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Le conventionnel sous pression

Le périmètre des produits phytosanitaires conventionnels continue de se restreindre, avec en ligne de mire l’atteinte des objectifs d’un plan Ecophyto cette année chahuté.

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Si le sujet des produits phytosanitaires s’est semble-t-il fait plus discret cette année, Covid-19 oblige, la pression qui s’exerce sur eux depuis plusieurs années n’a pas cessé pour autant. Entre la problématique du glyphosate qui n’a trouvé son dénouement qu’en cette fin d’année (lire p. 7) et les néonicotinoïdes (p. 8) qui ont fait office de saga de l’été, mais aussi de l’automne, le débat fut, comme chaque année, au rendez-vous.

Le plan Ecophyto, fil rouge des politiques françaises en matière de réduction des phytos depuis 2009, a également été sous le feu des projecteurs du fait de résultats jugés insuffisants. Rappelons que sa version 2 +, qui a pris le relais le 10 avril 2019, n’a pas changé le cap avec des objectifs identiques aux précédentes : une réduction de l’usage des phytos de 25 % à l’horizon 2020 et 50 % d’ici 2025. Et depuis mai 2020, ce plan revêt une importance supplémentaire, en s’inscrivant au cœur du Pacte vert pour l’Europe et de sa stratégie « de la ferme à la fourchette », qui a fixé pour objectifs à l’horizon 2030 de réduire de 50 % l’utilisation des phytos et des risques associés, et de 50 % l’utilisation des produits les plus préoccupants.

À son habitude, le Gouvernement a présenté en janvier la note de suivi du plan Ecophyto. Et les chiffres de 2018 se sont révélés préoccupants : la quantité totale de substances actives (QSA) vendues s’est élevée à 85 900 t, soit en hausse de 21 % par rapport à 2017 et + 22 % entre les périodes 2009-2011 et 2016-2018 en moyenne triennale. Cette progression concerne l’ensemble des types d’usage de substances actives. Pour le Commissariat général au développement durable, ce pic de 2018 serait dû à une anticipation des achats du fait de la hausse de la RPD, redevance pour pollutions diffuses, en 2019. Ce qu’a confirmé l’UIPP. « En 2018, les ventes aux distributeurs ont progressé de 8 % par rapport à 2017. Le changement du système de calcul de RPD a entraîné une augmentation importante de cette dernière et, par conséquent, une hausse des prix des produits phytopharmaceutiques pour les agriculteurs, ce qui les a conduits à anticiper leurs achats en fin d’année 2018. Ce phénomène avait déjà été observé lors des précédentes augmentations de la RPD en 2008 et 2015. »

Un basculement du marché

Toutefois, une baisse des ventes pour les substances les plus préoccupantes est constatée :  15 % pour les CMR 1 et  9 % pour les CMR 2 entre 2009-2011 et 2016-2018. À cela s’ajoute une hausse de ventes de produits de biocontrôle représentant 24 % de la QSA totale, dont 66 % sont du soufre, soit + 20 % par rapport à 2017. Les ventes ont presque doublé (+85 %) entre 2009-2011 et 2016-2018. « Les entreprises de la protection des plantes répondent en permanence à la demande des agriculteurs engagés dans la transition agroécologique. Le marché bascule progressivement vers une plus grande utilisation des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle. Nous voyons clairement une tendance de fond se confirmer au cours des dix dernières années », précisait à l’époque Bruno Baranne, président de l’UIPP.

En parallèle, la Cour des comptes a épinglé le plan Ecophyto dans un référé adressé à Édouard Philippe, alors premier ministre, et dévoilé le 4 février 2020. « Dix ans après, les objectifs fixés ne sont pas atteints mais plusieurs leviers peuvent favoriser l’évolution des pratiques agricoles », est-il annoncé en ouverture du rapport. « En dépit de ces actions et de la mobilisation de fonds publics pouvant être estimés, pour 2018, à environ 400 M€ (dont 71 M€ prélevés sur la RPD), plusieurs travaux d’évaluation ont dressé un bilan réservé de l’action menée. La Cour constate, pour sa part, que les effets des plans Ecophyto demeurent très en deçà des objectifs fixés. » Ce qu’a concédé Édouard Philippe dès le 3 février en reconnaissant que les objectifs n’étaient pas atteints et en annonçant de nouvelles données chiffrées pour 2019 dès le printemps 2020. La Cour a également formulé quatre recommandations : introduire un objectif prioritaire de réduction de l’usage des produits phytosanitaires dans les négociations de la nouvelle Pac ; concevoir un cadre pluriannuel de programmation des financements issus de la RPD pour accélérer la mise à disposition effective des crédits chaque année ; élaborer et rendre public chaque année un tableau de l’ensemble des ressources financières mobilisées ; et enfin de rendre public, chaque année, les données et les analyses de la politique menée, des substances actives émises et de leurs effets sur la santé humaine et sur l’environnement.

2019 redresse la barre

Le 4 février, Didier Guillaume, alors ministre de l’Agriculture, s’était aussi exprimé à ce sujet lors d’une soirée débat organisée par l’association Contrat de solutions : « Les plans Ecophyto qui se succèdent ne sont pas des échecs, mais le résultat est un échec. On n’a pas attendu la Cour des comptes et ses recommandations pour le savoir. Je veux tenir un discours de la raison, je crois au Contrat de solutions, mais nous devons aussi faire comprendre que tout cela ne se fait pas du jour au lendemain. Jamais autant de choses n’ont été faites. […] Le Gouvernement vous fait confiance, vous suit, mais je vous le dis sincèrement, nous avons besoin de résultats. » À ce jour, le Contrat de solutions, porté par la FNSEA et plus de 40 partenaires, compte 86 fiches techniques pour réduire l’usage des produits phytos.

Et c’est donc le 30 juin dernier que le Gouvernement a fait un point provisoire sur les ventes de produits phytos pour l’année 2019. Les quantités totales de substances vendues en usages agricoles, et hors produits de biocontrôle, ont ainsi diminué de 44 % par rapport à 2018, soit  28 078 t (voir infographie p. 7). Les conditions climatiques de l’année ont en effet été peu propices aux traitements. « Ces évolutions à la baisse compensent totalement l’augmentation des ventes en 2018, située juste avant la hausse de la redevance pour pollution diffuse intervenue au 1er janvier 2019. Ainsi, on constate également une diminution de la moyenne triennale », a alors commenté le Gouvernement. En ce qui concerne les produits les plus préoccupants (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques-CMR), leurs quantités vendues ont diminué de plus de 50 %. Et pour le glyphosate, la baisse est de 35 %, soit  3 358 t entre 2018 et 2019, après une hausse de 11 %, soit + 999 t entre 2017 et 2018. Le Gouvernement a aussi noté une augmentation continue de la part des produits de biocontrôle, illustrant « une substitution progressive et continue des substances les plus dangereuses par ces produits ». Alors, cette tendance va-t-elle se confirmer ? Rendez-vous l’année prochaine pour le savoir.

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