Laurent Bourdil (Anamso) : « Les producteurs de semences oléagineuses doivent être correctement rémunérés »
Alors que certains établissements semenciers proposent des prix encore très bas pour la reprise des semences de colza, tournesol et autres oléagineux pour 2022, le président de l’Anamso, Laurent Bourdil, a accepté le 27 juin de répondre à nos questions.
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Comment ont évolué les surfaces de production de semences d’oléagineux en 2022 ?
Laurent Bourdil, président de l’Anamso (1) : Elles sont en baisse de 15 % par rapport aux 32 500 ha de 2021, qui étaient elles-mêmes stables par rapport à celles de 2020. Mais nous avons connu deux années records en 2018 et 2019 à plus de 41 000 ha. À noter que 70 % des semences oléagineuses produites en France sont exportées, notamment vers les pays de l’Est, et plus précisément vers l’Ukraine et la Russie.
Quelles sont les répercussions du conflit Ukraine-Russie sur votre activité ?
L. B. : La volatilité des prix de marché des matières premières agricoles a démarré avant le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le déclenchement de la guerre n’a fait qu’accentuer les choses et a plongé la filière dans une conjoncture réellement inédite et incertaine.
Le prix de reprise des semences est pourtant lié au cours des graines conso ?
L. B. : Nous sommes aujourd’hui dans une situation où le prix de reprise des semences proposé par certains établissements semenciers, est bien en dessous du prix des grains de consommation. C’est insupportable. Traditionnellement, les prix de référence pour les semences étaient établis en fonction de la moyenne des prix conso entre juillet et décembre de l’année. Les prix conso sont très élevés depuis le début de l’année 2022. S’ils baissent sur la deuxième moitié de l’année, nous, les agriculteurs multiplicateurs de semences, ne pourrons pas bénéficier de la hausse observée en début d’année.
Mais ce n’est pas tout, depuis deux ans, avec la mise en place de la loi EGalim, nous ne bénéficions plus de la table d’échange avec les établissements semenciers que nous avions au niveau national, au sein de Semae. Autrefois, les discussions permettaient d’établir un prix de référence qui servait ensuite de base localement aux discussions avec les établissements. Mais aujourd’hui, nous n’avons plus de prix de référence, ni de méthode de calcul. Chaque producteur doit discuter avec son établissement semencier. L’incertitude est bel et bien présente quant aux revenus des producteurs.
Quelles sont les issues possibles pour sortir de cette impasse ?
L. B. : Aujourd’hui, au plan national, les discussions avec les semenciers concernent seulement des indicateurs ; pour le reste, elles sont de plus en plus difficiles. Une organisation différente est nécessaire, nous allons devoir nous adapter. Nous réfléchissons à la création d’OP, organisations de producteurs, pour discuter avec les établissements semenciers, mais ça prend du temps et, actuellement, ce n’est pas fait.
Quels messages avez-vous transmis aux agriculteurs multiplicateurs de semences lors de votre dernière assemblée générale ?
L. B. : Nous avons insisté sur l’importance de renouer avec le terrain pour être au plus près des adhérents après deux années marquées par une crise sanitaire sans précédent. Nous avons aussi insisté sur l’importance primordiale de maintenir un dialogue sur le terrain, entre producteurs et établissements semenciers. La pérennité du réseau des multiplicateurs et le renouvellement des générations en dépendent.
Quelles sont vos autres préoccupations pour la filière ?
L. B. : En ce qui concerne les autres dossiers, l’Anamso concentre ses actions de terrain sur le séchage des semences, la recherche de moyens de lutte contre les dégâts d’oiseaux ou encore les plantes compagnes comme levier à la pression des insectes de début de cycle en colza.
(1) Association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses.
Blandine CailliezPour accéder à l'ensembles nos offres :