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Garcin Frères : trois femmes à la barre

« Nous souhaitons pérenniser notre entreprise familiale et la faire vivre au quotidien. Certes, nous sommes atypiques, car nous sommes essentiellement des femmes », affirment Anaïs, Monique et Caroline Garcin.José Nicolas

Le négoce provençal Garcin Frères a entamé une politique de rénovation de ses installations, menée par une équipe dirigeante féminine qui s'investit dans le secteur.

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«Courageuses dames » que sont les deux filles Garcin, Anaïs et Caroline, et leur mère, Monique, à la tête de leur négoce provençal au milieu du lavandin du plateau de Valensole, commune des Alpes-de-Haute-Provence. Dans ces structures familiales privées, ça bataille dur entre un quotidien qui joue à mettre des bâtons dans les roues, comme la panne informatique de ce lundi 10 juin, au matin, et une région pas toujours des plus favorables. En effet, les terres sont assez pauvres, les rendements dépassent rarement les 35 q/ha en blé dur, principale production collectée par ce négoce. Créée après la Première Guerre mondiale par l'oncle de Paul Garcin, l'époux de Monique, la petite société est passée du charbon de bois et de la traverse de chemin de fer au négoce des amandes et du fuel, puis des céréales.

Un passage de relais tout en douceur

Paul Garcin a voulu laisser progressivement la barre du navire à ses deux filles, sous l'oeil maternel avisé de Monique Garcin, DG de l'entreprise. Il garde toutefois un pied pour les prises de décision, souvent discutées lors des déjeuners. Gérant la commercialisation des céréales, il a transmis peu à peu cette responsabilité à Caroline, qui a rejoint le négoce familial en 2003 après avoir fait ses armes dans le commerce et la finance des céréales à Paris. « La démarche de notre père est très intelligente. Il est présent tout en étant en filigrane. C'est un grand gage de confiance de sa part », souligne Caroline Garcin, diplômée d'une Ecole de commerce et de l'Idreha. « Et cette transmission se passe tout en douceur », rajoute Anaïs Garcin, responsable administratif et Lisa. Elle est dans l'entreprise depuis 1999 et à plein-temps depuis trois ans après avoir exercé en parallèle une activité d'expertise comptable. Même si leur engagement est très prenant, « pas de congés depuis trois ans », confie Anaïs, les deux jeunes femmes ont rejoint l'affaire familiale par choix. « Je voulais qu'elles aient des diplômes pour qu'elles puissent avoir le choix. En 1974, quand je suis rentrée dans la société, j'avais déjà un autre métier et j'ai fait moi aussi un choix », relate Monique Garcin.

Aujourd'hui, ce négoce affiche un chiffre d'affaires stabilisé autour de 10 M€ et réalisé à près de 50 % par les produits pétroliers vendus depuis deux stations-service et les livraisons de fuel. L'agrofourniture est mineure dans l'activité étant donné la faible pression parasitaire en raison d'un climat relativement sec. Le blé dur est commercialisé pour moitié à des acheteurs historiques sur Chambéry (Croix de Savoie) et Marseille (GMM).

De nouveaux bureaux et Lisa

« Nous sommes dans une région très bataillée avec deux grosses coopératives autour de nous. Nous devons être attentifs à tout et réactifs », avance Caroline Garcin. Aussi, pour pérenniser son activité, le négoce entreprend des investissements, à sa mesure bien sûr, et les démarches de certification incontournables telles celles en produits phytosanitaires et sur la durabilité des biocarburants. L'audit de validation de la certification d'entreprise (phytos) est prévu en juillet. En termes d'équipement, un pont-bascule a complété le site de Manosque et une mise aux normes des stations-service doit être réalisée avant novembre prochain.

Sans oublier, un changement majeur : le transfert, depuis mai dernier, des bureaux en périphérie de la commune de Valensole sur un terrain déjà exploité par le négoce avec un hangar de 300 m2 servant auparavant de dépôt. De nouveaux locaux modulaires ont été montés et le hangar accueille un Lisa sur 150 m2 aménagés en conséquence. Près de 250 000 € ont été mobilisés pour ces investissements. L'objectif est de rapatrier sur ce site les deux autres dépôts possédés sur la commune. « Nous allons ajouter un bâtiment de 1 000 m2, mais le site sera juste quand même en surface », avance Anaïs Garcin. Le projet initial prévoyait en fait une construction de 1 500 m2 sur un terrain plus vaste appartenant à la jeune femme. Mais sa situation en zone rurale n'a pas permis de recevoir l'autorisation nécessaire.

Parmi les premiers à adopter les polybennes

L'activité Lisa est en quelque sorte nouvelle à cette échelle pour le négoce qui, jusque-là, s'en tenait à vendre quelques produits pour les particuliers dans un petit hangar sur le site de Manosque. Ce dernier va d'ailleurs faire l'objet d'une rénovation pour épouser une ligne urbanisée avec, notamment, des articles tournant autour du cadeau et des produits régionaux.

Quant au magasin de Valensole, il est sur une ligne très rurale avec végétaux et outillage, graineterie et vestimentaire. Le négoce est affilié à France Rurale tout en gardant son nom sur l'enseigne des magasins « afin de rassurer notre clientèle ». Même si l'activité démarre doucement, « nous avons un accueil très favorable et nous avons une bonne renommée dans la région », affirme Anaïs Garcin. Cette crédibilité construite au fil des ans s'appuie sur une réactivité propre souvent à ces petites structures. Ainsi, dans son département, le négoce Garcin a été parmi les premiers à adopter les polybennes, à se positionner sur l'agriculture bio sept ans auparavant. Ou encore à proposer des granulés bois en alternative au fuel, il y a six ou sept ans.

En bio, l'activité est à un palier depuis quelque temps avec 800 t de blé tendre et d'orge qui sont vendues à un moulin local, Pichard. « Nous voulons être une force de proposition. » Aussi, ce négoce ne passe pas non plus à côté de la production emblématique et locale de lavandin. Il est présent en appro et dans le suivi de la culture et rachète aux producteurs l'huile essentielle de lavandin par fûts de 200 ou 1 000 kg pour la revendre à des industriels.

Des cafés cultures aux engagements professionnels

« Si nous sommes bons, les agriculteurs vont rester avec nous, en particulier les jeunes qui ne font pas de cadeau. Nous représentons pour eux une possibilité de choix et le gage d'une certaine indépendance. Et la petite taille de l'entreprise leur plaît », souligne Caroline Garcin qui va également en clientèle et travaille étroitement avec Harmony Guis, l'unique TC du négoce. Elle peut ainsi suivre son activité commerciale en cas d'absence. « Nous avons des relations de chef d'entreprise à chef d'entreprise avec des agriculteurs mieux formés et informés, mais qui attendent de nous une confirmation. Notre rôle de conseil et de transfert d'information a toujours lieu d'être. » D'ailleurs, pour parfaire ce rôle, des « cafés cultures » sont proposés aux clients agriculteurs : ils consistent en trois ou quatre rendez-vous techniques annuels avec Arvalis-Institut du végétal, clôturés par un café-croissant.

Ces rendez-vous permettent au négoce de rester dans l'air du temps, tout comme son adhésion au réseau Agridis et à la FNA et les engagements professionnels de ses dirigeantes. Anaïs est à la commission juridique et Caroline à la commission collecte de la Fédération du négoce. Cette dernière est également vice-présidente de l'association blé dur Méditerranée et participe à la commission FranceAgriMer de la région et à celle des structures du département. « Il est important de faire remonter les informations du terrain et de se tenir au courant. »

Hélène Laurandel

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