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Les phosphates à l'épreuve du règlement européen

Le nouveau règlement favorise les phosphates pauvres en cadmium. Dans ce cadre, les gisements russes tiennent la corde (ici, PhosAgro, à Vostochny).PHOSAGRO

Le Parlement européen a voté le 24 octobre l'harmonisation de la législation dédiée aux engrais. Le débat s'est cristallisé autour des teneurs en cadmium dans les phosphates.

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Depuis huit ans que l'on en parle, la finalisation du règlement européen relatif à l'harmonisation de la mise en marché des fertilisants sur le territoire communautaire, est désormais proche. Le Parlement européen s'est positionné le 24 octobre et le Conseil doit adopter sa position « d'ici la fin de l'automne », selon Eric Liégeois, qui s'exprimait quelques jours plus tôt à la conférence Argus FMB, à Barcelone. Pourra alors commencer le trilogue entre Parlement, Conseil et Commission européenne, afin de bâtir un compromis au 1er semestre 2018. La mise en application est prévue, au mieux, fin 2020.

Les Russes ont la cote

Au Parlement, et c'était attendu, c'est la teneur en cadmium dans les phosphates qui a monopolisé les débats. Au final, les limites de ce métal lourd indésirable seraient fixées à 60 mg/kg de P2O5 à la mise en oeuvre de la directive, puis ramenées à 40 mg après six ans (au lieu des trois ans proposés par la Commission) et à 20 mg, après seize ans (au lieu de douze), afin de permettre aux producteurs de s'adapter à ces exigences. Si la France a pris position pour une limite à 60 mg/kg, l'Unifa reste sur un maximum de 80 mg. « Les sols n'accumulent pas de cadmium en dessous de ce niveau-là », stipule Thierry Loyer, président de l'Unifa. « Les taux de 40 et 20 mg/kg, qui n'ont pas de justification au niveau de la santé, seraient un coup porté à l'industrie, ajoute le vice-président, Henri Boyer, car on serait alors totalement dépendant des phosphates russes, plus chers car plus rares. » Selon l'association Fertilizers Europe, « cette mesure limiterait l'accès au marché de l'UE à un nombre réduit de fournisseurs, alors que l'Europe ne produit que 10 % de ses besoins en phosphates ».

La Commission est confiante dans les technologies de décadmiation, qui visent à éliminer le cadmium par procédé industriel. Pour le Copa-Cogeca, cette position n'est pas réaliste, puisqu'« il n'existe pas, à l'heure actuelle, de technologies rentables à une échelle commerciale qui permettent de transformer la roche phosphatée pour réduire sa teneur en cadmium. Les techniques d'élimination, qui n'existent pour le moment qu'en laboratoire, ne concernent que l'acide phosphorique. » Et de pointer « une instabilité accrue de l'approvisionnement en engrais phosphatés qui affaiblirait les industries européennes ». Fertilizers Europe rappelle en outre que « limiter le niveau de cadmium dans les engrais phosphatés a un impact important sur le prix du produit fini en raison de la rareté des gisements de phosphates faibles en cadmium. » C'est sûr que les Russes se frottent les mains. Les Marocains, moins. C'est un sujet qui est d'ailleurs devenu éminemment politique. Pour tenter de calmer les esprits, une clause de réexamen insérée par le Parlement exige que la Commission évalue l'application des restrictions relatives aux niveaux des contaminants, et le développement des technologies de décadmiation quarante-deux mois après l'entrée en vigueur de ce règlement.

Substituer 30 % du phosphate minéral

« On ne parle plus que du cadmium », se désolent certains. Alors qu'avant tout, le règlement vise à faciliter l'accès à des fertilisants innovants et organiques, non couverts par le règlement actuel, et à exiger des informations plus claires sur les étiquettes. Et surtout, il s'inscrit dans le paquet Economie circulaire qui étend la gamme de produits fertilisants pouvant être obtenus à partir de produits secondaires. Seulement 5 % des déchets de matériaux organiques sont actuellement recyclés et utilisés comme fertilisants. Par exemple, selon Eric Liégeois, il s'agira de substituer 30 % du phosphate minéral (2 Mt sur les 6 Mt importées par an) par des alternatives issues de la récupération d'éléments via les boues d'épuration, les déchets biodégradables, le lisier... Dans « ce deal que nous voulons conclure avec le secteur des engrais », il reconnaît que « c'est un challenge pour les opérateurs », mais que « les inconvénients vont être largement compensés par les avantages », puisque l'ambition du règlement est aussi d'ouvrir le marché européen à de nouvelles catégories. Satisfaite de la place accordée aux biostimulants dans ce règlement, l'Ebic (association européenne des biostimulants) regrette seulement que les enregistrements Reach supplémentaires ajouteront d'énormes coûts financiers pour les PME. Il devrait encore y avoir des discussions à ce sujet, comme sur d'autres...

Des normes à construire

En appui de ce règlement, de nouvelles normes d'origine européenne sont en cours d'élaboration pour encadrer chaque paramètre, concernant l'innocuité, ou la qualité des produits. La création de ces normes est répartie sur trois comités techniques du CEN (Comité européen de normalisation) : CEN/TC 260 sur la normalisation des engrais et AMB, CEN/TC 455 sur les biostimulants (présidé par Benoît Planques, président d'Afaïa), et CEN/TC 223 sur les amendements organiques et supports de culture (présidée par Laurent Largant, délégué général Afaïa). Selon Benoît Planques, « la normalisation européenne est cruciale pour s'assurer que les futurs produits fertilisants voulant bénéficier du marquage CE, soient évalués de la même manière dans les différents pays européens ».

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