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L'industrie dans la tourmente

Alors que les fabricants d'engrais enregistrent deux mauvaises campagnes d'affilée et un certain nombre de restructurations, ils doivent maintenant essayer de faire face à de nouveaux défis réglementaires et environnementaux. Il y a péril en la demeure !

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Toujours pas brillant ! C'est le moins que l'on puisse dire lorsqu'il s'agit de qualifier le marché des engrais de la campagne 2009-2010. " Elle a de nouveau été une mauvaise campagne pour les industriels comme les distributeurs ", annonçait d'emblée Joël Morlet, président de l'Unifa, lors de la conférence de presse annuelle de l'organisation le 15 octobre dernier. Les volumes d'engrais livrés ont certes augmenté de 3 % en volume en 2009-2010, mais ils restent à 27 % du niveau atteint il y a deux ans. Les livraisons de potasse n'ont progressé que de 7 % après leur dégringolade de moitié la campagne précédente. Même en se renforçant de 37 %, celles de phosphore ne plafonnent qu'au tiers du niveau atteint il y a deux ans. Et celles d'azote arrivent tout juste à se stabiliser. La sanction de la conjoncture est même dramatique pour les amendements minéraux basiques qui ont vu leurs livraisons se contracter en moyenne de 14 %, et encore plus dans les régions de l'Ouest. La stabilité caractéristique de ce marché a été mise à mal et les industriels du secteur ont été profondément ébranlés.

Des exigences démesurées

Après un effondrement des apports d'engrais sans précédent, voici que la filière se voit à nouveau défier par un certain nombre d'exigences réglementaires. Deux d'entre elles font particulièrement dans la démesure. Il s'agit de l'arrêté national du 13 avril 2010 concernant le stockage des engrais (p. 50) et de la législation européenne en matière de lutte contre le changement climatique (p. 48). A tel point que l'on peut se demander si la France et l'Europe veulent conserver leur industrie d'engrais. Déjà, l'effritement de la production française de fertilisants, observé depuis plusieurs années, se poursuit. Si son poids dans l'approvisionnement du marché français n'a pas vraiment diminué sur la campagne passée (notamment grâce à des prix relativement attractifs de l'ammonitrate), les importations des pays tiers ont été particulièrement fortes en urée et solutions azotées, passant de 15 à 19 % en une campagne. Pourtant, une disparition progressive du parc industriel européen et français pourrait avoir pour conséquence une plus grande exposition aux fluctuations des prix mondiaux. Bref, pour l'industrie, produire en France n'est pas chose facile. D'autant que la récession du marché a affaibli les industriels, qui subissent déjà des restructurations (p. 46). En 2009, le chiffre d'affaires des ventes d'engrais et d'amendements réalisés par les industriels adhérents de l'Unifa s'est complètement effondré à 1,9 M€ (- 50 % par rapport à 2008). L'industrie se félicite néanmoins d'avoir traversé cette mauvaise passe sans rogner sur les effectifs.

Les industriels se voient néanmoins recevoir un lot de consolation conjoncturel en ce début de campagne. D'une part, les prix sont autres que ceux de la campagne passée, même si le rythme de progression des cours est beaucoup plus faible qu'en 2007-2008. D'autre part, les agriculteurs effectuent des commandes auprès de leurs distributeurs. Le raffermissement des cours des céréales n'y est pas étranger. Mais les stocks étaient aussi au plus bas. Du coup, les livraisons d'engrais ont progressé de 20 % cet été (+ 6 % pour l'azote, + 35 % pour les phosphates et + 134 % pour la potasse), et retrouvent quasiment leur niveau du début de campagne 2008-2009. Les industriels comptent ainsi retrouver des niveaux de livraisons d'avant la crise agricole, du moins en azote. Mais prudence. Tout dépendra de l'évolution des cours des céréales, déterminante pour les achats des engrais de printemps.

Pas de pénurie à craindre

Quant à l'impression de pénurie parfois ressentie, les fabricants assurent répondre à la demande, même si cela se fait en flux tendu. Par ailleurs, certains sites français ont connu cette année des arrêts de grande maintenance, comme ceux de GPN Pec-Rhin, à Ottmarsheim (Haut-Rhin) et Yara, à Ambès (Gironde). Si elles ne sont pas en mesure d'approvisionner à leur hauteur habituelle, " des compensations peuvent se faire au niveau européen en faisant venir de la marchandise d'autres unités du groupe ", rassure Joël Morlet, président de Yara France.

DOSSIER REALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX

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