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LE BAROMÈTRE Les semis font grise mine

En plus des surfaces non semées, un certain nombre de parcelles ont été semées dans de mauvaises conditions.

Pour 2024, les surfaces de céréales d’hiver s’orientent à la baisse, et notre baromètre Agrodistribution-ADquation le confirme. Les pluies abondantes, observées à l’automne 2023, ont considérablement affecté les semis. Des reports vers des cultures de printemps sont attendus.

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Depuis la mi-octobre, de fortes précipitations se sont abattues sur l’ensemble du territoire. Problème : elles ont paralysé les interventions au champ. Ainsi, les trois quarts des céréaliers interrogés dans le cadre de notre enquête Agrodistribution-ADquation ont trouvé les conditions de semis plus difficiles que l’année dernière. Et dans l’Ouest particulièrement où ils sont 82 % à avoir fait ce constat. Au final, un tiers d’entre eux n’arriveront pas à semer tous les hectares prévus.

Sous une pluie de retards

Les précipitations abondantes ont entraîné des retards dans les semis. Notamment sur la façade atlantique, qui croule sous les millimètres de pluies. Début décembre, seuls 89 % des blés tendres étaient semés selon Céré’Obs. Un chiffre qui monte à 95 % dans les Hauts-de-France, région qui a pourtant connu de fortes inondations sur son littoral, mais qui tombe à 62 % en Nouvelle-Aquitaine, alors qu’à la même période en 2022, la totalité des blés tendres y avait été semée. Une tendance qui n’a pas épargné l’orge d’hiver et encore plus le blé dur. Seuls 54 % des semis de cette culture étaient réalisés début décembre (contre 92 % l’année précédente). Les taux sont particulièrement inquiétants en Occitanie (57 %), en Pays de la Loire (30 %) et en Nouvelle-Aquitaine (25 %).

Terre Atlantique peut en témoigner. Le 7 novembre, au lendemain de la tempête Domingos, Christian Cordonnier, DG de la coopérative de Charente-Maritime, estimait que seulement 15 à 20 % des semis avaient été faits. Deux semaines après, il chiffrait à 60 % les surfaces de céréales semées. « Si on termine à 85 % des surfaces prévues, on sera content », jugeait-il.

La Cavac a également fait part de ses inquiétudes lors de sa conférence de presse du 11 décembre. « La collecte 2024 se présente de façon moins réjouissante que 2023 », a alerté le DG, Jacques Bourgeais. Il a indiqué que 60 à 70 % des semis avaient été réalisés. Si en plaine ils étaient quasiment terminés (90 %), dans le bocage, ils ont été particulièrement périlleux. De plus, certaines surfaces auraient été semées dans de mauvaises conditions. « On s’attend à ce que la récolte d’été soit amputée de moitié », s’est-il inquiété. Un constat partagé par Benoît Piétrement, président du conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer : « Certaines surfaces semées ont par la suite souffert de l’humidité et d’autres ont été semées en conditions limites. Donc nous savons que le potentiel a été affecté. »

Les céréales d’hiver en recul

Benoît Piétrement se dit d’ailleurs « pessimiste » concernant les surfaces semées. Et pour cause, selon notre enquête Agrodistribution-ADquation, 26 % des agriculteurs interrogés auraient diminué les surfaces de céréales d’hiver. Sur l’ensemble du panel, elles seraient en baisse de 6 % en moyenne par rapport à l’automne 2022. Dans le détail, elles ne diminueraient que de 1 % dans le Nord-Est, mais iraient jusqu’à -7 % dans le Sud et l’Ouest, et -9 % dans le Centre.

De son côté, Agreste estime les surfaces de céréales d’hiver 2024 à 6,4 Mha, soit une baisse de 5,1 % par rapport à l’an dernier et de 3,5 % par rapport à la moyenne quinquennale. Toutes les céréales d’hiver sont concernées. Le blé dur voit ses surfaces chuter de 10,5 % en un an. Celles de blé tendre sont estimées à 4,49 Mha, en baisse de 5,1 %. En Pays de la Loire et Midi-Pyrénées, elles chuteraient même de plus de 20 %. Même son de cloche pour l’orge d’hiver. Avec 1,31 Mha, les surfaces sont en baisse et chuteraient de plus de 10 % par rapport à l’an passé en Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Pays de la Loire. Elles seraient stables en Centre-Val de Loire et Grand Est.

Afflux vers l’orge de printemps

Après avoir reçu 400 mm de pluie en 2 mois, la coopérative de la Tricherie a fait le bilan : le blé tendre et l’orge seraient respectivement en retrait de 10 et 15 % par rapport à 2022. Ainsi, la coopérative prévoit, pour 2024, une hausse de 20 % de sa sole de tournesol et maïs. « La baisse des emblavements d’hiver va entraîner une hausse de la sole de cultures de printemps », augure Stéphanie Bureau, directrice collecte du groupe Isidore. Le négoce a notamment vu ses réservations en semences d’orge de printemps brassicole affluer. « Nous en profitons aussi pour augmenter la sole de pois chiche, filière que nous défendons depuis quelques années, ajoute Laurent Perdriau, directeur commercial et approvisionnements du groupe. Pour la sole classique des cultures de printemps, nous notons un retard sur les engagements dans ce contexte incertain, mais une demande supplémentaire en maïs non irrigué se dessine. » De son côté, la Cavac évoque des reports vers les blés de force, l’orge de printemps, le blé dur ou encore le tournesol.

Gérer les retours de semences

Les modifications d’assolement vont donc entraîner des retours de semences. « Nos entreprises vont se retrouver avec des stocks importants, prévoit Laurent Perdriau. Il va falloir gérer les retours avec nos fournisseurs puisque nos semences vont être renvoyées pour être stockées dans les meilleures conditions et recertifiées pour les semis 2024. »

Autre inquiétude du côté du Naca, les déclarations Pac. Les agriculteurs n’ayant pas pu implanter leurs couverts ont été invités à déposer des demandes individuelles afin d’obtenir des dérogations. Toutefois, le directeur Simon Aimar est soucieux : « Combien d’agriculteurs vont accepter de faire encore de la paperasse ? Certains sont déjà excédés, nous craignons qu’ils prennent le risque de ne pas faire de dérogations. »

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