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Semences de l'Est fait coup double

Simon Bidaut est confiant : « Cette connaissance de tous les métiers nous permet d'identifier des créneaux et des marchés de niche en conventionnel comme en bio, et de proposer des solutions valorisantes à nos clients agriculteurs. »

Repris en 2016 par Simon Bidaut, Semences de l'Est mène de concert deux métiers, négociant et semencier. Le jeune entrepreneur entend conforter ses activités en développant les semences, la collecte et le bio.

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«Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années »... Ni l'envie d'entreprendre. En tout cas Simon Bidaut, qui n'a pas encore fêté ses 28 ans, en est un bel exemple. À 25 ans, alors qu'il occupait un poste de promoteur des ventes chez Belchim, dans le Centre, il a eu l'opportunité de reprendre Semences de l'Est dans sa région d'origine... et n'a pas hésité. Il faut dire que son père, Olivier Bidaut, avait fait de même, une vingtaine d'années plus tôt, en reprenant le négociant de l'Aisne, Asel. Un BTS à Genech (Nord) et deux ans de formation Agri-Cadre à l'Esa d'Angers en poche, le jeune entrepreneur a racheté Semences de l'Est à Marc Goussen, qui en était le PDG depuis 2007.

Mais l'histoire de cette entreprise, rémoise à l'origine, est beaucoup plus ancienne. Tout a démarré avec la création, en 1918, de la Ferme des Anglais, une exploitation agricole qui se spécialise dans la production de semences et la sélection de variétés de céréales. Après plusieurs générations, la famille détentrice de la ferme a été contrainte de cesser l'activité. Jean Vandenberghe, alors directeur commercial, a décidé de la faire renaître sous le nom de Semences de l'Est en 1995. En plus des semences, il développe une activité de négoce auprès des agriculteurs du nord-est de la France, avant de revendre l'ensemble à Marc Goussen. Une décennie plus tard, lorsqu'il prend à son tour les rênes de l'entreprise, Simon Bidaut décide de la déménager à Rougeries, au nord de Laon dans l'Aisne, dans des locaux beaucoup plus spacieux.

Proposer des solutions innovantes

« Depuis, mon souhait est de continuer à développer en parallèle nos deux activités qui représentent chacune la moitié de notre chiffre d'affaires, les semences et le négoce agricole, explique le jeune chef d'entreprise. Nous avons aussi la volonté d'innover pour proposer à nos clients agriculteurs de nouvelles solutions qui pourront répondre à leurs besoins, aux attentes de la société sur le plan environnemental et aux contraintes réglementaires. » Il entend pour cela s'appuyer sur les points forts de sa structure, à savoir « les valeurs d'une entreprise à taille humaine, basées sur un travail d'équipe, en permanence à l'écoute des besoins de nos clients et capable de proposer un accès aux marchés de qualité, à ses principaux fournisseurs, indique-t-il. Semences de l'Est a aussi été l'un des précurseurs du bio en grandes cultures en France. Cette activité représente aujourd'hui 10 % de notre chiffre d'affaires et progresse de 15 % chaque année. » L'entreprise a réalisé un CA 2017-2018 de 2,5 M€, en hausse de 8 % sur les deux derniers exercices.

Une gamme de variétés qui s'élargit

En semences, l'entreprise de l'Aisne est le représentant en France de plusieurs obtenteurs étrangers, autrichiens, tchèque, italien et polonais. « Nous testons les variétés une année dans nos propres essais, pour vérifier leur adaptation aux conditions françaises, et leurs caractéristiques agronomiques et technologiques. L'année suivante, les variétés que nous avons retenues sont confiées à des distributeurs pour une deuxième année de développement. » La gamme du semencier, qui repose surtout sur des créneaux de qualité, s'est renforcée ces dernières années. Son catalogue compte aujourd'hui quinze variétés de blé tendre, dix de maïs, quatre d'orge fourragère, trois de triticale, un blé alternatif, des semences fourragères, moutardes, radis et mélanges de semences. Il lance aussi pour les semis 2019 une variété de soja très précoce et s'intéresse à de nouvelles cultures, comme le sarrasin et la cameline.

