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L’agrivoltaïsme se fait une place au soleil

Avec le nouveau décret, le taux de couverture ne pourra pas dépasser 40 % de la parcelle et la centrale ne devra pas affecter le rendement de plus de 10 %.

Sous l’égide d’un nouveau décret, les projets agrivoltaïques portés par les coopératives et négoces peuvent désormais fleurir sereinement, même si certaines questions nécessitent encore clarification.

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Allier production agricole et production d’énergie, c’est le pari de l’agrivoltaïsme. Ce concept innovant, qui suscite de nombreux débats, est considéré comme l’un des défis majeurs pour l’agriculture française de demain. Conscientes des enjeux, les coopératives sont de plus en plus nombreuses à franchir le pas et se lancer dans des projets ambitieux. Et elles peuvent désormais s’appuyer sur le décret du 8 avril 2024 qui fixe un cadre réglementaire au développement de l’agrivoltaïsme.

Des centrales qui s’adaptent

Ce récent décret a été accueilli avec soulagement par les acteurs du secteur. « Il fallait un cadre rigide, mais pas trop, pour permettre l’innovation tout en empêchant l’accaparement du foncier et les projets alibis », soulignait Audrey Juillac, présidente de la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA), lors d’une journée d’échanges autour de l’agrivoltaïsme organisée par Agronov, début juin. Dorénavant, une installation photovoltaïque doit apporter au moins un des quatre services suivants : améliorer la performance agronomique, limiter les effets du changement climatique, protéger contre les aléas climatiques et améliorer le bien-être animal. De plus, le taux de couverture ne doit pas dépasser 40 % de la parcelle et la centrale ne doit pas affecter le rendement de plus de 10 %.

Ce cadre réglementaire permet ainsi de remettre l’église au milieu du village, comme l’explique Alexandre Margain, responsable régional éolien et photovoltaïque chez EDF : « L’exploitant est au cœur du projet. Nous sommes passés d’un système où nous développions nos centrales puis nous faisions appel à un éleveur, à un système où il y a un éleveur et désormais nous adaptons la centrale à la situation. »

1 500 à 2 000 €/ha/an

Cette conjoncture favorable porte ainsi de nouvelles offres agrivoltaïques, comme celle d’Eurasolis, filiale d’Euralis. « C’est un axe de développement majeur pour nous. Nous sommes d’ailleurs en pleine croissance, nous structurons une grosse équipe avec le recrutement de chefs de projets et d’agronomes », se réjouit Gérald Brun, DG d’Eurasolis. Trois projets ont été lancés en 2024 pour les filières élevages (ovin, bovin, porcin) et une dizaine sont en cours de développement pour les kiwis jaunes sous serre. « Nous sommes également en train de développer une offre pour la volaille et les palmipèdes, complète Gérald Brun. Pour les grandes cultures, c’est plus complexe, nous devons trouver la bonne configuration. »

Pour Christophe Richardot, directeur général de Dijon céréales et d’Alliance BFC, ce décret permet d’avancer avec sérénité. « Face aux vagues de déstabilisation telles que l’été 2022, qui a gravement affecté les productions, ou encore cette année où l’on prévoit une baisse de 40 % des céréales, il est essentiel de trouver des solutions pour préserver les denrées alimentaires et assurer un revenu complémentaire aux agriculteurs. Et l’agrivoltaïsme est une option intéressante pour les jeunes agriculteurs qui s’installent ou pour ceux souhaitant céder leur ferme tout en garantissant sa viabilité. Car, une fois le dispositif installé, l’exploitation agricole peut bénéficier de 1 500 à 2 000 €/ha/an. »

Foisonnement de partenariats

Dijon céréales a d’ailleurs signé fin avril un accord de long terme avec TSE. La coopérative et celles de l’union pourront, ainsi que d’autres partenaires du territoire (banques, collectivités locales…), être coactionnaires des 30 prochains projets agrivoltaïques en cours de déploiement en Bourgogne-Franche-Comté, à hauteur de 30 % maximum du capital concerné. En parallèle, Dijon céréales travaille en coconstruction avec des sociétés à la création de filiales. « Nous souhaitons faire monter les adhérents au capital de ces filiales avec une grosse réflexion sur le partage de la valeur », ajoute-t-il.

Dans le même temps, Noriap a également conclu un partenariat avec TSE. « Le conseil d’administration a choisi de promouvoir auprès des adhérents l’installation d’ombrières de culture et d’élevage bovin sur le territoire », indique la coopérative. De son côté, Terrena a signé avec Altarea. Axé dans un premier temps sur les éleveurs bovins, ce partenariat suscite déjà l’intérêt d’une dizaine d’entre eux. Les premières réalisations sont attendues d’ici trois à quatre ans.

Alors que les projets agrivoltaïques se multiplient, des questions subsistent concernant leur encadrement. L’arrêté de contrôle et de suivi des installations est attendu pour garantir la pérennité des projets et de l’activité agricole. La question du partage de la valeur générée par ces projets est également en discussion. De plus, la collaboration entre les différents acteurs (agriculteurs, énergéticiens et propriétaires) nécessite un cadre contractuel spécifique, actuellement en réflexion.

Le raccordement inquiète

Et les projets se heurtent parfois à la réalité du terrain : le raccordement au réseau électrique. Bien que RTE et Enedis travaillent à améliorer le maillage du territoire, « les délais d’instruction et de raccordement sont souvent longs », regrette Audrey Juillac. « Nous sommes capables de développer des projets à cinq ans, confie Martin Lechenet, responsable data chez Alliance BFC. Aujourd’hui ce qui nous inquiète, c’est que le raccordement ne tienne pas les délais. »

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