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Terragro consolide sa base

Jean-Luc Désert, entouré de ses deux associés TC, Emmanuel Lorcerie et Bruno Pion, ont à coeur d'aider leurs clients « à relever la tête et à ne pas baisser les yeux en rentrant dans leur local phytos ».Cédric Faimali

Historiquement orienté phytos, ce négoce berrichon a diversifié son activité dans les autres intrants, puis les grains, et enfin les prestations telle la pulvérisation pour compte de tiers. Aujourd'hui, il sort du bois.

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Cela fait maintenant dix ans que ce négoce, rayonnant sur le Berry et la Touraine, devenu par la suite Terragro, a été racheté par Jean-Luc Désert, alors directeur commercial, et deux TC, Emmanuel Lorcerie et Bruno Pion, associés non dirigeants. L'un est responsable technique et l'autre responsable des prestations (traitements de semences à la ferme et pulvérisation au champ). Jean-Luc Désert est, lui, devenu gérant de cette entreprise à la tête de deux entités juridiques, Terragro Appros, puis Terragro Grains. Cette dernière, dédiée à la collecte et créée en 2011, est née de l'arrêt un an plus tôt d'une activité de courtage préexistante. « Avec la volatilité d'alors, on ne maîtrisait plus rien dans la chaîne », justifie le gérant. Chez Terragro Grains, on pratique du « direct accompagné ». L'idée : déconnecter la démarche de commercialisation du stockage.

Animer un réseau d'agriculteurs stockeurs

« On a constitué un réseau d'agriculteurs stockeurs, historiquement très présents sur la région, décrit Jean-Luc Désert. En connaissant bien nos livreurs, on connaît mieux nos marchés et on peut orienter telle qualité vers tel débouché adéquat (export, alimentation animale, trituration...). » Certifié selon les référentiels CSA/GTP et 2BSvs, le négoce exige de ses livreurs un stockage propre et opérationnel et de savoir charger un camion en moins de trente minutes. Animateur de la mise en marché, Terragro Grains propose des prix départs et plusieurs solutions de fixation des prix. Il gère la logistique des enlèvements et suit l'évolution des contrats, même si la marchandise arrive directement chez les acheteurs, sans passer par un silo intermédiaire. « Les installations de stockage sont des investissements lourds », justifie Jean-Luc Désert, sans fermer la porte à l'idée de s'équiper si des opportunités se présentaient. « Mais elles seront réfléchies. » Quoi qu'il en soit, cette activité de commercialisation de la récolte progresse chaque année pour atteindre 30 000 t aujourd'hui, et représente maintenant un quart du chiffre d'affaires de l'entreprise. Historiquement quasi-exclusivement orienté phytos, Terragro Appros a au fil du temps développé les semences, puis les engrais en segmentant l'offre avec des solutions « plutôt haut de gamme ».

Un modèle logistique pas commun

Alors que la zone s'étend sur trois départements, l'activité rayonne à partir d'une unique « base logistique », « un modèle dont je ne démords pas », précise Jean-Luc Désert. « De mon point de vue, c'est plus performant de réunir les stocks, le réglementaire et les compétences au même endroit. » Ce site classé Seveso seuil bas ne stocke que des phytos et semences, dont les achats auprès des fournisseurs sont mutualisés au niveau de Clef, la centrale que préside aussi Jean-Luc Désert, depuis que les Ets Bordage ont été rachetés par Soufflet. Les engrais sont livrés en direct usine. Ils ne passent pas par Clef, qui sur ce domaine ne fait que de l'échange d'informations. Chaque négociant gère ses achats d'engrais. Avec un territoire fortement orienté grandes cultures, le négoce ne s'est enfin jamais positionné sur l'alimentation animale, malgré la présence de quatre AOC fromage de chèvre : Selles-sur-Cher, Pouligny-Saint-Pierre, Crottin de Chavignol et Sainte-Maure-de-Touraine.

