« Dresser des ponts entre le monde de la stratégie et celui de l’opérationnel »
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Face à l’écrasement des marges à venir du secteur appro-collecte, Services Coop de France lance une offre Performance industrielle +, portée par un duo original, composé de Florent Varin, directeur de Services Coop de France, et Raphaël Mignard, associé au cabinet de conseil Arnage consultants, spécialisé dans la mise en œuvre de projets stratégiques dans le milieu coopératif.
Comment analysez-vous le contexte actuel du secteur appro-collecte ?
Raphaël Mignard : Avec la fin des 3R et la séparation du conseil et de la vente, l’équilibre économique des coops est remis en cause. On sort d’un modèle appro-collecte de 70 ans qui tenait grandement grâce à l’appro, mais dont les fondamentaux sont désormais battus en brèche. D’autant que, en dehors de ce contexte conjoncturel, il y a de moins en moins de valeurs sur les exploitations agricoles et dans les coopératives du fait, notamment, de la concurrence internationale. Aujourd’hui, beaucoup sont au pied du mur et doivent se réinventer. Face à cela, soit on crée de la valeur, soit on fait des économies, ce qui est plus simple. Mais je ne dis pas qu’il faut raser gratis, je dis « alignons-nous derrière une réflexion stratégique qui intègre l’évolution des schémas directeurs ». C’est une démarche qui s’inscrit dans la réduction des coûts mais aussi dans l’adaptation du maillage territorial à la stratégie filière poursuivie : répondre à des marchés à plus forte valeur ajoutée peut nécessiter davantage de travail du grain.
Florent Varin : S’adapter à cette complexification du schéma directeur, de l’outil industriel est vraiment difficile pour les coopératives alors que, dans le même temps, elles doivent faire des économies. Lesquelles ne sont pas forcément là où on croit. Par exemple, certaines coops envisagent de fermer des petits séchoirs à maïs pour des raisons énergétiques, mais finalement ne vont-ils pas les aider dans leur stratégie d’allotement ? Sachant que des choix qui peuvent se faire en matière d’énergie ne sont pas forcément valables pour l’ensemble du schéma directeur. On voit aussi des contrats acceptés pour quelques euros de plus, alors qu’ils sont dépensés en énergie et en transport. Bref, on est dans un métier avec beaucoup de choix contre-intuitifs. Ce que l’on apporte avec notre offre « Performance industrielle + », c’est justement de la cohérence entre ces trois enjeux industriels : optimisation des flux, énergie et maintenance. Déjà indépendamment, pour chacun d’entre eux, on peut réaliser 10 à 20 % d’économies sur les schémas directeurs actuels, et on peut aller beaucoup plus loin dans le cadre d’une refonte totale, et obligatoire, de ces schémas directeurs.
Que comprend cette offre ? Quel est son coût ?
F. V. : Cet accompagnement est de l’ordre de 30 000 à 50 000 € en fonction des avancées des uns et des autres sur chacun des domaines. Mais ce n’est franchement pas un sujet par rapport à ce qu’il y a à gagner derrière, et avec des taux de retour sur investissement bien souvent à six mois.
R. M. : Il s’agit d’un accompagnement de 3 à 4 mois : une phase de diagnostic et de modélisation pour identifier les gains possibles et les priorités, une phase de définition des scénarios retenus, et une phase de sécurisation de l’atteinte des objectifs et d’une retranscription au niveau opérationnel le plus fin pour les atteindre, ce qui est rarement fait. Ensuite, tous les trois mois, on refait un point d’étape régulièrement, et chacun rend des comptes. Les coops ont les bonnes idées, les compétences, mais s’éparpillent trop souvent, il n’y a pas de continuité dans l’effort. Il faudrait juste hiérarchiser trois sujets clés, par exemple la fermeture de silo hors saison, la renégociation des contrats d’énergie…
F. V. : Mais notre offre, ce n’est pas du cost-killing, c’est réfléchir à demain dans un marché qui est en train de complètement évoluer. Certes, il y a de la rationalisation, mais économie et investissement ne sont pas incompatibles. Par exemple, on peut tout à fait se permettre d’avoir des dépenses énergétiques plus importantes sur un site s’il y a des enjeux importants de marché.
