Les applications d’automne en berne
La météo humide de cet automne a plombé les utilisations d’insecticides sur céréales et colza, avec une pression des insectes relativement faible. Les pyrèthres dominent le marché, notamment en colza après l’arrêt du phosmet.
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Le niveau de protection insecticide sur céréales et colza à l’automne 2023 a fortement reculé par rapport à 2022. Si le début de la période a été estival, un défilé de perturbations est arrivé à partir de mi-octobre, avec des conséquences importantes pour les semis et la gestion des ravageurs.
Céréales : la lambda-cyhalothrine leader
En céréales d’hiver, la baisse est drastique : - 65 % par rapport à l’automne 2022, avec seulement 1,17 Mha déployés. Cela est lié à une diminution des surfaces semées (- 9 %) et à une faible pression d’insectes. « Il y a eu beaucoup d’impasses, avec moins d’un passage en moyenne », explique Myriam Sellam, chez Adama. Il reste seulement cinq molécules en insecticides foliaires à l’automne. La première place est toujours occupée par la lambda-cyhalothrine, qui protège près de 70 % des hectares de céréales. Si le produit phare Karaté Zéon a été appliqué sur 32 % des hectares, les génériques de la molécule, moins onéreux, sont montés en puissance. Le coût moyen par passage a ainsi reculé, à 4 € en 2023 contre 4,20 € en 2022. Les autres pyréthrinoïdes sont classés plus loin : l’esfenvalérate (Mandarin Gold de Philagro), seule pyréthrinoïde appartenant à la sous-famille des benzyl-carboxylates, ce qui permet de limiter l’apparition de résistances ; la deltaméthrine (Decis Protech et Decis Expert de Bayer CropScience) ; la cyperméthrine (Cythrine Max d’UPL) ; le tau-fluvalinate (Mavrick Smart d’Adama).
Philagro annonce une part de marché de 12 % en hectares déployés, UPL 6,3 %, Bayer entre 3 et 4 %, et Adama entre 2 et 3 %. « Nous avons un peu gagné avec la deltaméthrine à l’automne 2023, car les pucerons présents étaient virulifères jusqu’au mois de novembre », explique Jérôme Métivier chez Bayer CropScience.
Colza : baisse du coût moyen du passage
Le recul des surfaces déployées à l’automne est moins marqué pour les insecticides sur colza que pour les céréales, mais il atteint malgré tout 23 % par rapport à 2022 (1,44 Mha appliqué à l’automne 2023). Les surfaces semées augmentent de 1 %, mais les passages uniques ont progressé, d’où le recul du marché. Les conditions de traitement étaient là encore difficiles. 51 % des passages ont été réalisés en septembre quand la météo était encore clémente. Au final, 65 % des surfaces de colza ont été traitées à l’automne 2023 contre 77 % en 2022. « Le nombre d’hectares traités a baissé car les colzas étaient bien développés et robustes à la fin de l’automne, si bien que les applications n’ont pas été réalisées même s’il y avait un peu de pression des insectes », souligne Marine Denniel, de Syngenta. Le coût moyen du passage a reculé à 5,50 € contre 6,80 € en 2022 du fait de l’utilisation accrue de pyrèthres, moins chers que le Boravi WG (phosmet), retiré en novembre 2022. C’était ainsi la première campagne intégrale sans cette matière active.
Mais le recul du coût moyen par passage est limité par l’augmentation des passages du Minecto Gold (cyantraniliprole), commercialisé par Syngenta, qui est plus onéreux. Le produit, qui cible les grosses altises, a bénéficié pour la deuxième année consécutive d’une « dérogation 120 jours », cette fois-ci du 10 octobre au 31 décembre 2023. Seules les régions Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Île-de-France, Centre-Val de Loire (plus l’Aisne et l’Allier) sont concernées, car elles sont confrontées à une forte résistance des grosses altises aux pyréthrinoïdes. « 80 000 à 100 000 ha ont été traités avec Minecto Gold, soit 5-6 % des hectares », informe Marine Denniel. Une dérogation devrait à nouveau être accordée à l’automne 2024. Un dossier a été déposé par Syngenta pour une homologation, peut-être pour 2025.
Le Karaté Zéon (lambda-cyhalothrine) de Syngenta reste le premier insecticide sur colza avec 51,7 % des hectares traités à l’automne 2023 (70 % pour l’ensemble des produits à base de lambda-cyhalothrine). Viennent ensuite la cyperméthrine (Cythrine Max, Cyplan Max, Profi Cyper Max d’UPL, 6,5 % du marché en hectares déployés), la deltaméthrine (Decis Protech et Decis Expert de Bayer, utilisés sur 64 000 ha en 2023, soit 4,4 % du marché), l’étofenprox (Trebon 30 EC/Uppercut de Certis Belchim) et le tau-fluvalinate (Mavrick Smart d’Adama, 2,5 % du marché en chiffre d’affaires).
Peu d’insectes ce printemps
Le printemps 2024 n’a pas été significatif en termes de pression des insectes, que ce soient pour les méligèthes et les pucerons cendrés en colza ou les pucerons sur céréales. Adama reste leader sur le segment méligèthe et le segment puceron cendré sur colza avec Mavrick Smart. Selon Terres Inovia, seuls le tau-fluvalinate (Mavrick Smart) et l’étofenprox (Trebon 30 EC) échappent à la rapide métabolisation par les insectes et conservent leur potentiel d’efficacité sur l’oléagineux.
Isabelle Escoffier
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