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Buchou met les bouchées doubles

Alain Buchou et Chantal Thibault, frère et soeur cogérants du négoce, devant le silo de Coulonges-sur-Autize inauguré le 24 juin 2016.Jean-Michel Nossant

Depuis dix ans, le petit négoce des Deux-Sèvres ne cesse d'accroître sa collecte dans une région très concurrentielle. Et mise sur son statut d'alternative, avec deux axes forts : proximité et relationnel.

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A la sortie du supermarché de Coulonges-sur-Autize, petit village des Deux-Sèvres, au nord de Niort, à deux pas de la Vendée et du Marais poitevin, il est difficile de ne pas apercevoir le silo flambant neuf des Ets Buchou, surtout quand le soleil printanier se reflète sur l'armature métallique. A quelques encablures de là, à Largeasse, le dépôt au toit bicolore, preuve d'une extension récente, démontre là aussi la prospérité du négoce. « Nous avons inauguré le silo de Coulonges, avec une capacité supplémentaire de 6 000 t, en juin dernier », raconte Alain Buchou, à la tête du négoce, avec sa soeur, Chantal Thibault. Depuis l'an dernier, ils sont respectivement président et directeur de l'entreprise, conséquence de la transformation de la SARL en SAS, liée « à un gros projet à venir pour l'entreprise », expliquent les cogérants.

Un secteur trusté par les coops

Buchou négoce siège à Coulonges-sur-Autize, « entre plaine et Gâtine » : au sud, une région plus céréalière, autour de Niort, et au nord, des paysages de bocage. Les agriculteurs sont principalement en polyculture-élevage. Pour ce qui est de la distribution agricole, la zone est trustée par des poids lourds coopératifs : Terrena et Cavac au nord, et Océalia, née fin 2015 de la fusion de Charentes-Alliance et Coréa. Une concurrence rude, mais aussi un atout pour le privé : « Les agriculteurs ont besoin d'alternatives, de négoces », analyse Alain Buchou. Les Ets Buchou s'inscrivent parfaitement dans la tradition du négoce familial : en 1961, Marcel et Paulette créent une société en nom personnel, dans le bourg de Coulonges. L'année 1986 voit la naissance de la SARL Buchou, composée de Marcel et de ses deux enfants, Alain et Chantal, et la construction d'un silo. Six ans plus tard, Marcel Buchou prend sa retraite et laisse l'entreprise entre les mains d'Alain Buchou et Chantal Thibault, cogérants, qui transfèrent en 1999 le négoce en périphérie de la ville, sur le site du silo, et ouvrent un magasin France Rurale. La SARL Buchou devient SARL Buchou négoce. L'année 2000 marque un tournant, et pas seulement à cause du changement de siècle : les cogérants rachètent un fonds de commerce à Largeasse, à une trentaine de kilomètres au nord de Coulonges. « C'était le site d'un collègue dont l'entreprise n'existe plus, qui en possédait trois, précise Alain Buchou. Nous avons développé le secteur, et le chiffre d'affaires du négoce a quasiment doublé. » Un silo y est construit en 2006 ; il sera agrandi en 2010, et équipé d'un séchoir.