La zone d'activité de l'entreprise, qui rayonne sur le Cher, l'Indre et le sud de l'Indre-et-Loire, se situe en zone intermédiaire, « sous contrainte de milieu assez forte », constituée au centre, de la Champagne berrichonne et ses argilo-calcaires superficiels et autour, de limons battants. « Ce sont des terrains à potentiels limités qui peuvent être fortement réduits en fin de cycle par un coup de chaud, décrit Jean-Luc Désert. La rotation est assez classique, blé-orge-colza, avec une intégration de cultures de printemps qui connaît plus ou moins de succès. On est dans des scénarios d'itinéraires techniques adaptables et modifiables en cours de conduite, et cela complexifie notre métier. Il faut qu'on mute vers des systèmes techniques reproductibles dans le temps et dans l'espace, et qui mettent de la valeur dans la production, mais ce n'est pas évident, comme on peut le voir avec les plantes compagnes sur le colza. » Dans cette zone où l'incertitude a une place de choix, le négoce mise sur un complément différenciant, la prestation. Il exerce déjà une activité de traitements de semences à la ferme mise en place il y a une quinzaine d'années, et a démarré une activité de pulvérisation au champ, il y a trois campagnes.

Prestation de pulvérisation en test grandeur nature

Outre le fait que cette diversification permet de maintenir un opérateur en poste toute l'année, « la logique est de creuser notre sillon sur un marché qui n'existe pas et d'être prêt le moment venu », plaide Jean-Luc Désert. Pour le moment, avec quelques clients dans un périmètre de vingt kilomètres à la ronde, on teste la pertinence et la maturité d'une telle offre. » Agréé pour, le négoce s'est équipé d'un tracteur et d'un pulvérisateur dotés d'un système de guidage. Jean-Luc Désert est convaincu qu'on est à la veille de mouvements sur ce dossier-là, la sous-traitance étant peu développée en agriculture. Avec cette activité de pulvérisation pour compte de tiers, l'entreprise s'adresse aux agriculteurs qui souhaitent déléguer leurs applications (ou à des agriculteurs et ETA eux-mêmes prestataires, qui soit, ont besoin d'un renfort au coup par coup, soit, n'ont pas encore la pulvérisation dans leur prestation). Elle vise des doubles actifs, des propriétaires qui ne sont pas sur place, des agriculteurs en fin de carrière qui ne veulent pas réinvestir dans du matériel... Et les chinois qui viennent d'investir dans le coin ? « Ils ne travaillent pas avec nous en tout cas. Cela fait causer, mais ça ne concerne même pas 2 000 ha, balaye Emmanuel Lorcerie. Quand les locaux ne se mettent pas dessus, c'est que ce ne sont pas des bonnes terres. »

Un débat au Sia sur la relation avec les étudiants journalistes

« Ce qui nous anime, c'est la défense de notre territoire, de nos clients, de notre zone rurale, mais pas dans une position conservatrice, dans une défense de progrès », reprend Jean-Luc Désert. Ce qu'il exècre : les procès d'intention, le discours ambiant antiphytos, les difficultés que l'agriculture rencontre en général dans la communication avec le grand public, notamment sur ce dossier récurrent. « Cela rejaillit sur notre activité, nos commerciaux, nos clients, on s'est laissé un peu trop marcher sur les pieds, regrette-t-il. Nous, ce qu'on souhaite, c'est aider nos clients à relever la tête et à ne pas baisser les yeux en rentrant dans leur local phytos. » Face aux attaques ciblées de l'agriculture de la part du grand public et des médias, il est bien conscient qu'il y a peu de marges de manoeuvre.

Mais à défaut de pleurer sur son sort, Jean-Luc Désert a souhaité sortir du bois et donner un élan pour mettre en place une action au niveau de la centrale Clef. « On a aussi notre part du chemin à faire, on doit être acteur et rentrer dans la danse. » Le réseau de négoce a ainsi organisé, au Salon de l'agriculture cette année, un débat sur les relations entre agriculture et étudiants en journalisme. « L'idée était de comprendre comment fonctionne le milieu du journalisme, comment travaillent les journalistes et notamment ceux qui seront là demain. Il s'agissait également de recueillir leur vision sur le monde agricole et l'avenir de l'agriculture. » Et « ils gardent plutôt les pieds sur terre », constate Jean-Luc Désert. 95 % d'entre eux estiment que la nécessité pour les agriculteurs d'assurer la rentabilité financière de leurs exploitations est prioritaire, devant la nécessité de « nourrir le monde », (68 %) selon un sondage ad hoc réalisé par Harris Interactive. « Cette opération que l'on voyait à la base comme un aboutissement, c'est finalement un point de départ », avance-t-il. Il compte bien diffuser les résultats, en interne comme en externe, prolonger la réflexion et continuer à prendre position à l'occasion d'événements locaux.

Renaud Fourreaux

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