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L’agriculture régénératrice tirée par la demande de l’aval

Faisant l’objet d’une demande croissante de la part des clients de l’aval pour leur approvisionnement, l’agriculture régénératrice bénéficie d’une notoriété en progression sur le terrain. Mais ses bénéfices économiques restent à travailler.

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D’après notre enquête Agrodistribution-ADquation, 43 % des agriculteurs ont entendu parler de l’agriculture régénératrice. Une proportion en hausse de 6 points par rapport à l’année dernière. « Avec l’inflation et le changement climatique, on voit sur le terrain que les agriculteurs s’y intéressent, témoigne Bastien Sachet, DG de la fondation Earthworm. C’est un pourcentage qui va progresser. » En tout cas, les initiatives ne manquent pas sur le sujet. Axéréal introduit notamment des légumineuses dans son assolement, avec la création de la filière Intact. « C’est un levier fort pour déployer l’agriculture régénérative », affirme Pierre Toussaint, directeur développement durable au sein du groupe coopératif.

Apporter de la crédibilité

Si Emmanuel Letesse, responsable du pôle agroécologie chez Agora, discute les résultats en pointant l’éventualité d’une confusion avec l’agriculture de conservation des sols, il note, lui aussi, un intérêt pour l’agriculture régénératrice. « Depuis deux ans, nous accompagnons les agriculteurs via les agroclubs ACS dans lesquels l’agriculture régénératrice est abordée, donc forcément les agriculteurs parlent entre eux, ce qui permet d’en toucher davantage, ou du moins de les sensibiliser. » Pour Cécile Doinel, manager du programme Harmony, l’enjeu est d’apporter de la crédibilité à ce terme et de montrer que ce n’est pas une démarche marketing mais bien concrète. Mondelēz International a ainsi organisé, en juin, une première visite à Agen (Lot-et-Garonne) de son Harmony Tour, afin de présenter sa démarche d’agriculture régénératrice à ses agriculteurs.

Le Nord-Est davantage sensibilisé

Dans le détail, notre baromètre montre que les grandes exploitations du Nord-Est sont plus sensibles à l’agriculture régénératrice. Selon Bastien Sachet, « les exploitations grandes cultures de cette région sont plus en prise avec les industries engagées dans ces démarches comme Nestlé et Danone. Le message y est donc plus fort et va plus vite. »

Avec les engagements de décarbonation à l’horizon 2030-2050, la demande de l’aval pousse l’agriculture régénératrice à se déployer. « Pour Cargill, 70 et 80 % des émissions proviennent de la matière première, par conséquent l’agriculture est un pilier essentiel pour répondre à cette problématique et c’est le cas pour beaucoup de clients mondiaux. Donc aujourd’hui, tout le monde se tourne vers les distributeurs en disant qu’il faut avancer sur l’agriculture régénératrice avec des modèles qui puissent quantifier les bénéfices », explique Vincent Choquet, spécialiste marché environnement chez Cargill.

Mutualiser les coûts de la transition

Même si le terme d’agriculture régénératrice se répand, les agriculteurs qui en ont entendu parler restent méfiants. Alors qu’ils étaient 41 % d’entre eux en 2022 à la voir comme une source potentielle de revenu complémentaire, ils ne sont plus aujourd’hui que 28 %. Le soufflé semble retombé. Contexte économique ou déception ? Une chose est sûre, il faut trouver les moyens de financer la transition. Agora est optimiste. « Alors qu’il y a un an, nous n’avions pas de démarches valorisant les pratiques vertueuses, aujourd’hui nous sommes en capacité d’apporter concrètement aux agriculteurs de la valeur ajoutée grâce à nos partenariats avec nos clients industriels », appuie Emmanuel Letesse. La coopérative valorise en effet le colza bas GES de 200 agriculteurs, le maïs de 60 agriculteurs engagés avec Nestlé dans le programme Sols vivants d’Earthworm et, récemment, 22 agriculteurs sont entrés dans le programme Regen Connect de Cargill.

Pour Bastien Sachet, l’incitation financière de l’aval n’est pas assez massive pour encourager les agriculteurs à prendre le risque de la transition. « C’est le verrou qu’il faut débloquer, affirme-t-il. On travaille actuellement avec différents acteurs pour mutualiser les coûts de la transition. » Si aujourd’hui la rémunération provient essentiellement du carbone, ce modèle rencontre ses limites. En effet, cette rémunération est liée à un changement de pratiques, donc un agriculteur déjà très engagé dans sa transition ne peut pas générer de crédits carbone. « Il faudrait mettre en place une rémunération pour services rendus, maintien des pratiques ou empreinte écologique faible, constate Vincent Choquet. Pour ce type de démarche il faut un alignement avec l’aval, or aujourd’hui, la demande aval n’est pas encore prête à payer pour ça. » Toutefois, Cargill réfléchit à des indicateurs pour pouvoir quantifier les bénéfices environnementaux. Sébastien Roumegous, lui, pense qu’il faut être proactif en attirant le client dans ses systèmes et non l’inverse. « Valoriser les pratiques vertueuses, c’est une négociation avec l’aval », résume-t-il.

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