs et l'UIPP, autour de la question : « Est-il possible de concilier une agriculture productive et les attentes de la société ? » « La productivité n'est pas une attente sociétale », avait relevé Serge Michels, de l'agence de communication Protéines, suite à un sondage.
De nouvelles actions de communication, transversales à la filière, devraient ainsi voir le jour pour réconcilier la société avec une agriculture productive. Autre incompréhension, lors des récentes saisines : celle des écarts entre les conclusions des avis de l'Anses et les décisions prises par le gouvernement, comme dans le cas du Cruiser OSR. « Ce paradoxe est parfaitement rationnel pour d'autres : la notion de rationalité est différente entre le monde agricole et la société », analyse ainsi un expert. Alors, comment réduire ces incompréhensions ? Il est nécessaire pour le secteur de réagir intelligemment à cet environnement sociétal délicat, tout en continuant de suivre les évolutions des métiers de la distribution et des agriculteurs, partenaires incontournables.
DOSSIER RÉALISÉ PAR MARION COISNE
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