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Garder « l'esprit Creully » de proximité avec l'adhérent

« Notre succès de collecte montre que nous savons répondre aux attentes du terrain », souligne Pascal Desvages, président de la coopérative de Creully (à gauche), aux côtés de Stéphane Carel, directeur général.Photo Arthur Joncour

Un siège flambant neuf, un plan silo et un projet bio. A 80 ans, la coopérative de Creully, dans le Calvados, a rechargé ses batteries et garde sa ligne de conduite pour projeter ses adhérents vers l'avenir.

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Elle a parfois été qualifiée de village Gaulois. C'est que dans un secteur où c'est souvent la loi du « big is beautiful » (ce qui est grand est beau) qui l'emporte, la coopérative de Creully a bien résisté en conservant une taille humaine, avec 67 salariés et 1 200 adhérents actifs pour une collecte d'un peu moins de 300 000 t sur le département du Calvados principalement. Aujourd'hui, l'entreprise continue d'arborer fièrement son indépendance. « Notre taille est un atout supplémentaire pour affronter les nouveaux challenges qui s'offrent à nous. Nous serons là demain et après-demain ! », a d'ailleurs réaffirmé le président de la coopérative, Pascal Desvages, le 1er juillet dernier, lors de l'inauguration de 13 700 t de capacités de stockage à Tour-en-Bessin. Un projet qui constitue la première tranche d'un ambitieux plan silo de 12 M€. A 80 ans passés, l'entreprise semble jouir d'une seconde jeunesse avec un siège tout neuf, un nouvel entrepôt, et le plein de nouveaux projets dont celui de la création d'une filière bio.

Obligation de résultat

Pour la coop de Creully, indépendant ne veut pas dire isolé, ni à périmètre constant. De fait, elle fait vivre de beaux partenariats, à l'image de celui créé avec la coopérative de Bellême en nutrition équine via la filiale Equi'Ouest, ou encore le travail de terrain avec la station Arvalis à Rots, les chambres d'agriculture, et la prise de contrôle de la station de semence Omnisem, dans l'Eure, en tant qu'actionnaire majoritaire à 92 %, avec Sevépi. Sans oublier, la décison de coopérer avec Axéréal pour mettre à la disposition de ses adhérents, les solutions techniques présentes sur le marché, tout en bénéficiant de conditions d'achats massifiées.

Quant à la collecte, celle-ci a presque doublé ces dernières années. Donc, non, la coopérative de Creully n'est pas un village Gaulois mais, oui, il existe dans cette entreprise un « esprit Creully » qui fait de la proximité aux adhérents son fer de lance. « A chaque fois que nous envisageons quelque chose, la première question que nous nous posons c'est de savoir si ce sera porteur de valeur ajoutée pour les adhérents, confirme Stéphane Carel, le directeur général. Nous savons que nous sommes jugés sur notre capacité à être un partenaire économique performant pour les agriculteurs. Nous sommes incontournables là où nous parvenons à apporter de véritables perspectives aux producteurs. »

Les décisions viennent de la base

« Ce constat nous oblige à être bons et à toujours mettre l'adhérent au centre des dispositifs. Si un projet ne génère pas de valeur ajoutée pour l'agriculteur, alors nous n'y allons pas. C'est comme cela que nous avons décidé de ne pas nous lancer dans la production d'aliments. Nous ne voulions pas nous exposer à une situation où nous aurions été contraints dans certaines périodes, de devoir écraser des frais fixes sur le dos des éleveurs. Avec la crise que traverse l'élevage depuis 2015, nous ne regrettons pas ce choix qui nous a effectivement permis de réaliser des arbitrages intéressants pour réduire les coûts de production de nos adhérents. Nous sommes également sortis du projet Caliters (unité de trituration de colza) qui nous obligeait à arbitrer le prix de la graine au détriment des producteurs. La coopérative ne fera jamais du développement uniquement pour elle-même. Elle n'a pas vocation à grossir pour grossir ! », poursuit Stéphane Carel « Les décisions viennent toujours de la base. Nous écoutons le terrain et nous répondons aux demandes », complète Pascal Desvages qui a pris la présidence de l'entreprise fin 2016.

