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Les fabricants touchent le fond

Prix des engrais en berne, commandes qui tardent à arriver... les fabricants tirent la langue, et peinent à faire tourner leurs outils. Alors que la campagne en NPK et en amendements minéraux basiques semble déjà perdue, la fertilité des sols risque de s'aggraver encore cette année.

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Année noire pour les fabricants d'engrais. La campagne passée était déjà marquée par une baisse des tonnages livrés en engrais minéraux (- 2,2 %) et en amendements minéraux basiques (- 8,3 %) à 11,6 Mt, selon l'Unifa. Traduits en éléments nutritifs, il en résultait finalement une hausse en azote (+ 0,7 %) et en phosphore (+ 2,4 %) et un recul conséquent pour le potassium (- 12 %).

Mais ce n'est rien à côté de la campagne en cours qui subit un recul des ventes considérable et généralisé même si c'est le Bassin parisien qui semble le plus touché, ayant pris de plein fouet la mauvaise récolte. Avec, en premier lieu, des coupes importantes dans les dépenses en P et K. A fin octobre, selon l'Unifa, les commandes d'engrais contenant ces éléments étaient en baisse de 30 %, celles d'AMB de 50 %. Les premières statistiques de l'Unifa sur les premiers mois de la campagne (à fin août) ne sont naturellement pas bonnes : - 29 % en PK par rapport à la campagne précédente, - 35 % pour les autres engrais composés, et dans le détail des éléments nutritifs, - 9 % en N, - 9 % en P, - 24 % en K. Pourtant, les fabricants ont eu une attitude agressive de baisse des prix pour faire sortir les stocks et faire tourner les outils.

La solution azotée dynamique

« Au regard des premières livraisons de la campagne, il y a une certaine prise de conscience en P, qui n'est pas manifeste en K », constate Philippe Eveillard, à l'Unifa. Pierre Le Coz, président de Timac Agro France tente une explication : « Déjà, les carences en P ont été diagnostiquées depuis plus longtemps qu'en K, et puis un certain nombre d'achats en P se font avant la récolte. De plus, le prix des éléments P a subi une baisse un peu plus importante qu'en K. »

« Pour nous, le dossier azote est dynamique, commente Patrick Loizon, chef marché fertilisants, chez Union Terres de France. L'ammonitrate et l'urée sont conformes à nos ventes habituelles et on est beaucoup plus avancé qu'à l'accoutumée en solution azotée. Ceci est davantage une réponse à la demande, due à l'attractivité concurrentielle de ce produit. Et les ventes de cette année ont débuté avant la morte-saison du printemps. En revanche, nous sommes très en retard sur le P, le K, les PK et particulièrement inquiets sur les NPK, où, à mon sens, on sera en recul de 40 %. » « Les premiers apports approchant, on va rentrer automatiquement dans une phase d'achat, estime Alban Fontaine spécialiste du marché des engrais chez Agritel, même si c'est possible que certains acheteurs soient biens couverts. » « Globalement, les stocks en distribution étaient plus importants en 2009-2010 (la campagne de référence en la matière) que cet automne », fait remarquer pour sa part Pierre le Coz. « Les prix toujours plus bas bloquent le marché, témoigne Jean-Luc Pradal, DG de Fertiberia France. Mais la demande risque de se réveiller en fin d'année. » Ce que confirme Pierre Le Coz : « La campagne NPK est en retard d'un mois et demi, mais on sent un frémissement. »

En tout cas, cette dégringolade des ventes intervient alors que les prix, tout engrais minéraux, sont à des niveaux historiquement faibles. En recul continu depuis plusieurs années, certains sont sur des points bas historiques. A l'instar du prix de l'urée qui a chuté de 55 % en un peu plus de quatre ans. Et cela s'est répercuté sur l'ensemble des engrais azotés. Alban Fontaine fait le point : « Il y a une offre pléthorique de la part de la Chine et des acheteurs qui sont encore aujourd'hui assez discrets. Pour combler cette forte disponibilité, il faudrait que l'Inde et le Brésil soient davantage aux achats. P et K sont également en situation d'abondance même si cela commence à se réguler. »

Vers la fin de l'abondance ?

« La demande mondiale devrait progresser, mais des unités vont démarrer en 2017, témoigne Thierry Loyer, président de l'Unifa. Cela s'explique par la possibilité d'avoir du gaz pas cher dans certaines régions du monde et par une circulation du gaz naturel au niveau mondial qui s'est fluidifiée, ce qui a favorisé le démarrage d'unités de production d'ammoniac. En revanche, ce ne sera plus le cas en 2018. » Peut-être le bout du tunnel pour les fabricants ?

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