FONGICIDES CÉRÉALES Les triazoles tirent leur épingle du jeu
Les pluies ont affecté négativement la sole de céréales, mais provoqué une très forte pression des maladies. Dans ce contexte, le nombre de passages et le nombre de mélanges par passage ont progressé. Le prothioconazole, le tébuconazole et l’azoxystrobine sont les trois molécules gagnantes cette année.
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Les fortes pluies de l’automne 2023 ont lourdement perturbé les semis de céréales à paille, en premier lieu ceux de blé tendre et d’orge d’hiver. La météo, également pluvieuse au printemps, a provoqué une très forte pression des maladies, comme la septoriose et la rouille brune en blé, la rouille naine et la ramulariose en orge.
De leur côté, les hectares traités (qui reçoivent au moins un fongicide) reculent de 11 % par rapport à 2023, à 5,42 Mha. Par ailleurs, la proportion d’hectares pulvérisés régresse de trois points par rapport à l’an dernier, à 86 %. « Les surfaces traitées baissent davantage que les hectares cultivés car les fenêtres de tir au printemps ont été limitées en raison de la météo. Il fallait parfois choisir entre l’azote, le désherbage ou le fongicide », souligne David Pé, chez Corteva Agriscience. « Cela traduit un désinvestissement sur les parcelles qui présentaient un potentiel altéré du fait du décalage des semis et des pluies », analyse de son côté Bertille Gin, chez BASF.
Davantage de mélanges
Les hectares déployés progressent, eux, de près de 2 %, à 15,6 Mha (blé + orge). Le nombre de passages est en augmentation, le nombre de produits par passage aussi. « Cette année, pour faire face à la forte pression des maladies, les agriculteurs qui ont décidé de traiter ont réalisé plus de mélanges que d’habitude, en ajoutant une triazole et/ou une strobilurine », remarque Damien Lenglet, chez Syngenta. Dans les mélanges réalisés à chaque passage, trois matières actives tirent leur épingle du jeu : le prothioconazole, le tébuconazole et l’azoxystrobine.
Le nombre de passages sur céréales monte ainsi à 2,1 cette année (2,3 en blé) contre 1,9 en 2023 (2,06). Moins de céréaliers ont traité une fois (- 4 points par rapport à 2023) ou deux fois (- 6 points), à l’inverse ceux qui ont traité trois fois et plus progressent de 9 points (de 22 % à 31 %). « En blé tendre, 34 % des surfaces ont été traitées trois fois », chiffre Gilles Espagnol, de Nufarm. Et on passe de 1,3 produit par mélange l’an dernier à 1,38 cette année. Les hectares en mélange ont progressé de 17 % (+ 18 % en blé, + 9 % en orge). Près de trois produits par hectare traité ont été appliqués en moyenne contre 2,5 habituellement, soit une progression de 15 %.
Au final, les dépenses en fongicides atteignent cette année 70,80 €/ha traité sur céréales contre 69,3 l’an dernier. Elles sont à 75 €/ha en blé tendre (72 en 2023), et 58,50 €/ha en orge.
Les hectares traités en T1 sont globalement stables en valeur mais régressent de 1 % en surfaces déployées. Le T2 chute de 4 % en ha (légère baisse en valeur), tandis que les T3 progressent de 20 % en hectares déployés mais baissent en valeur, les produits utilisés étant peu onéreux (type tébuconazole solo). Beaucoup de céréaliers ont réalisé ce T3 comme un T2 +, c’est-à-dire comme un relais sur la septoriose et la rouille. « La météo a causé des problèmes pour gérer la septoriose sur blé en T2, le traitement a donc été décalé en T3 », fait savoir Bertille Gin.
