Interdiction du glyphosate : + 80 €/ha en semis direct
L’Inrae estime que le travail du sol, en particulier le labour, serait la meilleure alternative au glyphosate en systèmes grandes cultures. Un surcoût de 80 €/ha serait cependant à craindre pour les parcelles en semis direct.
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Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate, l’Inrae a réalisé une étude analysant les impacts économiques du déploiement des alternatives au glyphosate en grandes cultures. Remis au Gouvernement en février 2020, ses résultats ont été présentés par l’Inrae le 3 juillet.
Selon Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inrae, « les alternatives au glyphosate en grandes cultures sont principalement mécaniques, avec en particulier le recours au travail du sol ».
85,9 % des surfaces traitées en semis direct
Pour cette étude, l’Inrae s’est appuyée sur les données issues de l’enquête « Pratiques culturales sur les grandes cultures et les prairies de la campagne 2017 », réalisée par le ministère de l’Agriculture. 17 342 parcelles en grandes cultures et conduites en conventionnel avaient alors été étudiées.
Pour les parcelles en semis direct (SD), le glyphosate est utilisé sur 85,9 % de la surface en intercultures. En techniques culturales simplifiées (TCS), 39,3 % de la surface est traitée au glyphosate. En labour occasionnel, 24,3 % de la surface est concernée, 11,9 % pour celles en labour fréquent et, enfin, seulement 7,9 % en labour systématique. L’utilisation du glyphosate en grandes cultures s’avère donc très liée à la stratégie de travail du sol, plus le sol est travaillé, moins il y a de recours au glyphosate. Son utilisation est également plus fréquente dans les grandes et surtout très grandes exploitations : 14,1 % de la surface pour les exploitations de moins de 50 ha contre 39,4 % pour celles de plus de 250 ha.
Le labour fréquent sans glyphosate, scénario de référence
Avec ces données, l’Inrae a également identifié et analysé les pratiques culturales des parcelles utilisant du glyphosate et celles mises en œuvre dans un système de culture sans glyphosate.
Le labour fréquent sans utilisation de glyphosate a été retenu comme scénario de référence par l’Inrae pour son étude. L’idée étant « d’estimer ce que feraient les agriculteurs contraints d’adopter une stratégie de travail du sol à labour fréquent sans glyphosate à partir de ce que font les agriculteurs employant déjà cette stratégie de travail du sol sans glyphosate. » Pour chaque type de travail du sol, l’Inrae a ainsi calculé le surcoût que représenterait le passage des parcelles à un système avec labour fréquent et sans utilisation de glyphosate.
Surcoût très variable selon les stratégies de travail du sol
Pour les parcelles conduites en semis direct, le surcoût serait de 80 €/ha par an. À cela s’ajouteraient également une augmentation de la consommation de gazole de 31 l/ha et un besoin de main-d’œuvre supplémentaire de 1 h 30. Un surcoût annuel de 16 % dans l’EBE/ha moyen serait à prévoir. Dans un scénario extrême de passage au labour systématique sans glyphosate, ce surcoût s’élèverait à 94 €/ha, et a minima à 73 €/ha dans un scénario moins contraignant de labour au moins occasionnel.
En TCS, le surcoût serait de 26 €/ha par an, associé à une augmentation de la consommation de gazole de 11 l/ha et un besoin de main-d’œuvre supplémentaire de 32 minutes, pour un surcoût de 5,2 % dans l’EBE/ha moyen. Un passage au labour systématique ferait passer la note à 47 €/ha, et 15 €/ha pour un labour au moins occasionnel.
En labour occasionnel, le surcoût serait de 9 €/ha. Enfin, le passage au sans-glyphosate des parcelles déjà conduites en labour fréquent représenterait un surcoût de 7 €/ha, et pour celles en labour systématique de 4 €/ha.
« Pas d’alternatives d’usage courant en SD et TCS »
Il est cependant à noter que ces calculs de surcoût ne prennent pas en compte les changements de systèmes, l’accompagnement de la transition et la réorganisation du travail induite. Les effets des leviers agronomiques, comme les effets rotations, l’implantation de couverts et les associations d’espèces et de variétés, ne sont également pas considérés.
« Dans l’état actuel des données, il n’existe pas d’alternatives d’usage courant pour les exploitations en SD et TCS. Si le labour même occasionnel faisait figure d’alternative, l’impact économique est majeur », est-il affirmé en conclusion de l’étude. Reste donc à savoir si le semis direct et l’agriculture de conservation des sols feront bel et bien partie des exceptions à l’interdiction du glyphosate comme l’annonçait le ministre de l’Agriculture d’alors, Didier Guillaume, en ce début d’année.
Lucie Petit
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