Les Silos de l'Adour, un sacré carrefour
Lové à l'embouchure de l'Adour, ce négoce des Pyrénées-Atlantiques ne fait pas que collecter du maïs et fournir des aliments du bétail. En tant que site portuaire, il est un lieu d'entrée grandissant pour les engrais.
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Fermin Mediavilla n'en revient pas. Celui qui est arrivé en 2004 pour seconder Roger Amestoy, le gérant des Silos de l'Adour, s'enthousiasme dans un fort accent espagnol : « En une petite dizaine d'années, l'évolution de l'entreprise a été impressionnante. » Et pourtant, on ne donnait pas cher de sa peau, il y a vingt ans, lorsque le négoce Haramboure souhaitait vendre l'affaire. Euralis, alors Coop de Pau, se positionne mais pas sur ce site situé à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). C'est finalement le groupe Iguaran, déjà client de Haramboure et situé à une petite heure de là par l'autoroute, de l'autre côté de la frontière, qui se décide à reprendre le lieu. Les Silos de l'Adour sont nés. Puis, en 2003, Iguaran s'offre Roger Amestoy, un ancien responsable de site, qui connaît la zone portuaire comme sa poche, pour diriger ce petit négoce qui à l'époque ne collecte que 16 000 t de maïs. Ce dernier, qui ne louperait alors pour rien au monde une seule journée des Fêtes de Bayonne, lance tour à tour l'activité agrofourniture, l'activité alimentation animale et la prestation de service. En dix ans, la collecte de maïs a triplé pour atteindre 50 000 t. La quasi-intégralité, achetée en prix ferme (indexé Matif ou pas), est vendue à la maison mère.
Bientôt deux nouveaux sites de collecte
10 000 t de stockage de grains ou d'aliments sont disponibles à Anglet, mais deux structures collectent aussi pour les Silos de l'Adour. « A court terme, on souhaite ouvrir deux autres sites de collecte, en prestation probablement, informe Roger Amestoy. En plus de l'unique TC grandes cultures, Jacques Lemaire, qui a « le métier dans les tripes » et « le bureau dans la voiture », les Silos de l'Adour travaillent en prestation avec trois commerciaux indépendants rémunérés à la tonne. L'entreprise souhaite en revanche embaucher un deuxième TC grandes cultures et un autre, mixte, mais avec une sensibilité élevage. Dans l'objectif d'épauler le TC spécialisé en alimentation animale, Peio Pagola, un ancien de Lur Berri, arrivé dans l'entreprise en 2009. C'est d'ailleurs cette année-là qu'a démarrée l'activité. « En trois ans, on est passé de 1 000 t d'aliments distribués par an à 15 000 t, se réjouit Roger Amestoy. Peio passe énormément de temps à optimiser les rations avec les éleveurs. Il a redressé beaucoup d'étables. »
L'offre de plus en plus complète
Les aliments sont fabriqués dans la maison mère à Tolosa, qui réceptionne au port espagnol de Bilbao tourteaux de colza, de soja et de tournesol. Plusieurs types d'aliments y sont produits : des composés sous forme de granulés ou de mash, fibreux (avec luzerne) ou non. Le mash représente 60 % des volumes commercialisés par le négoce. Les Silos de l'Adour proposent aussi des mélanges à la carte, réalisés à Tolosa. Dans tous les cas, la commande de l'agriculteur peut être honorée sous 48 heures.
Pour développer ses volumes, le négoce essaye de plus en plus de rendre complète une offre auparavant cloisonnée, quitte à écraser un peu les marges. « L'agriculteur est devenu un négociateur, constate pourtant Roger Amestoy. Il dissocie la collecte, l'appro et l'aliment. » Surtout, « beaucoup d'agriculteurs n'ont pas les moyens de sortir du système coopératif, déplore le technico, Jacques Lemaire. Mais certains adhèrent à notre état d'esprit, recherchent une structure plus humaine et plus proche, et veulent maintenir une concurrence dans la région face aux trois groupes coopératifs qui occupent le terrain (Euralis, Maïsadour et Lur Berri) ».
