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Réglementation : harmoniser la mise sur le marché

Les matières fertilisantes et supports de culture n'ont toujours pas de législation européenne commune. Des réflexions sont en cours pour y remédier.

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Si le marché des engrais est le premier marché des intrants agricoles au niveau européen, en rassemblant environ 400 entreprises pour un chiffre d'affaires de 25 milliards d'euros, « c'est un marché à deux vitesses », déplore, cependant, Gilles Poidevin, délégué général de l'Unifa. En effet, les engrais minéraux, qui représentent près des deux tiers du marché des engrais, ont une réglementation uniformisée depuis 1977 au niveau européen. Actuellement, c'est le règlement CE 2003/2003 qui régit ce secteur. En revanche, les engrais et amendements organiques, les amendements minéraux basiques, les supports de culture et les phytostimulants ne bénéficient toujours pas d'une législation européenne harmonisée en matière de mise sur le marché. L'harmonisation européenne des engrais était d'ailleurs l'un des deux dossiers principaux du ministère de l'Agriculture sous la présidence française de l'Union européenne.

Ainsi, afin de constater la confusion que génère la réglementation actuelle et d'envisager éventuellement une harmonisation de celle-ci, un séminaire européen a été organisé le 9 septembre dernier, à Paris, par l'Association nationale professionnelle pour les engrais et les amendements (Anpea) et Rittmo Agrienvironnement, à l'initiative des ministères en charge de l'agriculture, de l'alimentation, de l'industrie et la consommation. Des représentants des metteurs en marché, de la Commission et de vingt Etats membres étaient présents.

Le débat a essentiellement porté sur le règlement CE 764/2008, qui est entré en vigueur le 13 mai 2009. Ce texte prévoit l'intensification des échanges intracommunautaires (pour tous les secteurs de l'économie) en réaffirmant le principe de la libre circulation des produits dans l'Union européenne et l'obligation pour les Etats membres de la reconnaissance mutuelle de leurs réglementations nationales dans les secteurs non harmonisés.

Tour de Babel

« La profession croyait à un petit rayon de soleil », indique Gilles Poidevin. Cependant, ce règlement ne solutionne pas le problème de l'harmonisation des autorisations de mise sur le marché. Ce qui oblige les fournisseurs à construire, pour chaque pays où l'entreprise veut mettre en marché un produit, un dossier d'homologation complexe et très coûteux. Par ailleurs, la vision de l'application de ce règlement est différente d'un pays à l'autre. « C'est le marché de la tour de Babel », résume Gilles Poidevin, ce qui ne permet pas une information homogène de l'utilisateur.

En effet, une enquête menée en 2006 par l'association Rittmo Agrienvironnement sur la comparaison des réglementations sur les matières fertilisantes et supports de culture dans différents pays européens, montre que de nombreux pays basent leur politique sur des principes similaires d'information du consommateur. Mais la traduction de ces principes au niveau des critères de spécification des produits, des paramètres et des méthodes d'évaluation est disparate. Le texte pose également un problème de concurrence déloyale pour les producteurs français qui doivent respecter une réglementation nationale plus stricte que dans d'autres Etats membres. Sans compter qu'il ne garantit pas de fait le même niveau de protection de la santé humaine, animale ou végétale. Il entraîne, en outre, de grandes difficultés pour l'administration dans le contrôle des matières fertilisantes en l'absence d'harmonisation européenne.

Pour Roselyne Roy, chargée du secteur des matières fertilisantes à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : « La DGCCRF n'est pas habilitée à contrôler juridiquement les produits étrangers. Et quand bien même elle le serait, ce serait impossible. On ne peut pas demander à un contrôleur de connaître 27 législations. »

Un préprojet à l'étude

Dans un cadre d'écoute favorable aux réflexions menées par la France, le séminaire a mis en évidence les disparités des réglementations nationales et les difficultés d'application du règlement CE 764/2008, préjudiciables aussi bien aux entreprises qu'aux administrations. « Le règlement 764/2008 n'est pas la solution », admet Pascale Briand, directrice générale de l'alimentation au ministère de l'Agriculture en évoquant la nécessité d'un encadrement réglementaire harmonisé.

Mais comment atteindre cet objectif ? Il faudrait déjà séparer les catégories de produits pour travailler. « Un règlement communautaire pour les engrais minéraux existe déjà, une harmonisation progressive sur une même plate-forme pourrait être envisagée », selon Pascale Robineau, directrice de la Dive. Un préprojet est déjà à l'étude. En attendant, les amendements minéraux et certains compléments nutritionnels pourraient se voir réserver des annexes au règlement 2003/2003. Mais à terme, il s'agit bien de travailler sur un nouveau règlement, même si le processus législatif peut prendre de trois à cinq ans. Il risque d'y avoir des écueils cependant, car des voix s'élèvent pour que cette nouvelle réglementation concerne la production en plus de la mise sur le marché. Pour Roselyne Roy, « cela faciliterait les contrôles et pourrait éviter la distorsion de concurrence entre les opérateurs ».

Compromis nécessaire

Alain Deschamps, responsable marketing et commercial chez Timac Agro International, se demande, en revanche, si l'harmonisation ne doit pas concerner uniquement l'innocuité, et que l'on fasse confiance au marché pour l'efficacité. Pascale Robineau rappelle que le rôle de la Dive est bien de faire la synthèse entre l'efficacité et l'innocuité des produits avant de soumettre un avis aux autorités. « Ne vaudrait-il pas mieux délivrer des certifications produits pour aller plus vite ? », s'interroge, quant à lui, Jacques Barthes PDG des Ets Marcel Lautier. « Les certifications peuvent être utiles pour prouver que le produit est de qualité, mais ne peut pas résoudre les problèmes entre les différentes réglementations â, répond Laure Metzger. De toute manière, pour Francois-Xavier Gaumont, de Meac, "si l'on exige une traduction française au niveau européen, c'est forcément perdu. Le résultat sera bien plus performant, si nous arrivons a un compromis communautaire ". Quoi qu'il en soit, la profession est unanimement favorable a l'harmonisation de la mise sur le marche des matières fertilisantes et des supports de culture. Chaque industriel français a donc été sollicite par l'Anpea pour approuver un courrier-type, afin de demander a la Commission d'harmoniser la réglementation. Une trentaine de signatures sont parvenues a l'Anpea en l'espace d'un mois.

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