La résilience coûte que coûte
L’industrie de la nutrition animale a montré sa capacité de résilience, tant en plein Covid que face aux difficultés d’approvisionnements et à l’explosion de certains prix.
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Avec une baisse minime des tonnages prévue à − 0,1 % pour 2021, l’industrie de l’alimentation animale française confirme sa résilience. Au total, le tonnage en volaille devrait se contracter légèrement (− 1,2 %, à 8,5 Mt), les ruminants poursuivre leur croissance (+ 1,2 %, 6,25 Mt) et les porcs revenir quasiment à leur niveau de 2018 (4,9 Mt) en s’érodant après l’embellie des ventes à la Chine. Le secteur se heurte à des difficultés variées comme les zoonoses avec des craintes sur la fièvre porcine africaine qui se rapproche via l’Allemagne, l’épisode influenza aviaire qui a encore frappé le Sud-Ouest lors de l’hiver 2020-2021 et le retour possible de cette dernière. Le 5 novembre, le ministre de l’Agriculture a placé l’ensemble du territoire métropolitain en risque « élevé » au regard de la progression rapide du virus en Europe.
Les fabricants d’aliments ont aussi à faire face aux difficultés pour leurs approvisionnements en matières premières (prix des céréales, doublement de l’urée, difficultés d’appro en soja non OGM avec l’explosion de la prime), et s’interrogent sur les débouchés de certains de leurs clients éleveurs (lait et œufs bio par exemple).
De délicats équilibres
Le fabricant d’aliments veut être reconnu dans sa capacité à servir tous les marchés. « Il ne faut pas opposer les agricultures. Le consommateur continue à consommer des produits animaux conventionnels. Axer uniquement sur le bio coûte que coûte comme le propose le cadre européen peut s’avérer contre-productif en laissant l’entrée de gamme à l’importation », soulignait Ludovic Michel, du groupe Michel, lors de la journée de la nutrition animale, le 14 octobre dernier (lire l’encadré). C’est une des craintes de la filière volailles : les importations de poulets sont ainsi reparties à la hausse depuis janvier 2021, représentant, selon l’interprofession Anvol, 46 % des poulets consommés en France durant le premier semestre. La Coopération agricole Nutrition animale et le Snia veulent montrer la capacité du métier à apporter des solutions, notamment par ses actions collectives : la sécurité sanitaire avec Oqualim (certification et plans de contrôles collectifs), la technologie avec Tecaliman et, plus récemment, la durabilité de ses approvisionnements avec Duralim.
Du côté des entreprises de fabrication d’aliments, la concentration semble terminée avec 201 sociétés regroupées en 150 groupes pour 310 usines au total depuis plusieurs années. Certaines restructurations sont attendues, comme la fermeture prévue début 2023 de deux des usines qu’ADM a repris en achetant Neovia il y a deux ans, celles de Languidic et d’Argentan.
L’Europe se tasse
Le marché européen de l’alimentation des animaux a subi, dans sa fraction Est, la fièvre porcine africaine (FPA), et souffre des marchés erratiques des grains. La Fefac anticipe donc en 2021 une baisse contenue (− 0,16 % par rapport à 2020) des tonnages produits dans les 27 pays de l’UE, à 149,9 Mt. La principale contraction reste celle des aliments pour porcs, en raison de la situation critique du marché européen de cette viande (− 1,3 %) avec la FPA et la fermeture des ventes d’opportunité vers la Chine. Les pays les plus affectés sont l’Allemagne, l’Autriche, le Portugal, la Finlande et la Hongrie. Certains pays décapitalisent leurs troupeaux depuis plusieurs années, comme les Pays-Bas et la Belgique en raison de contraintes environnementales. De son côté, le segment avicole devrait se reprendre à + 0,8 % grâce au retour aux marchés de la restauration hors foyer, et cela malgré l’influenza aviaire. « Les destinations touristiques comme l’Espagne et le Portugal, ainsi que la Hongrie et la Roumanie, ont notamment profité de la fin des confinements », expliquait la Fefac fin octobre. Les tonnages d’aliments pour ruminants devraient augmenter légèrement cette année à + 0,1 %, trois pays tirant la hausse en affichant de 3 à 5 % sur ce segment : l’Italie, la Pologne et la Roumanie. Les autres pays de l’UE sont plutôt stables ou en légère régression car la disponibilité du fourrage a été bonne et réduit donc le recours des éleveurs aux aliments achetés.
La situation des marchés des matières premières incite toutefois les éleveurs à recourir davantage aux fabricants d’aliments, attractifs économiquement grâce à leurs achats à terme et leur capacité de formulation. La vigilance sur les origines s’accroît pour assurer la durabilité des approvisionnements.
« Avec les difficultés logistiques et l’explosion de la prime non OGM, les opérateurs cherchent à se sécuriser avec des sojas tracés et/ou accompagnés de certificats d’une production durable », souligne l’organisation européenne. « Il n’est pas toujours évident d’obtenir un certificat de non-déforestation, mais nous savons que les importateurs sont capables de créer des circuits. Toutefois, cela a un coût », pointait Jean-François Arnauld (éleveur et céréalier), président de Duralim, lors de la journée de la nutrition animale. Avant de résumer : « Notre 1er observatoire lancé en début d’année nous a déjà permis d’identifier tous les flux de soja et de cibler ceux qui n’ont pas de garantie de non-déforestation. Cela ne veut pas dire qu’ils sont déforestants, mais nous devons réduire ce risque. L’objectif est aussi de sortir de l’amalgame soja égale déforestation. » Son ambition est de fédérer tous les acteurs des filières végétales et animales françaises autour de l’enjeu de cette durabilité de la nutrition animale.
La plateforme s’inquiète d’une pression réglementaire qui imposerait un devoir de vigilance, ce qui équivaudrait à une responsabilité des fabricants d’aliments. La relocalisation des productions de protéines est clairement une solution comme l’affichent plusieurs fabricants, notamment Maïsadour avec sa nouvelle usine de trituration implantée dans une ancienne usine d’aliments landaise. Encore faudra-t-il que « le local », porteur depuis la crise Covid, s’inscrive dans la durée car, moins important en volumes, il coûte plus cher.
2022 sous tensions
La Fefac comme les organisations françaises s’attendent à la poursuite de différentes tendances qui pèseront en 2022 : la réduction des opportunités d’export de viande porcine (reprise de la production en Chine), la poursuite de la situation tendue des marchés des matières premières jusqu’à l’été au moins, la poursuite de la diffusion de zoonoses (FPA et AI), la suite de la pandémie de Covid avec des mesures de confinements et les pressions environnementales.
La Cop 26 vient d’ailleurs de pointer la nécessité de réduire les émissions de méthane dont les ruminants sont pour partie responsables et, pour cela, la nutrition animale a déjà des solutions techniques.
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