Composer intelligemment avec l'environnement sociétal
Les produits phytos et leurs fabricants sont régulièrement décriés pour leur danger sur la santé ou l'environnement. Difficile alors de communiquer pour la profession.
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Si les conséquences environnementales et sanitaires de l'utilisation de produits phytosanitaires reviennent régulièrement sur le devant de la scène, l'année 2012 a été particulièrement riche en événements. Pour rappel, le 13 février dernier, le tribunal de grande instance de Lyon a ainsi reconnu la responsabilité de Monsanto dans le préjudice subi par Paul François, agriculteur et président de l'association Phyto-victimes, après une intoxication à l'herbicide Lasso. Le 23 avril, la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale (Civi) d'Epinal jugeait recevable la demande d'indemnisation de Dominique Marchal, céréalier atteint d'un syndrome myéloprolifératif. Le 6 mai, la maladie de Parkinson provoquée par les pesticides est reconnue comme maladie professionnelle. Toutes ces décisions ont été très médiatisées. « Il faut lever le déni sur les problèmes de santé des agriculteurs », tonne Paul François. L'association Phyto-victimes, créée en mars 2011, est aujourd'hui un interlocuteur reconnu par les pouvoirs publics comme les syndicats. D'autres actions en justice initiées par des agriculteurs malades sont en cours.
Nouvelles données Agrican à venir
Quant au préjudice subi par Paul François, Monsanto a fait appel. Le verdict sera rendu courant 2013. En attendant, son affaire a alerté Nicole Bonnefoy, sénatrice de Charente, qui a été à l'initiative de la mission commune d'information sur les pesticides, dont le rapport a été présenté fin octobre (lire p. 16). Si l'impact de l'utilisation des produits phytos sur la santé des utilisateurs est difficile à estimer, pour les membres de la mission, il est clairement sous-évalué.
L'étude Agrican, lancée en 2005, vise à évaluer le risque de cancers professionnels dans le milieu agricole. Parmi les facteurs étudiés, on retrouve l'utilisation de produits phytos. Pierre Lebailly, coordinateur de l'étude, devrait bientôt présenter de nouvelles analyses, qui apporteront des éléments sur la survenue de cancers (incidence) en milieu agricole, en comparaison avec celle de la population générale, et ce de façon plus affinée au niveau des types de cancers. L'équipe de Pierre Lebailly va aussi travailler en collaboration avec d'autres chercheurs étudiant des cohortes agricoles, en Norvège et aux Etats-Unis, sur les cancers hématologiques. « Nous allons mettre en commun les données des trois cohortes, et comparer pour voir si nos résultats sont similaires », précise-t-il. Premier rendu des travaux prévu d'ici à fin 2013. En parallèle, un projet est mené par le consortium de recherche mondiale sur les cohortes agricoles (vingt-six dans douze pays), pour comparer l'incidence observée avec celle de la population générale dans les différents pays.
Les AMM au coeur du débat
Dernièrement, la sortie de l'étude menée par Gilles-Eric Séralini sur des rats nourris au maïs OGM NK 603 et au Roundup, et qui développent des tumeurs, a créé un nouvel emballement médiatique. Si l'étude a depuis été vivement décriée, elle a relancé le débat sur les AMM, et sur les protocoles d'études. C'est aussi un constat fait par la mission sénatoriale pour les phytos : « Il est nécessaire d'améliorer la procédure d'AMM et le suivi post-AMM. » Une demande de changement faite, alors même que des retards dans l'homologation des produits sont pointés du doigt, liés à la mise en place du règlement européen 1107/2009, mettant en place des homologations zonales. A noter, aussi, le dossier du Cruiser OSR, sous le coup d'un retrait d'homologation.
Dans ce contexte, il est parfois difficile pour les industriels de faire entendre leur voix. La journée de l'alimentation mi-septembre a été l'occasion pour l'UIPP de communiquer sur l'importance de la protection des cultures pour la sécurité alimentaire mondiale, et sur le fait qu'il n'y a « pas de protection des plantes durable sans innovations ». Et de rappeler également que parmi les innovations proposées on retrouve la protection des semences, technologie dans le collimateur de certaines associations. « Le grand public ne sait pas forcément que la mise en marché des produits est extrêmement réglementée », analyse Frank Garnier, président de Bayer CropScience et de l'UIPP. A l'échelle européenne, l'ECPA (European Crop Protection Association), travaille aussi à améliorer l'image des industriels auprès de l'opinion publique, par une démarche intitulée « Time to Change », autour de quatre piliers : eau, alimentation, santé et biodiversité. La profession continue de s'ouvrir au dialogue, comme lors de la médiation organisée par Farre et France nature environnement à la rentrée, sur deux sujets cristallisant la tension entre défenseurs de l'environnement et monde agricole : les algues vertes et les pesticides. Frank Garnier y a participé pour exposer une vision de la problématique des produits phytos, face à Claudine Joly, membre de FNE.
Après une journée de débats, le médiateur, Maître Francis Teitgen, a rédigé une charte de médiation. Elle liste les points de consensus et de désaccord, ainsi que les engagements, comme l'organisation de rencontres régulières. Cette charte a été adressée le 5 octobre aux présidents de Farre et FNE, pour signature.
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