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Le négoce à la une Pas de morte-saison chez ADS

Cédric FAIMALI

En pleine dynamique avec ses nouveaux locaux et sa ferme expérimentale attenante, Agro distribution services, géré par Jean-Baptiste Palin, craint que la séparation conseil et vente ne vienne annihiler ses efforts de vendre ses produits au moment de leur utilisation. Par Renaud FourreauxPhotos : Cédric Faimali

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Le 6 juin dernier, Agro distribution services aurait dû inaugurer, avec ses clients et partenaires, ses nouveaux locaux qu’elle occupe depuis le début de l’année à Ancerville (Meuse) et, en bonus, la toute fraîche ferme expérimentale attenante. Le Covid-19 en a décidé autrement, mais ce n’est que partie remise. ADS en aurait profité également pour fêter ses 25 ans. Cette entreprise spécialisée dans le négoce d’agrofourniture a en effet été fondée en 1995 à une trentaine de kilomètres de là, à Pierrefitte-sur-Aire, par Alain Dehan, à l’époque accompagné d’une secrétaire et d’un technicien. Elle a d’ailleurs fonctionné autour de trois personnes jusqu’en 2007, année d’arrivée de Jean-Baptiste Palin, l’actuel gérant. Issu du secteur agroalimentaire (des fromageries RichesMonts), il est embauché comme technicien pour prospecter et fidéliser sur un nouveau secteur. L’entreprise, qui réalise alors 3 M€ de CA, continue son expansion avec l’arrivée d’un nouveau TC, Thomas Schmitt, en 2008, d’un logisticien et d’un livreur.

En 2015, alors qu’Alain Dehan fait valoir ses droits à la retraite, Jean-Baptiste Palin émet le souhait de reprendre l’entreprise. « L’idée, c’était vraiment de conserver notre identité, proximité et dynamisme, relate le PDG de 39 ans. À titre personnel, j’aimerais avoir la possibilité de transmettre un patrimoine à mes enfants de 11 et 8 ans, en tout cas leur laisser le choix d’en bénéficier. Mais ce n’est pas l’argent qui m’anime. »

Des locaux presque démesurés

Pour lui prêter main-forte, Jean-Baptiste Palin fait venir Daniel Léon, qu’il a côtoyé chez Sodiaal, et lui confie la direction commerciale. « C’était mon bras droit », dit-il à propos de celui qui a eu par la suite l’opportunité de retrouver le sud de la France et de devenir délégué régional du comité Négoce Pyrénées Méditerranée. « Daniel à mes côtés, c’était un avantage considérable de par ses compétences et son regard extérieur au métier. »

Depuis lors, Jean-Baptiste Palin travaille à faire évoluer la société et à étendre son périmètre d’activité. Ainsi, six mois après avoir repris l’entreprise, il conclut pour ADS un partenariat avec deux agents commerciaux marnais issus de la concurrence. Ce qui a eu comme effet la cessation du contrat d’approvisionnement avec SeVeal et l’adhésion à Actura et localement à Nord négoce. « C’était de toute façon une position illogique et malsaine par rapport à notre identité de négoce », commente-t-il. Il cherche également à la recentrer géographiquement, et à la positionner sur un axe de communication. D’où le choix d’Ancerville. « Si demain on était contraint d’arrêter de vendre des phytos, il serait plus aisé de revendre le site, vu la proximité avec la nationale 4 Paris-Nancy-Strasbourg. Même si ce n’est bien sûr pas la volonté. »

Les nouveaux locaux sont relativement imposants. Ils ont nécessité un investissement de 1,4 M€. Les bureaux administratifs semblent presque démesurés et le bâtiment de stockage peut accueillir jusqu’à 99 t de produits et s’étend sur 2 300 m2, soit trois fois la surface de l’ancien. « Cela peut paraître audacieux et ambitieux, reconnaît Jean-Baptiste Palin, mais il s’agit d’avoir une logistique de rentabilité par le biais du volume, et de se donner la possibilité de s’ouvrir à de nouveaux marchés (couverts végétaux…). » ADS attache également une importance à l’embellissement du site via des jachères fleuries, bientôt des ruches. Un paysagiste va aussi mettre sa patte pour l’agrémenter de fleurs, d’arbres, etc. « Une structure agréable, dynamique, pro et propre, c’est l’image que je veux renvoyer. »

Collecte : que de la mise en relation

Dans ce nouvel ensemble, toujours pas de collecte physique pour ADS, qui s’est plutôt positionné de manière singulière sur le créneau de la mise en relation, actuellement gérée par Teddy Juy. « Certains agriculteurs venaient vers nous pour l’appro et nous reprochaient de ne pas faire de collecte », justifie-t-il. Cette activité concerne environ 200 clients pour 25 000 t en 2019-2020 (le retour se fait sous forme d’une légère commission), et ADS espère doubler ce volume dès cette année.