Et 1, et 2, et 3 sites de stockage

Deux ans plus tard, une nouvelle opportunité de développement apparaît, à Augé, à trente kilomètres du siège historique, plein Est. « Nous connaissions bien le secteur, relate le président. Un Gaec venait de se séparer, l'activité élevage n'était plus sur le site. Les bâtiments étaient vides, c'était l'occasion : nous en avons fait une plateforme de stockage abritée, que nous louons à l'agriculteur. » Au total, le négoce comptabilise ainsi 21 000 t de capacités de stockage : 2 000 t au dépôt de Coutant, à Augé, 7 500 t à Largeasse, et 11 500 t à Coulonges, où le nouveau silo de 6 000 t vient compléter les 5 500 t du silo historique. Pour la commercialisation, le négoce travaille avec Atlantique céréales, dont Alain Buchou est président, une société créée en 2009 par six négociants. Ils sont aujourd'hui trente-cinq associés, pilotant une structure qui brasse 1 Mt de collecte, avec trois commerciaux, sous la direction de Jean-Guy Valette, par ailleurs président du Naca (Négoce agricole Centre-Atlantique), dont Buchou est membre. Le négoce équilibre à part égale son chiffre d'affaires entre la collecte et l'appro, pour lequel il travaille avec Actura. Outre le quatuor semences, phytos, engrais et alimentation animale, Buchou réalise des prestations de triage de semences, et de laminage (écrasement de céréales pour l'alimentation animale). Pour la fertilisation, « on voit que les biostimulants se développent, que ce soit pour le sol ou en foliaire, observe Alain Buchou. Les exploitants en polyculture-élevage sont intéressés pour développer la vie microbienne de leurs sols qui reçoivent beaucoup de matière organique. » Le négoce est l'une des vingt-sept entreprises actionnaires d'Amaltis (anciennement appelé Aubrun-Tartarin). En protection des cultures, le biocontrôle est aussi en progression. Et la mise en place des CEPP, certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, inquiète peu les négociants. « Pour l'instant, nous ne les comptabilisons pas, rappelle Alain Buchou. Et Actura travaille sur le sujet. Nous proposons déjà du biocontrôle. Nous serons prêts. Mais dans l'immédiat, nous n'avons pas encore un panel complet de solutions. » « Nous trouverons des méthodes pour valoriser l'obligation », abonde Chantal Thibault.

Le bon commercial en aliment

L'aliment est un poste en plein essor chez Buchou, depuis l'été 2015. « On sentait qu'il y avait des possibilités de se développer, indique le président. La difficulté, c'était de trouver l'homme de la situation. Et là, c'est le cas, nous avons recruté le bon commercial. » Buchou travaille avec Sanders et Nutrivalor. Les Ets Bienaimé, négoce et fabricant voisin, produisent les aliments de type mash. Les investissements récents à Coulonges-sur-Autize n'ont pas encore montré la pleine mesure de leurs capacités, au vu de la récolte catastrophique de l'été 2016. « On a collecté 19 000 t, contre près de 27 000 t en 2015, chiffre Alain Buchou. On a surtout perdu en blé et en maïs. Sur cette dernière culture les volumes ont été divisés par deux. » Et les conséquences de la moisson n'en finissent pas de se faire sentir. « On a vu un creux en morte-saison. On le sent dans la prise de décision des agriculteurs, fait part Raphaël Moreau, responsable qualité et services appros. En maïs par exemple, on a eu des commandes de semences mi-avril. » Comme partout, les trésoreries des agriculteurs sont soumises à rude épreuve, avec un risque de retard de paiement, voire d'impayés. « Après la première relance papier, on fait une visite pour discuter de la stratégie à mettre en place, explique Chantal Thibault. On a toujours fait très attention aux créances clients. C'est toujours plus facile de régler une petite facture qu'une grosse somme qui s'est accumulée. Les agriculteurs en ont conscience, et on les encourage à aller voir les banques. » Des accords tripartites ont aussi été passés avec ces dernières.

Quant à l'avenir du négoce à plus long terme, la transmission n'est pas encore un sujet. « On a encore le temps », s'exclame Alain Buchou. Un projet d'envergure est dans les tuyaux pour l'automne, « pour développer l'entreprise », avance le président, qui souhaite communiquer en temps voulu.

Améliorer la communication

La communication est, par ailleurs, l'un des points qui pourrait être un axe d'amélioration, pour Chantal Thibault : « On a une grosse marge de progrès, que ce soit pour communiquer auprès de nos clients, nos fournisseurs, le grand public... Beaucoup de gens ne connaissent pas les métiers de l'agriculture. Les produits phytosanitaires sont montrés du doigt, les agriculteurs sont qualifiés de pollueurs... Il faut expliquer. C'est un sujet qui commence à mûrir. » Le négoce est d'ailleurs solidaire de la démarche Vert l'avenir, mise en place par le Naca (lire page 11). En tout cas, il faudra être attentif à la prochaine prise de parole du négoce, car elle devrait permettre d'en savoir plus sur les projets de l'entreprise.

Marion Coisne

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