Login

Le négoce à la une Maudet prépare l’avenir

« Nos principaux clients industriels sont les fabricants d’aliments pour animaux du département, dont Alifel qui, pour sa filière des volailles de Loué, demande une traçabilité garantissant l’origine locale des céréales », souligne Jean-Pascal Maudet (à dr.), directeur général, qui codirige la société avec son frère Bertrand en charge de tout le côté appros.

Depuis 1956, le négoce Maudet est actif dans le nord de la Sarthe. L’une de ses forces est sa zone de collecte très centrée sur son territoire avec des clients proches, notamment les usines d’alimentation animale. Actuellement gérée par les deux fils des fondateurs, Jean-Pascal (64 ans) et Bertrand (59 ans), l’entreprise familiale réfléchit à la suite.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Avec sa capacité de collecte de 60 000 t répartie sur 7 sites qui maillent son territoire du nord de la Sarthe, l’entreprise intervient dans une bande de 70 km d’est en ouest et de 30 km du nord au sud. Son siège social est depuis toujours installé à Beaumont-sur-Sarthe, à 25 km au nord du Mans. « Nos parents Georges et Marie-Thérèse Maudet ont fondé l’entreprise à la fin des années cinquante, comme ce fut le cas de beaucoup de négoces agricoles. Il y a eu jusqu’à quatre graineteries dans un village comme ici, explique Jean-Pascal Maudet, actuel directeur général qui codirige la société avec son frère Bertrand. Notre père a été l'un des pionniers du vrac, dès 1960 au cœur du village, puis avec le premier silo à Vivoin de 1 700 t, en 1964, un deuxième à René, en 1974. »

L’entreprise évolue avec son marché, les Trente Glorieuses portant la croissance et les investissements. L’apparition du maïs dans la zone s’accompagne ainsi de l’installation du premier séchoir (à fioul), également à Vivoin en 1965. Sa capacité va doubler vingt ans plus tard pour faire face à l’augmentation des surfaces cultivées en maïs grain. Muni d’une cuve à fioul pour ses propres besoins, le négoce développe alors une activité de livraison d’énergie, complémentaire pour ses chauffeurs mobilisés pour la collecte l’été et pour ces livraisons l’hiver. « Pour isoler cette activité, nous nous sommes associés avec un collègue, Patrick Jouathel, à partir de 2012. C’est désormais terminé car il a pris sa retraite l’an dernier. Nous n’avons pas souhaité poursuivre afin de nous concentrer sur nos métiers de base, même si nous conservons une petite activité dans l’énergie avec les granulés de bois livrés en vrac », détaille le dirigeant. 

Succession de croissances externes

C’est également en 2021 que le négoce Maudet s’est réorganisé pour séparer son magasin de jardinerie bricolage de Beaumont-sur-Sarthe du reste de l’activité. Créé en 1992, avec un doublement de sa surface en 1999, le commerce a désormais ses salariés comme actionnaires. Une opération anticipée pour préparer la cession. Sans successeur dans l’entreprise, les deux frères ont en effet annoncé en 2022 qu’ils souhaitaient céder 100 % des titres de la SAS. « J’ai 64 ans, il est temps d’y penser », annonce dans un sourire Jean-Pascal Maudet. Les dirigeants voudraient se retirer dans les prochains mois. Bertrand est entré dans la société en 1985, Jean-Pascal l’a rejoint deux ans plus tard après une expérience en machinisme agricole, lorsque leur père décide de se retirer et qu’il transforme l’entreprise en SA. « Nous sommes très complémentaires, je m’occupe des céréales et de la gestion de l’entreprise, Bertrand assure tout le côté appros. »

Le négoce employait 18 personnes en 1988. Il a plus que doublé depuis pour atteindre 40 salariés, avec une succession de croissances externes : les Ets Reboux de Sainte-Jamme-sur-Sarthe en 1988, la Sté Maine Agri à Saint-Mars-sous-Ballon en 1992, les Ets Gautier à Sillé-le-Philippe en 2000, les Ets Roustin à Ancinnes en 2007 et les Ets Veau de Thorigné-sur-Dué en 2016. Les capacités de stockage croissent dans le même temps avec des investissements successifs, par exemple la création de 11 000 t de stockage et une unité de séchage de 600 t/j à Sainte-Jamme dès 1988. Au total, l’entreprise possède actuellement une capacité de séchage de 1 500 t/jour.

