Solagri le négoce qui grandit
Une utilisation du Matif pour la collecte et l'aliment du bétail, une approche plus technique que commerciale en appro et une capacité de stockage sur le port de Metz font de Solagri, un négoce solide qui ne cesse de croître.
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Situé près de Metz, Solagri a été créé en 1984 par des agriculteurs, la famille Bogenez, suite au rachat d'un petit négoce de grains (10 000 t) rebaptisé Solagri. « Leur objectif était de vendre leur récolte à prix ferme, option que leur coopérative ne proposait pas », raconte Laurent Gautrot, directeur général de Solagri. Au départ, la structure est dirigée par deux personnes. Puis, en 1987 un premier technicien cultures est embauché pour développer une activité appro en produits phytosanitaires. « Quand j'ai intégré l'entreprise en 1999, Solagri collectait et commercialisait 80 000 t, vendait des produits phytosanitaires, des semences, de l'engrais et employait quatre personnes. Depuis, nous avons développé à la fois l'appro et la collecte (200 000 t aujourd'hui) et embauché au fur et à mesure pour atteindre quatorze salariés. » En 2010, nouvelle activité pour Solagri qui se lance dans la vente d'aliments du bétail. « Nous avons saisi cette opportunité lors du recrutement d'un technicien qui avait, entre autres, travaillé dans ce secteur, car cela répondait à une demande de nos clients. » La gamme proposée par Solagri couvre l'alimentation des bovins lait et viande et des ovins. S'y ajoute également de l'aliment pour les chevaux, activité en plein développement.
Sur l'exercice 2011-2012, le chiffre d'affaires appro, en constante progression surtout depuis deux ans avec l'aliment du bétail (12 000 t aujourd'hui), affiche 11,3 M€. Les produits phytosanitaires et une partie des semences sont achetés via SeVeal qui livre au magasin du négoce, à Marly. De là, les trois chauffeurs de Solagri livrent les clients. En revanche, la quasi-totalité des engrais et de l'aliment du bétail (qui vient des Ets Dumoulin en Belgique) est livrée directement par les fournisseurs aux agriculteurs. En matière de phytos, le négoce est sur les rails pour obtenir son agrément nouvelle formule, obligatoire à partir du 1er octobre 2013. « Les trois techniciens cultures ont déjà leur Certiphyto. Il faut maintenant que l'entreprise obtienne sa certification. Le plus grand changement va être de tracer le conseil. Ici, les conseillers ont plutôt une culture du conseil oral, surtout les plus anciens. Nous devrions passer l'audit définitif au premier semestre 2013. »
Exportation via la Moselle
Côté collecte, 198 000 t ont été commercialisées sur 2010-2011 et 206 000 t en 2011-2012 dont à peu près la moitié en blé, 30 % en orge (printemps et hiver) et 20 % en colza. Solagri ne dispose que de 14 000 t de stockage sur le port de Metz, d'où la nécessité de faire treize à quatorze rotations par an. « On rentre 15 % de la collecte à la moisson et le reste au fur et à mesure de septembre à juin. Nos clients agriculteurs ont des capacités de stockage chez eux. Et on affrète des transporteurs pour transférer les grains de la ferme jusqu'au silo. Avec cette petite capacité de stockage, nous ne pouvons pas vraiment alloter. De ce fait, nous ne proposons pas de contrats pour des productions spécifiques à nos clients agriculteurs. »
Le blé part en meunerie et en alimentation animale, l'orge en alimentation animale et malterie. Les clients sont essentiellement situés au Benelux et en Allemagne. « Tout part par péniche. C'est une force d'être à proximité du premier port fluvial céréalier d'Europe. » Pour la collecte 2012, Laurent Gautrot prévoit une baisse de 30 % en colza et 40 % en blé en raison du gel de février. Une grande partie a été remplacée par des cultures de printemps (orge, maïs, pois, tournesol) qui ont donné de bons rendements. « J'espère atteindre quand même 190 000 t. » C'est surtout du côté de la qualité que risquent de poindre les difficultés. « 80 % des blés vont être déclassés en fourrager en raison du taux de mycotoxines trop élevé pour un débouché en alimentation humaine, du fait des excès d'eau en mai et juin. »
