Changement climatique : 50 % des agriculteurs s’y adaptent
D’après notre baromètre Agrodistribution-ADquation, la moitié des agriculteurs se retroussent les manches face au réchauffement climatique. Toutefois, pour les techniciens interrogés, cette évolution des pratiques reste assez poussive.
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Manque ou excès d’eau, pics de chaleur, tempêtes… Le changement climatique augmente la fréquence des phénomènes extrêmes et perturbe les habitudes des agriculteurs. Ces derniers prennent-ils des mesures pour y faire face ? D’après notre baromètre Agrodistribution-ADquation, la moitié d’entre eux répondent que oui.
Des aléas difficiles à anticiper
« Les principaux aléas sont liés aux excès d’eau, de température et aux tempêtes, présente Philippe Pluquet, responsable technique productions végétales chez Noriap. Mais ces deux dernières années, ce sont surtout les excès de pluie à l’automne et à l’été qui pénalisent les productions. » Constat partagé par Fabrice Igier, technicien de proximité chez EMC2 : « D’habitude, nous avons des coups de sec d’avril à juin dans nos petites terres qui retiennent peu d’eau. Mais depuis deux ans, la pluie impacte les rendements. »
Même écho du côté de l’Indre où est implanté le négoce Dupré-Lardeau. « Il est tombé 2 000 mm d’eau en 15 mois, ce qui lessive les sols et les rend très compacts, souligne Nicolas Lemane, conseiller technique au sein du négoce. Et, face à la pluie, il n’y a pas grand-chose à faire. Les agriculteurs subissent. »
Des modifications d’assolements, de semis…
Parmi les agriculteurs sondés faisant évoluer leurs pratiques, 72 % affirment modifier leurs assolements. « Depuis plusieurs années, certains de nos adhérents cultivent du maïs, historiquement peu présent chez nous. Il améliore la maîtrise du lupin et permet de diminuer les désherbages dans les blés », témoigne Fabrice Igier.
Au sein des pratiques identifiées, figurent en bonne position : la mise en place de couverts végétaux (70 %), l’utilisation de variétés résistantes aux stress climatiques (69 %), le décalage des semis (63 %), l’implantation de haies (45 %) ou la souscription à une assurance récolte (44 %).
Nicolas Lemane remarque sur son territoire que le décalage des semis est fréquent. « Les agriculteurs ont, par exemple, profité des huit jours de beau temps à la mi-février pour semer leurs orges de printemps. » Mais pour lui, cette flexibilité est davantage subie que choisie. « Ils préféreraient tout semer en même temps comme avant », assure-t-il. Via l’animation de groupes, le technicien encourage les agriculteurs à changer de pratiques mais regrette que « dans les faits, ils soient peu nombreux à franchir le pas ».
« La pluie favorise l’apparition de maladies, c’est pourquoi le choix de variétés tolérantes est une solution assez utilisée par nos agriculteurs », intervient Philippe Pluquet. Bien que moins plébiscités dans le sondage (24 %), les biostimulants sont une voie de recherche pour la coopérative. « À la suite d’années sèches (2016, 2017, 2018, en partie 2019), des tests sur des produits à base de calcium ont été menés. Ils ont donné de bons résultats pour le maintien du potentiel des cultures. » Une tendance que Fabrice Igier retrouve au sein d’EMC2 : « Avant, les agriculteurs apportaient systématiquement un fongicide en T1, T2 et T3. Maintenant, des protocoles sont mis en place avec l’inclusion de solutions à base d’oligoéléments et de biostimulants. »
Pour Philippe Pluquet, une autre « forme d’adaptation au quotidien » non citée dans le baromètre est l’installation de stations météo dans les fermes. Mais, au-delà même des solutions individuelles déployées par l’agriculteur, le responsable technique insiste sur le rôle du distributeur dans le déploiement de solutions. Noriap a ainsi rejoint officiellement, lors du Salon de l’agriculture, le programme Transitions de Vivescia. « Il permettra de former les techniciens et les agriculteurs aux pratiques de l’agriculture régénératrice et bas-carbone pour faire face aux aléas, tout en proposant des leviers économiques, via des primes », se réjouit-il.
De nombreux freins
« Non-labour » (2 %), « semis direct » (4 %), « agriculture de conservation des sols » (2 %) et « augmentation des stocks de fourrage et modification du système de pâturage » (2 %) font partie des pratiques citées spontanément lors du sondage. D’après les techniciens, elles sont peu mises en place car « très techniques », « contraignantes pour l’organisation » de l’exploitation et « parfois coûteuses ».
Ces derniers soulignent un changement lent des pratiques en raison de nombreux freins. « Psychologique, organisationnel, économique, technique… », énumère Philippe Pluquet. À cela s’ajoute, d’après Nicolas Lemane, une prépondérance de la mécanisation dans les charges de l’exploitation, et ce « au détriment des investissements dans l’agronomie ».
Les trois experts sont unanimes : « Il faut remettre l’agronomie au cœur des pratiques en travaillant sur la richesse et la qualité des sols ainsi que sur la nutrition des plantes. » Ce n’est que par ce travail-là que les agriculteurs réussiront à faire preuve de robustesse face aux conditions climatiques de plus en plus imprévisibles.
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