L’évènement L’Union européenne s’attaque aux pesticides
Le 22 juin, la Commission a présenté un projet de règlement avec des objectifs contraignants pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Analyse et réactions de La Coopération agricole et de la FNA, sur une première mouture dont les impacts sont encore à l’étude. Par Marion Coisne
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«La poursuite du “business as usual” mettra considérablement en danger les ressources naturelles, notre santé, le climat et l’économie. » C’est ce qu’a déclaré la Commission européenne le 22 juin, dans le cadre de la présentation de son projet de règlement sur « une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable ». L’objectif prévu dans la stratégie Farm to Fork est une baisse de 50 % de leur utilisation d’ici à 2030. Le texte et ses annexes détaillent les objectifs à atteindre, les indicateurs et la méthode de calcul choisie, et les aides mobilisables, à savoir la Pac. Ce règlement vient remplacer la directive de 2009 dite SUD, pour « sustainable use directive » (directive pour l’utilisation durable des pesticides). Et c’est une première information notable : un règlement, contrairement à une directive, s’applique directement aux États membres, sans déclinaisons nationales. « C’est intéressant en termes d’harmonisation, même s’il faut voir comment il se met en place en pratique », juge François Gibon, à la FNA, que les objectifs et le calendrier font grincer (lire encadré p. 7).
Entre 35 % et 65 % de réduction
Cette fois, les objectifs du texte sont juridiquement contraignants : l’UE doit réduire de 50 % l’utilisation et le risque des produits phytosanitaires, et l’utilisation des plus dangereux, d’ici 2030. « Les États membres devront fixer leurs propres objectifs de réduction dans le cadre de paramètres clairement définis, ainsi que leurs propres stratégies, pour s’assurer que l’objectif à l’échelle de l’UE est atteint collectivement », ajoute la Commission. Le projet de texte précise que les États membres, selon leur utilisation de produits phytosanitaires, doivent la réduire d’ici 2030 de 35 %, 50 % ou 65 % par rapport à la moyenne des années 2015, 2016 et 2017. Les progrès seront calculés chaque année par la Commission. Elle souhaite aussi instaurer une interdiction de traiter dans les zones sensibles, notamment Natura 2000, et à moins de trois mètres de celles-ci. Interrogé sur les impacts pour la France, le 22 juin, lors d’un point presse, le ministère de l’Agriculture est resté vague, précisant qu’une phase de négociations de deux ans s’ouvrait. Deux indicateurs vont être observés pour évaluer les progrès accomplis : l’un concerne l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et les risques qui y sont associés, et l’autre, les produits les plus dangereux.
Pour le premier, la Commission propose de classer les matières actives en quatre catégories. Ensuite, elle multiplie les quantités annuelles de substances actives contenues dans les produits mis sur le marché par un coefficient selon le groupe d’appartenance. Les pondérations sont de 1 pour les substances à faible risque, 8 pour les « normales », 16 pour les plus dangereuses et 64 pour les non approuvées. Cet indicateur ne satisfait pas l’ONG Générations Futures, qui lui préfère le Nodu (nombre de doses unité), et qui y voit un risque pour l’agriculture bio. La raison ? L’ONG explique que le facteur de pondération pour certaines substances actives est le même pour des produits utilisables en bio que d’autres de synthèse, alors que les premiers nécessitent un grammage par hectare nettement plus important. « L’indicateur est très grossier, il mélange les choux et les carottes, dénonce François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. Il risque de torpiller la bio, alors même qu’elle a des objectifs de développement à atteindre. » La question se pose aussi pour les produits de biocontrôle, qui comprennent des pondéreux très utilisés comme le soufre. Fin juin, IBMA Global travaillait encore à analyser les conséquences pour le secteur, après s’être réjoui dans un premier temps, le 22 juin, que le projet de règlement donne une définition européenne du biocontrôle. Ce dernier est par ailleurs cité par la Commission comme une alternative aux produits phytosanitaires de synthèse, au même titre que les rotations, le désherbage mécanique, ou encore la sélection variétale. Les « alternatives chimiques à faible risque », comme le bicarbonate de soude, sont aussi évoquées.
Conseil stratégique annuel
Le projet de texte se penche aussi sur le conseil apporté aux agriculteurs, évoquant un conseil stratégique annuel, rappelant celui mis en place en France avec la séparation conseil et vente phytos, à raison de deux fois en cinq ans. Côté moyens, la Commission indique que « les États membres pourront utiliser la politique agricole commune pour couvrir les coûts de toutes les exigences découlant des nouvelles règles pour les agriculteurs », afin de tenter de « compenser les coûts supplémentaires et d’empêcher les augmentations de prix des denrées alimentaires ». Cette mesure exceptionnelle est proposée pour les cinq premières années. Si les grandes lignes sont là, le projet de texte, encore à l’étude à La Coopération agricole et à la FNA, soulève beaucoup de questions sur ses impacts. Et il est loin d’être figé : le règlement sera débattu au Parlement européen et au Conseil. La Commission a aussi ouvert une période de contribution. Les commentaires sur le texte présenté peuvent être déposés jusqu’au 22 août (1).
(1) À déposer sur https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12413-Pesticides-utilisation-durable-regles-de-lUE-actualisees-_fr. Le projet de règlement y est aussi disponible en français.
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