Vous formez un duo atypique…
F. V. : Raphaël, au contact des directeurs, assure le portage de l’offre car nous la positionnons au niveau stratégique, et Services Coop de France apporte l’expertise métier. Dans l’optimisation logistique d’abord, à travers notre outil Optiflux, qui permet de préparer les plans moisson, mais qui revêt également une dimension stratégique. Et dans les économies d’énergie et la maintenance des structures, domaines où nous détenons des benchmarks sectoriels réalisés auprès de dizaines de coops. Le tout dans une posture d’échange avec les équipes, l’enjeu étant de réunir les directions et les opérationnels. Il peut y avoir des injonctions contradictoires entre les deux. Ce sont deux mondes dont les visions peuvent diverger, alors que les opérationnel pourraient apporter des gains potentiels en termes d’économie assez importants.
R. M. : L’intérêt de partir du sujet de la performance industrielle, c’est d’avoir une réflexion sur l’ensemble de l’organisation jusqu’aux équipes terrain, le management ainsi que le pilotage réel. Les fonctions ont grossi en compétences mais pas en transversalité. Vous avez des experts partout, mais l’approche globale n’y est pas, et c’est beaucoup de valeur qui part en fumée. La mise en transversalité de toutes les fonctions d’une coop doit permettre de faire 15 à 20 % d’économies supplémentaires.
Comment réussir cette mise en transversalité ?
F. V. : Je crois beaucoup aux outils d’aide à la décision pour aller au-delà des opinions des uns et des autres et objectiver justement la prise de décision, avec trois ou quatre options de schémas directeurs assorties de simulations de coût. Il y a un vrai besoin de rentrer dans une démarche de contrôle de gestion industriel.
R. M. : Si l’on considère que la transversalité est une valeur de l’entreprise, il est nécessaire de mettre en place une organisation qui le permette : aider les managers à se repositionner en tant que tel, avoir les idées claires sur les objectifs poursuivis, revoir les organes de gouvernance opérationnelle en mettant autour de la table les bonnes personnes et, en effet, s’appuyer sur les outils. Ces derniers cristallisent plusieurs champs de compétences, et c’est là où la transversalité s’opère. Et puis il faut imposer la prise de recul. Aujourd’hui, les gens sont dans la réaction permanente et s’épuisent. Il vaut mieux « perdre » deux heures en début de semaine dans une réunion pour parler des vrais sujets que de partir tout de suite faire sa tournée.
Cela nécessite de savoir trancher…
R. M. : Être prêt à prendre des décisions difficiles et les tenir, c’est en effet un prérequis pour sérieusement changer les choses. Il faut avoir les idées claires sur ce que l’on peut s’autoriser ou pas, de ce que l’on peut imposer aux équipes et aux adhérents ou pas. Les coops en sont conscientes mais ont encore du mal à assumer. Il faut avoir la conviction que, dans un contexte peu porteur, le positionnement des équipes terrain et leur relation aux adhérents doivent évoluer, que le maillage territorial des outils de la coop n’est plus adapté aux besoins des agriculteurs, que les moyens humains de la coop ne sont pas utilisés au mieux, et qu’on ne peut pas traiter tous ses adhérents de la même façon. Dire à un TC qu’il ne doit plus accepter tel contrat, c’est une décision difficile. De même qu’assumer, dans le cadre de nouvelles approches du territoire, de ne pas pouvoir offrir certaines productions à tous ses adhérents. Il faut actualiser cet esprit mutualiste historique. Sinon, ça ne passe plus et on se retrouve en dehors du marché. En somme, remettre un peu de discipline pour redonner de la valeur. Dans ce cadre, le digital constitue un bon moyen de faire différemment et d’optimiser les coûts.
Propos recueillis par Renaud Fourreaux
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