En appro, ADS a décidé en revanche de prendre un virage, en se tournant vers les alternatives aux produits phytos classiques. « Mais pour basculer vers d’autres horizons, pour réduire significativement les IFT, il faut avancer des choses concrètes », pointe-t-il. D’où l’initiative, originale pour une entreprise de cette taille, de mettre sur pied une plateforme expérimentale, attenante aux locaux, également sur 1 ha, et qui incarne la modernisation en cours. « Il s’agit de pouvoir disposer, en complément de quelques parcelles d’essais chez des agriculteurs, de nos propres références et supports techniques, de parfaire le niveau de nos techniciens et de démontrer à nos clients la faisabilité de nouvelles pratiques et, surtout, de ne rien s’interdire. Je pense par exemple au charbon de bois, dont nous avons une usine à proximité, peut-être pourrait-on trouver des vertus en agriculture. » C’est en tout cas dans cet état d’esprit qu’il a embauché un jeune technicien, Yvon Josselin. « Il arrive avec son regard mesuré, sa capacité de raisonnement, il colle bien à la vision de demain. Il n’est ni pro, ni anti, mais aura tendance à moins sécuriser un phyto. » Ce dernier a la charge de superviser cette plateforme et il a carte blanche.

La vente au jour le jour comme credo

« Mais ce qui nous distingue vraiment, c’est d’être sans doute l’un des seuls distributeurs en France à vendre nos produits au moment de l’utilisation, insiste Jean-Baptiste Palin. Nous vendons très peu en morte-saison, à peine 5 %, et si on ne nous en réclamait pas, on n’en ferait pas. Dans cette approche au jour le jour, en fonction des besoins et du climat, au début il y a la peur de manquer, mais je fais comprendre aux clients qu’en achetant en avance, ils sont moins dans le raisonnement. Alors que là, on se met face aux difficultés. Faut-il traiter ou pas ? Intégralement ou partiellement ? »

« Mon prédécesseur, qui était reconnu pour être très bon techniquement, était déjà dans cette optique. Même si ce n’était pas toujours évident logistiquement. » Désormais, ce sont entre 3 et 4 salariés qui sont opérationnels en saison pour assurer la logistique. Le technicien délivre un conseil écrit et passe commande pour une livraison à l’exploitation dans la journée.

Adapter la dose, souvent au plus bas

« Mais en agissant de cette façon, on a nécessairement besoin de plus de place pour stocker. » Avec le risque que ça ne se vende pas. Cette année, ADS se retrouve avec 30 % de phytos en plus du fait d’une moindre pression sanitaire, mais préfère largement que le produit soit appliqué intelligemment, quitte à rater du chiffre. « J’aime autant amener un service qualitatif. Notre savoir-faire, c’est non seulement de faire des applications au jour le jour, mais aussi d’adapter la dose, souvent au plus bas, pour qu’il ne reste pas de stocks chez le client. » « Cela fait partie de l’identité de l’entreprise, appuie Thomas Schmitt. Je reste persuadé que cette stratégie est la bonne voie, même si la séparation du conseil et de la vente va à son encontre. » « On ne peut que choisir la vente, mais il n’y a rien de plus illogique que cette séparation », reprend Jean-Baptiste Palin pour qui l’avenir est un motif d’inquiétude.

« D’autant qu’un suivi au jour le jour, cela crée plus d’emplois que de travailler en morte-saison, laquelle est d’ailleurs trop souvent utilisée dans un but lucratif, avec comme objectif de dégager du volume, sans tenir compte des besoins réels. » Chez ADS, les portefeuilles sont de fait limités à une soixantaine de clients, excepté pour le dirigeant qui en suit une centaine. « J’adore le métier de technicien, j’y passe 95 % de mon temps, raisonner et faire raisonner me passionne. » Vous le croiserez peu dans les nouveaux locaux : il n’y passe qu’une heure par jour en moyenne. Mais c’est la mort dans l’âme qu’il s’apprête à arrêter de conseiller. « J’en profite encore pour quelques mois. Ça m’est extrêmement douloureux d’abandonner cette étiquette sur laquelle nous nous sommes fait connaître et reconnaître, pour nous rétrograder à des vendeurs quelconques de produits, sans même pouvoir amener une plus-value technique et intellectuelle à nos clients. »

© Cédric FAIMALI - « Une structure agréable, dynamique, professionnelle et propre, c’est l’image que je veux renvoyer », s’enthousiasme Jean-Baptiste Palin, président d’ADS, devant les nouveaux locaux de l’entreprise à Ancerville (Meuse).

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