L'entreprise gère la production de semences au travers d'un réseau d'agriculteurs-multiplicateurs, mais travaille en partenariat avec d'autres semenciers pour le triage, le traitement et le conditionnement des semences. Son objectif est de bénéficier demain d'une notoriété équivalente à celle des semenciers qui pèsent davantage sur le marché français.

Une collecte en hausse, tout en départ ferme

« Les ventes de produits phytos viennent en tête de l'activité appro, devant les engrais, précise Simon Bidaut. Nous avons la particularité de n'être rattachés à aucune centrale d'achat sans en être pour autant pénalisés. » Sa présence en bio l'a amené à s'intéresser très tôt aux solutions alternatives et produits de biocontrôle. Le négociant propose également aux agriculteurs une gamme de matériels en céréales qui comprend, par exemple, des aérateurs de grains, outils de mesure de PMG ou du PS, ou vente de big-bags.

Pour la collecte, Semences de l'Est ne dispose pas de capacités de stockage. « Nous travaillons uniquement avec les agriculteurs sur du départ ferme. » Le volume de collecte est d'ailleurs en hausse, passé de 3 000 t en 2017 à 5 000 t en 2018. Pour l'ensemble de ses activités, l'entreprise s'appuie sur une équipe légère de cinq salariés. Mais contrairement aux autres négociants de taille modeste, elle a aussi la particularité de travailler sur une zone très large qui s'étend de Reims au nord des Vosges, et de la frontière belge à la Bourgogne. « En semences, nos ventes étaient surtout concentrées sur le quart nord-est de la France. Mais depuis quelques années, nous élargissons notre rayon commercial à la Beauce, la façade Atlantique, l'Auvergne et le sud de la France. »

Avec un pied dans les semences et un pied dans le négoce, l'entreprise se trouve à un carrefour de tous les métiers. « Nous représentons en France des obtenteurs étrangers, nous produisons et vendons des semences, distribuons des produits de protection des plantes et des engrais, collectons des céréales, et les commercialisons auprès d'acteurs de l'alimentation humaine ou de l'alimentation animale, précise Simon Bidaut. Cette connaissance de tous les métiers nous permet d'identifier des créneaux et des marchés de niche en conventionnel comme en bio, et de proposer des solutions valorisantes à nos clients agriculteurs. »

Le choix du contact direct avec l'agriculteur

On pouvait penser qu'un tout jeune dirigeant qui, de surcroît, commercialise des produits dans un rayon d'action très étendu sur le plan géographique, se serait tourné d'emblée vers l'e-commerce. « La question s'est bien sûr posée car nous sommes passés à un monde ultra-connecté, reconnaît Simon Bidaut. Mais l'un des points forts de notre entreprise est le contact direct avec les agriculteurs. Si nous optons pour la vente par internet, nous allons nous couper de cette relation privilégiée avec nos clients. C'est donc une idée que j'ai abandonnée, au moins pour le moment. »

Quant à l'avenir, Simon Bidaut est conscient que son métier va vivre un grand tournant à partir de 2019, avec des choix stratégiques à faire d'ici à quelques mois. « Nous sommes déjà très impliqués dans le conseil du fait du suivi variétal, il va nous être difficile d'abandonner cette part de notre activité, indique-t-il. Mais notre choix n'est pas encore arrêté. » Côté collecte, dans l'immédiat, il va rester cantonné au stockage ferme, mais il se donne trois ou quatre ans pour affiner sa stratégie dans ce domaine. Il a de toute façon toute sa carrière devant lui. Son jeune âge ne lui a pas posé de problèmes pour se lancer, ni auprès des banques, ni auprès des fournisseurs. Il est même déjà représentant de la fédération du négoce agricole à la section céréales à paille et protéagineux du Gnis.

Blandine CailliezPhotos Jean-Charles Gutner et Sylvain Beucherie

Actif sur tout le nord-est de la France Semences de l'Est regroupe sur un même site, à Rougeries dans l'Aisne, le siège, les bureaux et les installations de stockage appro. Sa zone d'activité s'étend sur une dizaine de départements.

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