La ligne de conduite de l'entreprise se montre gagnante à en croire les chiffres de la collecte en progression régulière. Une partie de ces résultats peut certes être attribuée à une croissance naturelle du fait de la spécialisation régionale en grandes cultures au détriment de l'élevage, mais pour Pascal Desvages, il est certain que Creully gagne également des parts de marché de par son attractivité. Selon lui, l'offre commerciale d'achat de collecte n'y est pas pour rien : « Nous savons répondre aux attentes du terrain. Nous avons une offre attractive, notamment en matière de prix de campagne, en l'occurrence 156 €/t pour la récolte de 2016 en blé meunier. Nous sommes dans le haut du panier. » Avec une sous-capacité de stockage, les besoins en dégagement à la moisson sont élevés et rendent difficiles la bonne valorisation des récoltes. Pour accompagner la croissance de la collecte et toujours mieux la valoriser, la coopérative a voté un plan silo ambitieux en 2015.

Un plan silo de 50 000 t

Il s'agit de gagner en autonomie de stockage pour viser un total de 200 000 t de capacité à horizon 2025, sur une collecte actuelle de 284 000 t (chiffre 2015). Ce plan silo représente environ 50 000 t de capacité de stockage supplémentaire à ériger, dont environ 13 700 t sont déjà sortis de terre en 2017. Un nouveau projet de stockage est en cours sur le site de Nonant. La coopérative privilégie dans ses projets, l'agrandissement de ses sites existants, afin de respecter les territoires et de ne pas consommer de terres agricoles supplémentaires. En parallèle, la coopérative de Creully a pris la décision récente de structurer une filière d'agriculture biologique. « Là, encore, cette décision émane du terrain. Nous avons des adhérents en conversion ou en projet de conversion sur notre secteur. Nous ne voulons pas les lâcher d'autant plus que ce sont souvent des adhérents qui sont très attachés à la coopérative et qui ont des attentes fortes vis-à-vis de nous », détaille Pascal Desvages. « Nous développerons le bio avec la même philosophie que ce que nous faisons par ailleurs, ajoute le directeur. Nous avons un vrai savoir-faire pour développer des marchés qualitatifs et différenciés. C'est toute la force de notre structure de taille moyenne. Nous savons nous rendre réactifs et souples pour répondre à des demandes spécifiques. Cette capacité à répondre aux attentes du marché, nous la devons à la relation de confiance et de proximité que nous avons avec les adhérents et aussi à l'équipe salariée. » Pour Stéphane Carel, l'exemple du succès du plan protéines mis en place est évocateur de la capacité de la structure à mobiliser les parties prenantes sur ce genre de sujets. « Nous réalisons régulièrement des réunions de silos et les adhérents ne sont jamais situés à plus de 15 km d'un site de dépôt. C'est plus facile pour faire passer des messages. Aujourd'hui, la question de la protéine n'en est même plus une. C'est devenu un critère qui est intégré par les agriculteurs au même titre que le rendement », se félicite le directeur. Le blé représente 75 % de la collecte de la coop et il est exporté à 90 % en année normale. L'objectif que s'est fixé Creully est de collecter 100 % de blé exportable de qualité meunière.

Une vraie démocratie interne

Les bureaux au siège sont toujours ouverts. « Nous sommes disponibles pour chacun. Nous nous connaissons tous. Nous sommes organisés pour accueillir les discussions et le débat, explique le directeur. Il y a bien sûr parfois des désaccords entre nous, mais nous sommes transparents et nous pouvons tout expliquer. Nous voulons cultiver cette démocratie interne car elle fait notre force. Notre capacité à écouter, argumenter et accueillir la parole de chacun participe évidemment à l'adhésion au projet coopératif. Ceci est vrai également dans la gestion des salariés qui bénéficient de la même liberté d'expression. Une de nos belles réussites à Creully, c'est d'être parvenus à créer un vrai esprit d'équipe entre agriculteurs et salariés où chacun partage des objectifs communs. En 2016, avec 25 % de collecte en moins, c'était une évidence pour tout le monde, et les salariés y compris, que nous ne pourrions pas compter vivre une année de travail tout à fait normale. Si nous voulons conserver une entreprise à taille humaine, c'est que nous avons confiance dans l'humain pour accomplir de belles choses. »

Alexis Dufumier

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