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Prix et durabilité font la une

Y. BOLOH

Depuis plus d’un an, les prix des matières premières sont orientés à la hausse. Et sur fond d’exigence de durabilité, les fabricants cherchent toujours des protéines.

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La nutrition animale n’échappe pas à la hausse des prix et aux tensions sur certaines disponibilités. Le prix du blé tendre a progressé de 25 % entre octobre 2020 et octobre 2021, l’orge a pris 32 % et le maïs 26 %. Sur la même période, le tourteau de tournesol affiche + 17 %, le colza +10 % Si le soja a un peu baissé depuis les cours historiques de mars 2021, il s’établit à 398 €/t comme au plus haut de l’été 2018, son précédent record. Cela sans compter la prime non OGM qui flirte durablement avec les 300 €/t. Et la hausse continue puisque, selon LCA Nutrition animale, le panier des matières premières enregistre encore + 1,4 % entre septembre et octobre, comme le montrent l’Ipampa (évolution des prix de vente sortie usine d’aliments pour animaux) qui affiche + 12,8 % sur 12 mois, l’indice Itavi (indice du coût des matières premières des aliments volailles de chair) à + 29 % ou l’indice Ifip (porcs) à + 13,6 %.

Outre le prix, les importations de protéines génèrent des interrogations de plus en plus fortes, notamment la déforestation importée et l’empreinte carbone des productions animales françaises. Le panier protéique français est marqué par la montée, depuis le début des années 2000, du tourteau de colza. Sur les 7,7 Mt de tourteaux riches en protéines consommés en 2008-2009, le soja s’arrogeait la part principale (4,9 Mt), suivi du colza (2,3 Mt), le tournesol ne faisant alors que de petites apparitions (0,5 Mt). En 2020-2021, sur les 7 Mt consommées, le soja est descendu à 3,2 Mt, le colza s’est stabilisé à 2,5 Mt et le tournesol se place à 1,3 Mt.

Mais soja brésilien et tournesol Hipro de l’est de l’Europe restent une obligation, même si l’origine locale est un enjeu dont des fabricants d’aliments comme Valorex se sont emparés depuis longtemps. Collectivement, la nutrition animale française vient de confier à Duralim la définition du concept de local. Sa valorisation finale ne couvre pas aujourd’hui les contraintes et les coûts pour l’amont, expliquait le 14 octobre dernier Jean-Louis Zwyck, de Maisadour, dont la coopérative s’est lancée avec Vivadour dans la transformation d’une usine d’aliments à Saint-Sever (Landes) en lieu de trituration, grâce au financement du plan de relance national. L’Ucal (Union des coopératives de l’Allier) a annoncé qu’un site similaire serait opérationnel courant 2022 à Varennes-sur-Allier. Sanders triture de son côté 50 000 t de graines de colza de ses éleveurs dans son usine de Saint-Gérand (Morbihan) et investit avec son partenaire Euralis pour doubler la capacité de leur filiale Sojalim de Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées), etc. Mais il faudrait bien plus de volumes pour du 100 % local à grande échelle.

Les Américains au secours du durable européen ?

« La production européenne de soja est bien inférieure à la demande, seuls 8 % des tourteaux de soja utilisés par l’industrie de l’alimentation animale sont produits à partir de graines locales », confirmait lors du récent Space Lola Herrera, qui représente l’Ussec (Union des producteurs de soja des États-Unis) pour le sud de l’UE. Particularité de la zone UE, 15 % des tourteaux de soja utilisés sont non OGM.

Le Brésil puis l’Argentine sont de bien plus gros vendeurs dans l’UE que les États-Unis. « Mais, face aux demandes de durabilité, dont le Green Deal, l’origine US doit pouvoir jouer sa carte, notamment avec le certificat de durabilité SSAP qui garantit sa non-déforestation », estime Lola Herrera. Elle rappelle que la prime non OGM dépasse durablement les 200 €/t alors que la prime pour un soja durable n’est que de 3 à 5 €/t.

L’environnement joue aussi les perturbateurs. La déshydratation est-elle compatible avec la décarbonation de la France ? Certaines entreprises du secteur de l’amidonnerie ou de la sucrerie pourraient réduire le volume de leurs coproduits déshydratés si des voies de valorisation locales émergent pour leurs formes humides… Par exemple la méthanisation.

PAT ou pas PAT

Quelques possibilités de nouveaux sourcings émergent. Le 17 août dernier, la Commission européenne a ainsi partiellement levé l’interdiction d’utilisation des protéines animales transformées dans les aliments pour volailles et porcs (règlement 2021/1372). Elle autorise l’utilisation de protéines d’insectes et de protéines animales transformées (PAT) de porcs dans les aliments pour volailles, l’utilisation de protéines d’insectes et de PAT de volailles dans les aliments pour porcs. Des conditions strictes doivent être appliquées pour éviter toute contamination croisée et tout cannibalisme (pas de PAT de volailles pour des volailles, par exemple). Aucune PAT issue de ruminant ne peut entrer dans des aliments pour animaux d’élevage : les produits mixtes (ruminants/monogastriques) sont donc interdits. Source de protéines très digestes, d’énergie, de minéraux (notamment le calcium et le phosphore) et de vitamines du groupe B, notamment la B12, non présentes dans les matières premières d’origine végétale, les PAT peuvent être incorporées jusqu’à 5-7 % dans certains aliments. Elles sont utilisées en petfood, comme fertilisants, et exportées hors UE, tous les pays n’ayant pas interdit leurs usages en nutrition animale lors de la crise de l’ESB. 500 000 t sont exportées, mais le potentiel réel pour la nutrition animale européenne tournerait autour de 200 000 t, principalement des PAT de porcs, celles de volailles étant bien valorisées en petfood. Les principaux pays susceptibles de les réintroduire sont a priori l’Espagne, la Pologne et les Pays-Bas, qui disposent d’usines dédiées.

« C’est probablement la dinde qui serait la plus intéressée nutritionnellement, mais je ne crois pas que les fabricants d’aliments se lancent aujourd’hui », soulignait Patrick Pageard, président du Cidef (comité interprofessionnel de la dinde française), lors du récent Space. En tout cas, en France, les cahiers des charges « alimentation 100 % végétale, minérale et vitaminique » dominent. Reste également posée la question de l’acceptabilité de volailles ayant consommé des PAT de porc pour les filières halal.

Protéines issues d’insectes et PAT ne constituent donc pas, à court terme, des ressources pour réduire significativement le besoin en soja, estimaient les industriels réunis lors de FeedInfo Summit de Genève, fin octobre.

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