Facilitateur de flux

Les investissements se poursuivent toujours, avec l’idée d’anticiper pour éviter d’être en flux tendus en sécurisant les stocks de produits, comme à Sillé-le-Philippe. Le bâtiment de stockage du blé de 7000 t, construit il y a sept ans, a ainsi été complété en 2021 par une extension pour les engrais et un stockage tampon des matières premières pour l’alimentation animale afin d’accompagner la diversification des produits. Le projet d’extension de la capacité sur le site « nutrition animale » de Saint-Mars-sous-Ballon est en réflexion, pour étendre la capacité d’expédition et/ou automatiser les mélanges.

Pour Jean-Pascal Maudet, le métier est avant tout celui d’un facilitateur de mise en marché. « Nous sommes des intermédiaires qui facilitent le transfert et le mouvement des marchandises. Notre localisation explique que nous n’ayons pas vraiment de spécialisation, car nous sommes dans une zone de polyculture élevage, la ferme Sarthe se partageant entre bovins viande et lait, volailles et grandes cultures. » C’est ce choix de la réactivité qui a conduit l’entreprise à toujours disposer de sa propre équipe de chauffeurs. À neuf, ils assurent la collecte et les livraisons, que ce soit pour les céréales, les aliments, les engrais en big-bag ou les autres appros.

L’entreprise dispose aussi au total de cinq certifications : CSA GTP pour les semences, Certiphyto, 2BSVS pour le colza destiné au biodiesel, RCNA – STNO pour l’alimentation des bovins pour répondre aux besoins des éleveurs livrant la filière Bel non OGM depuis 2018, et AB pour le bio. Un jeune TC vient notamment d’arriver sur ce dernier segment, que ce soit pour les semences de maïs ou les biostimulants.

Les pratiques en appros évoluent

Si la partie collecte des céréales couvre 57 % des 42 M€ de CA, le côté appros représente les 43 % restants (voir infographie). « Face à l’évolution réglementaire, nous avons naturellement choisi la vente plutôt que le conseil. Cela modifie profondément notre politique commerciale. Mais dans tous les cas, les agriculteurs n’achètent pas des phytos par plaisir. Beaucoup d’agriculteurs conventionnels cherchent à faire évoluer leurs pratiques depuis longtemps, comme le montre l’évolution du marché des biostimulants. Il ne faut pas cloisonner tous les types d’agricultures », résume Bertrand Maudet, épaulé dans son activité d’appro par Benoît Juignet. Ils appliquent une stratégie d’anticipation. « Cela nous permet d’avoir cette année une bonne couverture de nos besoins en engrais, par exemple, même si tout est plus compliqué quand certains acteurs ne remplissent pas leurs contrats », constate le responsable face à la volatilité croissante des marchés.

Plusieurs secteurs sont compliqués cette année, comme la vente de granulés de bois. « Notre fournisseur auvergnat a du mal à suivre la demande. Il n’a pu nous livrer qu’un peu moins de 40 % de notre commande, alors nous sommes à notre tour contraints de rationner nos clients pour répartir équitablement les livraisons. »

Avec la digitalisation, plus de transparence

L’augmentation des prix a tendu la trésorerie de mars à juin, les entreprises ayant été très sollicitées par des appels de marge sur le Matif. « Nous avons été sollicités pour plus de 4 M€, c’est-à-dire 10 % de notre CA. Heureusement que nos partenaires bancaires nous ont suivis et que la bulle s’est dégonflée », constate, soulagé, Jean-Pascal Maudet. S’il est plutôt serein pour les céréaliers, les cours des céréales couvrant les hausses des intrants, il reste plus soucieux pour ses clients éleveurs, même si les prix du lait, de la viande et des volailles ont augmenté, en raison du décalage entre la hausse des intrants et celle des produits finis.

Après une année 2020-2021 très correcte en volume (90 000 t), la collecte 2022 (72 000 t) est en retrait de 20 % en raison de la sécheresse, souligne le dirigeant, confiant toutefois dans la capacité du négoce à jouer pleinement son rôle de tampon. « Nous avons avant tout une mission locale. Avec nos capacités de stockage et de séchage, nous sommes au bon niveau. Nos principaux clients industriels sont les fabricants d’aliments pour animaux du département, dont Alifel qui, pour sa filière des volailles de Loué, demande une traçabilité garantissant l’origine locale des céréales. »

Par ailleurs, avec la digitalisation, le métier change vers une plus grande transparence. « Nous avons été les premiers dans la zone à utiliser l’application Perfarmer dès 2020. C’est pratique pour les agriculteurs qui voient en temps réel les prix sur Euronext et ceux que je propose. Dès que le producteur me vend ses céréales, je me couvre sur le Matif. Cet outil me soulage même si, bien sûr, je ne refuse jamais de répondre au téléphone car les agriculteurs aiment bien l’échange », glisse Jean-Pascal Maudet, ravi d’avoir plus de temps pour assurer la qualité du relationnel tout en se libérant de certaines charges opérationnelles.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement