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Les biostimulants 2.0 tiendront-ils leurs promesses ?

La deuxième génération de biostimulants vise une meilleure connaissance des produits et une plus grande précision dans la prescription auprès des agriculteurs.

Le déplafonnement des rendements dans les itinéraires techniques conventionnels passe par l’intégration de nouvelles approches dans lesquelles les biostimulants dits de deuxième génération ont une place prometteuse. Pour cela, il s’agit non seulement de mieux maîtriser leur efficacité, mais aussi de définir avec précision ce qu’on attend de ces produits.

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Génétique, mais aussi biocontrôle, techniques culturales, plantes de service… et biostimulants. L’idée de combiner des solutions complémentaires aux pratiques conventionnelles est une piste sérieuse pour adapter l’agriculture aux enjeux de transition. Il semble d’ailleurs que « le marché français est pionnier en matière d’approche combinatoire et c’est une vraie force de pouvoir s’y inscrire pleinement », souligne Simon Cheylan, directeur général d’Adama.

En la matière, les biostimulants semblent avoir une belle carte à jouer, alors que les facteurs limitants des rendements des cultures s’amplifient chaque année. En cause, le retrait de solutions chimiques, la décapitalisation des sols en phosphore et potassium, des phénomènes de résistance, de fatigue des sols, de dérèglement climatique ou de restrictions liées à des cahiers des charges de qualité. S’ajoutent à cela des réglementations contraignantes et les objectifs européens du Green Deal de réduction à l’horizon 2030 de 50 % de l’emploi de produits de synthèse pour les phytosanitaires et de 50 % des pertes de fertilisants.

D’où l’idée d’intervenir sur les facteurs indirects de la nutrition et de la protection, en agissant sur le sol et sur les mécanismes de la physiologie végétale. « En traitement de semences, les biostimulants sont une assurance face aux mauvaises conditions de levée, illustre ainsi Walid Saadé, directeur de Compo Expert France. Ils évitent d’avoir à surdoser les semences. » Avec les biostimulants, on peut en effet ajouter des fonctionnalités nouvelles inspirées de la nature et reconnues dans le règlement européen 2019/1009, comme l’efficacité de la nutrition des plantes, la mise à disposition des nutriments aux plantes, la tolérance aux stress abiotiques et l’amélioration de la qualité des récoltes.

Effet incrémentiel

« Là où les produits de biocontrôle viennent en substitution de solutions chimiques, les biostimulants relèvent d’une technologie incrémentielle, c’est-à-dire qu’ils viennent faire quelque chose de plus, qu’on n’était pas capable de faire avant avec les outils conventionnels, comme protéger la plante contre le froid, le chaud, un herbicide », ajoute le professeur Patrick du Jardin, expert européen auprès de la Commission européenne et qui a participé à la définition européenne des biostimulants. Il s’exprimait à ce sujet lors d’un webinaire organisé par Frayssinet. « On apporte une solution technique à une limitation de rendement induite par les stress abiotiques, afin de mieux s’approcher du rendement physiologique permis par la génétique. »

Dans ce contexte, les biostimulants ne sont surtout pas des produits miracles, comme l’expérience de terrain l’a démontré avec la première génération. Cependant, une deuxième génération arrive sur le marché qui, grâce à une meilleure compréhension des modes d’actions et des conditions de succès, doit permettre de caler des itinéraires techniques « augmentés » pour lever les facteurs limitants des cultures.

Améliorer les formulations

Avec cette deuxième génération, les conditions d’efficacité sont questionnées. Et c’est là tout le nœud du problème. « La variété de la réponse de la culture aux biostimulants est importante. La difficulté est qu’on ne comprend pas nécessairement les sources de cette variabilité », constate Patrick du Jardin. Par exemple, il a été démontré que des variétés différentes d’une même espèce de plante cultivée ne répondent pas toutes de la même manière, comme il le décrit en se référant à des essais de traitement d’acides humiques et fulviques sur blé dur et maïs. Il met à ce sujet beaucoup d’espoirs dans les technologies de l’agriculture de précision pour mieux monitorer l’usage des biostimulants grâce au recueil d’indicateurs en masse et en continu. Un des points d’avenir soulevé par le scientifique réside également dans la formulation de ces biostimulants afin que les produits actifs se libèrent au bon moment pour la culture. Des formes solides ou protégées ont encore été peu travaillées par les firmes et pourraient permettre d’améliorer la facilité d’utilisation et le retour sur investissement.

« Nous savons que ces produits sont également ‘stade dépendants’, et ‘agro-météo dépendants’. Toutes les sciences doivent avancer ensemble sur ces sujets », estime Marie-Emmanuelle Saint-Macary, responsable scientifique et innovation chez Frayssinet et membre de l’Académie d’agriculture. Pour aider à fédérer sur le sujet, l’association biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie (Abba) a été créée fin 2023, avec comme mission de coordonner le « grand défi » piloté pour une durée de six ans par le ministère de l’Agriculture. « Les challenges technologiques ainsi que les pôles d’innovation et d’expérimentation sont mis en place sur les territoires sous l’égide de cette association […]. Ils doivent lever les verrous opérationnels », détaille Philippe Michel, responsable bioprotection chez Phyteis.

Un autre des grands défis est de maîtriser les interactions complexes avec les produits de nutrition, de protection ou autres, et les effets émergents qui peuvent en résulter et qui sont difficilement prévisibles. « Vu la complexité du vivant, on sait qu’on restera toujours sur une base empirique forte, ajoute Patrick du Jardin. Il s’agira d’apprendre à observer et à mesurer. Il y aura beaucoup de questions qui viendront de la pratique et qui remonteront vers le laboratoire. Il faut apprendre à faire de la recherche autrement en écoutant beaucoup plus le terrain. C’est une logique de développement très différente de celle des produits phytosanitaires. »

Une offre de service

Cette complexité et cette précision liée aux produits biostimulants nécessitent également une approche de marché très pointue et spécifique. « D’un point de vue commercial, le biostimulant n’a pas tellement d’avenir en tant que produit, mais il en a en tant que service à part entière dans un écosystème de conseil global autour des itinéraires techniques. »

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