Moins de produits mais plus d'innovations
L'afflux de nouveaux produits pallie enfin la disparition inéluctable de molécules.
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Depuis plusieurs années, les agrochimistes ne cessent de se plaindre de la raréfaction du nombre de molécules. Celles-ci sont en effet retirées du catalogue européen du fait de leur non-conformité à la réglementation ou par manque de soutien des firmes. Le nombre de substances actives phytosanitaires approchait les 900, il y a dix ans, pour n'être plus qu'environ 300 en 2009, soit une baisse de près de 70 % (voir infographie). Et cette baisse n'est visiblement pas terminée puisque l'entrée en vigueur du règlement 1107/2009 (lire p. 12) laisse présager le retrait du marché d'environ un quart des molécules du fait de la mise en place des critères d'exclusion, si l'on en croit certaines prévisions (études de l'ECPA et du cabinet italien Nomisma en 2008 sur l'impact de la mise en application du nouveau règlement européen).
La France accélère même ce calendrier de disparition de produits dans le cadre du Plan Ecophyto 2018. Une liste de dix molécules parmi les plus préoccupantes doit ainsi être retirée d'ici la fin 2010, ainsi que treize autres pour lesquelles sera imposée une baisse de moitié de leur dose. Ces listes n'étaient pas encore connues à l'heure où nous imprimions ces pages. Parallèlement, la recherche de nouvelles molécules n'a pas ralenti et, mathématiquement, les nouvelles matières actives mises récemment sur le marché, c'est-à-dire globalement depuis la mise en place de la directive 91/414, deviennent peu à peu prépondérantes. Tout aussi logiquement, on compte donc de moins en moins de molécules phytosanitaires tombées dans le domaine public, c'est-à-dire dont la durée de vie a dépassé vingt-cinq ans.
Tirer le marché vers le haut
Ces anciennes molécules qui réussissent à passer le filtre réglementaire sont alors très convoitées, reformulées et " marketées ", à tel point que les produits qui les contiennent sont eux aussi considérés par les firmes comme des nouveautés.
Il en résulte chez tous les agrochimistes un formidable engouement pour une innovation salvatrice. La recherche de nouveautés est jugée par tous seule capable de combler les impasses techniques, d'alterner les modes d'action, de minimiser la toxicité et l'accumulation de résidus et bien sûr de tirer le marché vers le haut. Pour survivre sur le marché, tout agrochimiste se doit aujourd'hui de lancer de nouveaux produits à un rythme presque effréné. Les géants du marché sont en première ligne sur cette stratégie d'innovations, car disposant de leur propre recherche fondamentale à un niveau mondial. Mais les plus petites firmes ne sont pas en reste, s'appuyant sur la recherche d'autres chimistes n'ayant, quant à eux, pas de moyens de mettre leurs trouvailles sur le marché. L'afflux de nouveautés est d'autant plus important aujourd'hui, en France, que notre pays a été contraint au cours des années 2000 à une quasi-absence d'homologations pour cause de blocages réglementaires. Aujourd'hui, le retard a été rattrapé par la nouvelle instance d'évaluation au sein de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). Et, au final, l'agrochimie française fait face à un renouvellement qu'elle n'avait pas connu depuis longtemps et qui impacte les stratégies de la plupart des firmes.
Un quart des ventes avec des nouveautés
Chez BASF Agro, par exemple, on estime qu'un quart du chiffre d'affaires a été réalisé en 2009 avec des produits contenant au moins une nouvelle substance active lancée depuis trois ans. Syngenta considère qu'en 2015, 20 % des ventes françaises seront réalisées avec des innovations contenant une molécule mise sur le marché dans les quatre années précédentes, alors que cette part n'est que de 8,5 % en 2010 du fait du retard pris par les homologations en France. De son côté, DuPont France annonce consacrer 70 % de son budget développement aux produits composés de nouvelles molécules, quand cette proportion n'était que de 15 % en 1990. Cette société prévoit de lancer trente-cinq nouveaux produits dans les cinq prochaines années. Le leader Bayer prévoit enfin qu'au niveau mondial, les produits composés de six nouvelles molécules dont la mise sur le marché est prévue entre 2010 et 2012 devraient générer, au plus fort de leurs ventes, un chiffre d'affaires annuel mondial de plus d'un milliard d'euros, soit plus de 15 % du chiffre d'affaires mondial avec seulement six innovations.
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