Le soufre souffre
Le marché des fongicides céréales en T1 reste dominé par les triazoles qui ont vu leur utilisation progresser cette année, avec 6,5 Mha déployés, dont 5,5 Mha de triazoles appliquées en solo. « Depuis trois ans, ces applications en solo se sont fortement développées », avance Maxime Luneau, d’UPL. C’est particulièrement le cas en 2024 où, par exemple, le prothioconazole a été utilisé seul sur environ 1,3 Mha. « En blé, les triazoles solo ont représenté 40 % des traitements », remarque Anne-Sophie Becue, d’Adama, qui considère cela comme une « alerte en termes d’efficacité ». « Avec plus de 10 séquences contaminantes de septoriose cette année, gérer grâce à des petites doses de triazoles n’est pas suffisant pour contenir la maladie », estime-t-elle. Et d’insister : « À la suite du retrait du chlorothalonil, l’utilisation de produits multisites comme le folpel (Adama, NDLR) ou le soufre est réduite à peau de chagrin. »
Les soufres en solo au total ont reculé à 340 000 ha ; avec l’Aquicine Duo (soufre + phosphonates) ce segment atteint 440 000 ha. Cela reste la molécule la plus utilisée en T1. Le Sesto (folpel) a progressé autour des 300 000 ha (dont 200 000 ha sur blé) contre 220 000 ha en 2023. « Mais cela est dérisoire par rapport au marché des céréales », remarque Anne-Sophie Becue. Si les surfaces déployées avec des triazoles ont progressé, le marché a reculé en valeur car le prix des solutions a baissé, avec un nombre d’acteurs grandissant.
La moitié du marché est toujours drivée par le T2, le traitement clé à dernière feuille, avec près de 9 Mha déployés sur céréales à paille (environ 50 % du total du marché). Un chiffre identique à l’an dernier en surfaces, mais en recul en valeur. Les SDHI dominent toujours ce segment, avec le Revysol de BASF (27 % des hectares traités ont reçu une solution de cette gamme), suivi par le Solatenol de Syngenta (Elatus Era…) et la gamme Squadro de Bayer CropScience. « Nous gagnons un point de part de marché sur blé et quatre points sur orge grâce aux 14 solutions de cette gamme », se félicite Jérôme Métivier, chez Bayer.
Montée du biocontrôle
Les produits de biocontrôle, qui permettent de ne pas sélectionner les souches résistantes, représentent 4 % du marché des fongicides céréales en 2024, en forte progression depuis 2022. Auparavant, il n’y avait que du soufre disponible. Depuis l’arrivée de solutions prêtes à l’emploi (Aquicine Duo et Pygmalion), les agriculteurs répondent davantage présents. Le Vacciplant (laminarine) d’UPL continue sa percée, tout comme Pygmalion (phosphonate de potassium) commercialisé par De Sangosse, qui a progressé de 60 % cette année. « Il s’est utilisé à 75 % au T1 (seul ou en association), contre 60 % en 2023 », indique Marie Aubelé. La firme travaille par ailleurs l’ajout d’adjuvants pour les bouillies fongicides. « C’est nouveau de montrer qu’un adjuvant peut améliorer l’efficacité d’un fongicide, précise-t-elle. Nous avons la volonté de dynamiser ce créneau. »
Dans ce contexte, les positions des différents intervenants évoluent : Bayer CropScience passe premier avec 25,5 % de part de marché en valeur (en baisse de 0,5 point), au coude à coude avec BASF qui recule à 25,3 % contre 30 % environ l’an dernier. Syngenta se positionne troisième, avec une part de marché globale de 18,1 % en valeur. La firme passe toutefois numéro un en hectares (18,3 % de PDM), notamment grâce à son innovation biocontrôle sur blé, Aquicine Duo. Nufarm, leader du tébuconazole solo, atteint 8 % de part de marché avec, entre autres, ses triazoles Mayandra (45 % de PDM sur le segment des tébuconazoles, + 6 points) et Mystic (17,5 % de PDM, stable). Corteva grignote aussi du terrain grâce à l’Inatreq, avec 6,8 % de PDM en hectares déployés au total (+ 2 %). Sur le segment du T2, la part de marché atteint 25,7 %. L’Inatreq a été appliqué sur 1 Mha contre 816 000 ha en 2023.
Les autres intervenants restent UPL, Philagro, De Sangosse, Adama… UPL progresse en T1, grâce à ses nouveaux fongicides Zoxis néo (azoxystrobine) et Nebbia (prothioconazole) qu’il préconise en combinaison avec ses produits de biocontrôle (offre Pronutiva). « Le marché du soufre a baissé au global, mais de notre côté, nous avons progressé de 60 % et on commence à devenir représentatif sur ce marché-là en céréales », se félicite Maxime Luneau. Philagro est septième acteur du marché en blé avec ses solutions à base de bromuconazole.
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