Récolte 2012, mise à part, la collecte de Solagri a augmenté de 30 % en cinq ans seulement. « Nous avons gagné de nouveaux clients grâce au développement de l'usage du Matif pour la commercialisation. En l'utilisant pour de gros volumes, nous arrivons à proposer une assurance Matif à nos clients moins élevée que les coops du secteur. Celle-ci leur permet de vendre à l'avance leur récolte sans risque de pénalités, s'ils ne produisent pas le volume ou la qualité attendus comme c'est le cas pour la récolte de cette année. Ceux qui n'ont pas produit les volumes engagés sur le Matif ont pu résilier leur contrat sans pénalité, hormis le coût de l'assurance (10 à 14 €/t). » Si depuis 2007, année qui marque le début de la volatilité importante des cours des céréales, beaucoup d'organismes stockeurs s'essayent au Matif, Laurent Gautrot a une bonne longueur d'avance sur eux. « J'ai commencé à m'y intéresser en 2000 à une époque où l'activité était faible sur ce marché. J'ai eu le temps de me faire la main. En 2007, nous étions les seuls, avec Soufflet, à le proposer sur la région. Nous avons passé beaucoup de temps à expliquer aux agriculteurs comment cela fonctionnait et quel en était l'intérêt. Depuis, notre volume de collecte a beaucoup progressé grâce à cela. »
Le Matif comme atout
En aliment du bétail, Solagri innove encore plus en proposant à ses clients éleveurs d'utiliser également le Matif pour éviter de subir l'envolée des cours des matières premières et avoir une visibilité sur au moins une campagne. « Ainsi, en décembre 2011, on pouvait proposer à un éleveur un contrat de 100 t d'aliment à 300 €/t maxi pour un an. On l'indexe sur le Matif colza. Aujourd'hui, le cours du colza est à 450 €/t, mais pour eux l'aliment restera à 300 €/t. Si inversement, le cours du colza avait baissé, l'aliment leur aurait été vendu à 300 €/t et ils auraient récupéré sur le Matif la différence entre ce prix et le cours réel. La majorité des adhérents y adhère pour sécuriser leurs charges. Grâce à ce service, nous vendons déjà aujourd'hui 12 000 t d'aliments. »
Sur sa zone d'activité, les concurrents directs de Solagri côté coops sont EMC2 surtout, et dans une moindre mesure la Cal et Lorca, et côté négoces, Soufflet. Premier négoce de Lorraine en matière de collecte (après Soufflet dont le siège n'est pas dans la région) et second ou troisième en appro, Solagri ne manque pas d'atouts pour garder son rang. « Nous sommes sur le terrain tous les jours. Notre force en matière d'appro, c'est plus la technique que la vente. Nous avons un conseiller qui a vingt-cinq ans d'expérience et celle-ci est reconnue par nos clients. Utiliser le Matif pour la commercialisation de la collecte et la vente d'aliment du bétail constitue un deuxième atout qui nous démarque de la concurrence. Détenir une capacité de stockage sur le port de Metz est aussi un avantage et une sécurité que n'ont pas les autres négoces, hormis Soufflet. »
Gagner de nouveaux clients
« Dans la région, les agriculteurs veulent garder une alternative aux grands groupes qu'ils soient coopératifs ou négoces. Nous avons donc une carte à jouer. Notre objectif est de poursuivre le développement de la structure, tout d'abord en embauchant au moins un salarié pour soulager un peu la charge de travail de chacun. Notre technicité en protection des cultures, nous aidera encore à gagner de nouveaux clients. Le but est de conforter notre position sur notre zone actuelle car, avec les autres négoces régionaux, nous nous sommes fixés des limites géographiques. Le développement passe aussi par les nouvelles technologies comme le marché à terme et un extranet sur notre site où les clients y trouvent les cours du jour, la clôture du Matif, les bons de livraison, leurs factures, des analyses techniques des marchés... » Bref, Laurent Gautrot ne se fait pas trop de soucis sur la pérennité de sa petite entreprise, même si elle se trouve au milieu des grands.
Chantal Urvoy
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