En tant qu'adhérent (et fournisseur) du réseau AA, les Silos de l'Adour lui achètent les phytos, les semences et juste un peu d'engrais. Car sur cette dernière catégorie, la majorité des produits provient en effet des propres commandes du négoce, idéalement placé pour recevoir des marchandises sur ses installations. « Historiquement, les engrais sont déchargés sur les quais de Tarnos en rive droite de l'Adour, qui se retrouvent à certaines périodes de l'année saturés, ce qui engendre parfois des déchargements à Bordeaux », fait valoir Roger Amestoy. D'où l'idée dès 2006 pour le négociant de développer le trafic maritime et de commencer à recevoir et stocker des engrais, pour son propre compte, mais aussi pour le compte de divers partenaires exerçant dans le Sud-Ouest. « Depuis 2006, la capacité de stockage en propre a quasiment doublé pour atteindre 15 000 t », signale Roger Amestoy. Jusqu'à 19 000 t de capacité peuvent être louées à la chambre de commerce, propriétaire d'installations sur le site. L'entreprise reçoit communément une large palette de commodités parmi lesquelles urée, ammonitrate 27, sulfonitrates, DAP, Super45, chaux en granulés, sulfate de potasse et de magnésie, chlorure de potasse.
La prestation en vogue
L'activité mélange et ensachage (uniquement en big bags désormais) a démarré en 2008. « Je m'étais fixé un objectif de 15 000 t et je pense qu'on va arriver à 50 000 t cette année sur les 60 000 t d'engrais que l'on réceptionne », se félicite-t-il. Et s'il y a encore trois ou quatre ans, 80 % des installations servaient au final pour ses propres clients agriculteurs, elles servent aujourd'hui en majorité pour d'autres partenaires, des négociants locaux, et surtout Agrifert, un importateur qui revend derrière à des coops et négoces. « On est capable aujourd'hui de décharger des bateaux, stocker des matières premières, les mélanger, les ensacher en big bags, les réexpédier, pour nos propres besoins et pour d'autres coops et négoces. Et on est ouvert à d'autres. » Le message est clair. La prestation de service est devenue stratégique pour les Silos de l'Adour, et un bon complément de revenu, même si elle reste faible en terme de chiffre d'affaires. Roger Amestoy vante un débit de déchargement des bateaux à hauteur de 250 t/h grâce à deux grues. Jusqu'ici, ce sont des bateaux de 3 000 ou 4 000 t de capacité qui accostaient, et même de 7 000 t ces derniers temps. A partir du printemps 2014, des bateaux de 15 000 ou 20 000 t pourront mouiller à Anglet grâce à l'aménagement du quai, qui vient de démarrer début mars, et l'approfondissement du tirant d'eau, qui devrait passer de 7,3 m à une douzaine de mètres. « On est déjà contacté par des importateurs, autant en engrais qu'en alimentation animale », constate le patron du négoce. Côté logistique, les Silos de l'Adour travaillent avec une quinzaine de transporteurs. La maison mère Iguaran disposait traditionnellement d'une flotte de camion à Anglet et à Tolosa, mais a souhaité se reconcentrer sur son métier de base, le négoce, et externaliser le transport. « On n'a pas forcément gagné en terme de coût, mais l'avantage est de pouvoir se concentrer sur le métier de négoce, même si la logistique me prend encore 50 % de mon temps. » Il reste quand même à l'entreprise deux camions pour assurer le minimum.
Des installations qui évoluent
« On a également un contrat avec quatre agriculteurs et leurs tracteurs-remorques que l'on sollicite lorsque cela est nécessaire pour décharger les bateaux. » Sur le site, les installations évoluent. Un deuxième pont-bascule est aussi en train d'être installé dans le but de fluidifier le trafic. L'occasion également d'agrandir tout prochainement des bureaux devenus exigus et séparer physiquement les fonctions logistique et comptabilité, qui cohabitent sur le même espace. Roger Amestoy est d'ailleurs en train de former un jeune pour s'occuper de la logistique et de la qualité. A 56 ans, prépare-t-il sa succession ? A ceux qui parient sur son départ dans cette région convoitée, Roger Amestoy prévient : « Dans quatre ans, je pourrai faire valoir mes droits à la retraite, mais je ne me vois pas arrêter du jour au lendemain. » Un mi-temps lui conviendrait parfaitement, histoire de poursuivre cette activité professionnelle qui le passionne tout en se consacrant davantage à ses petits-enfants et à sa deuxième famille : l'Aviron bayonnais.
Renaud Fourreaux
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