LE BAROMÈTRE Le biocontrôle à la conquête des grandes cultures
Dans un paysage agricole en pleine mutation, le biocontrôle poursuit son déploiement. Et s’il veut continuer à s’imposer face aux produits phytosanitaires conventionnels, de nouvelles solutions doivent émerger en grandes cultures.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L’intérêt croissant pour des solutions durables, conjugué à la raréfaction des produits phytosanitaires de synthèse, a encouragé la progression du biocontrôle au cours de ces dernières années. En témoigne le renouvellement, pour la troisième année consécutive, du Village du biocontrôle porté par IBMA France et neuf partenaires, lors du Sival. Cette tendance est également corroborée par les résultats de notre enquête Agrodistribution-ADquation. Alors qu’en 2021, seulement 29 % des agriculteurs interrogés déclaraient recourir à des produits de biocontrôle, ce chiffre grimpe à 43 % en 2023, voire à 53 % pour les exploitations orientées grandes cultures.
3 % de PDM en ha déployés
Un chiffre élevé selon Christophe Jounaux, responsable commercial Europe chez Kynetec. En se basant sur un panel d’envergure (plus de 10 000 répondants), ce spécialiste des analyses de données agricoles estime que moins de 30 % des agriculteurs font usage de produits de biocontrôle dans le domaine des grandes cultures. Un pourcentage qui frôle les 100 % en cultures spécialisées telles que la viticulture et l’arboriculture. « En grandes cultures, détaille-t-il, il y a une bonne pénétration : les agriculteurs qui utilisent au moins un produit de biocontrôle représentent 40 % des surfaces de protection des plantes. Le bémol, c’est la concentration : ceux qui en utilisent ne les appliquent que sur une faible surface, 8 % en moyenne. Ainsi, en grandes cultures, le biocontrôle ne représente que 3 % de parts de marché en ha déployés, contre 50 % en culture spécialisées. »
Un segment herbicides qui pêche
Et si la concentration est aussi faible, c’est que du côté des herbicides sélectifs de biocontrôle, tout reste à faire. « La principale difficulté pour que le marché du biocontrôle se déploie en grande culture, c’est la partie herbicides, souligne Christophe Jounaux. Le poids des herbicides est important dans ces productions sauf qu’aujourd’hui, le marché du biocontrôle y a un accès limité en raison de la disponibilité restreinte, voire inexistante, de produits herbicides éligibles. » En fongicide, les solutions sont également peu nombreuses ; d’après lui, il y en aurait une quinzaine en grandes cultures contre une cinquantaine en viticulture. Ainsi, le déploiement du biocontrôle reposera sur les innovations à venir.
Le prix, obstacle n° 1
De surcroît, un certain nombre d’agriculteurs reste à convaincre. En effet, d’après les résultats de notre enquête, 65 % des agriculteurs utiliseraient ou seraient prêts à utiliser des produits de biocontrôle. Alors, qu’est-ce qui retient les 35 % restants ? Plusieurs raisons sont citées avec, en tête, le prix, jugé trop élevé. « Certains vont comparer le prix de l’innovation à celui d’un produit phytosanitaire conventionnel existant depuis plusieurs années et à partir duquel des génériques chinois moins chers ont été développés », analyse Céline Barthet, présidente d’IBMA France. Et si certaines solutions de biocontrôle sont effectivement plus coûteuses que les produits conventionnels, d’autres sont proposées à des tarifs similaires, notamment les molluscicides à base de phosphates ferriques.
Le doute quant à l’efficacité arrive en deuxième position, cité par 29 % des répondants. « Les innovations de rupture trouvent un accueil favorable une fois le doute sur l’efficacité dissipé grâce à des démonstrations, relativise Fabrice Lemarchand, directeur général de Vivagro. On observe par la suite un engagement des distributeurs dans la diffusion de ces solutions. » Pour Ronan Goff, directeur général de Certis Belchim, l’incertitude peut découler d’un mauvais positionnement du produit : « Si le biocontrôle n’est pas correctement appliqué, il perd en efficacité, décevant les utilisateurs qui remettent en question sa performance. »
Réduire les appréhensions
En ce sens, les troisième et quatrième obstacles évoqués sont les manques d’habitude et de connaissances. En effet, le recours aux solutions de biocontrôle peut impliquer des ajustements au niveau de la distribution et de l’itinéraire technique. « Prenons l’exemple du trichogramme pour lutter contre la pyrale du maïs, illustre Lancelot Leroy, directeur innovation et transformation chez Terrena. Il faut des frigos pour le distribuer et il faut le positionner au bon moment en suivant les émergences. Cela nécessite un accompagnement pour que les producteurs prennent confiance dans la façon d’utiliser ces produits. » C’est pourquoi la coopérative a mis en place un dispositif d’accompagnement à l’innovation, Les Sentinelles de la terre. « Nous déterminons une solution à mettre en œuvre chez le producteur, les changements qu’elle implique dans son itinéraire technique, le risque généré, comment le minimiser et le prendre en charge, précise-t-il. Les producteurs ont besoin de pouvoir s’appuyer sur les expériences menées à proximité pour réduire les appréhensions et avancer. »
Conscientes de ces réticences, les firmes s’efforcent de développer des produits qui s’intègrent facilement dans les itinéraires techniques. Le fongicide biocontrôle Pygmalion, lancé en 2021 par De Sangosse, a notamment été reconnu par les utilisateurs pour son efficacité, sa facilité d’application et à sa praticité. Et pour accompagner ces changements de pratiques, IBMA France et le ministère de l’Agriculture misent sur la formation. « Le biocontrôle occupera une place croissante dans la formation continue et initiale », a annoncé le ministre Marc Fesneau au Sival.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :