Avis aux responsables et techniciens qualité sécurité environnement Accidentologie : formaliser le retour d'expérience
La remontée et l'analyse d'incidents permet d'améliorer à la fois la sécurité au travail et la sécurité industrielle, en définissant et structurant des actions de prévention.
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«Avant, quand on faisait une erreur, on essayait seulement de ne pas la reproduire », explique ce responsable sécurité de coopérative. « Les enseignements ne naviguaient pas forcément d'un site à un autre », poursuit cet autre. Mais la parution de l'arrêté silo, du 29 mars 2004, a induit un mouvement profond. L'article 5 stipule en effet que « tout événement susceptible de constituer un précurseur d'explosion, d'incendie doit notamment être signalé dans un registre tenu à la disposition de l'inspection des installations classées. L'exploitant réalise annuellement une analyse des causes possibles de ces événements afin de prévenir l'apparition de tels accidents ».
Ceci a induit chez les stockeurs de grains la mise en place de systèmes, non seulement de remontée, mais aussi d'analyse et de traitement des accidents et des presque-accidents, ces incidents qui sous des circonstances différentes auraient pu avoir des conséquences beaucoup plus graves. Ceux qui font l'objet d'exclamations du type : « Je l'ai échappé belle ! » ou « Ouf, c'était juste ! » C'est ce qu'on appelle le retour d'expérience. Ensemble de mesures organisationnelles, le Rex (pour les initiés) contribue, par le partage des leçons tirées des analyses de cas d'incidents survenus, au pilotage des installations et permet de prévenir les causes des accidents. Afin d'aider les collecteurs à entrer dans cette démarche de gestion du retour d'expérience, l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques) a produit pour Coop de France un document de management formalisé. Une démarche qui est impérativement à adapter aux objectifs, aux moyens, à la taille et à la culture de l'entreprise. « Car si on ne peut pas s'en occuper, c'est perdu d'avance », témoigne un responsable QSE.
Retombées intéressantes pour l'entreprise
« L'idée est de faire remonter les erreurs sans chercher les responsabilités, sinon les informations en provenance des sites risquent d'être limitées », fait savoir Florent Varin, directeur Sécurité, environnement et risques industriels, à Coop de France - Métiers du grain. « C'est une culture de sécurité beaucoup plus positive » où il s'agit de partager des enseignements, et où l'on procure aux salariés un certain degré d'immunité par la confidentialité et l'impartialité. En outre, les retombées pour l'entreprise sont intéressantes. Cela va de la meilleure connaissance des installations, ou du moins de la réduction des écarts de niveaux de connaissance entre les salariés, jusqu'à la prise de conscience individuelle et collective en matière de sécurité. Fournir la preuve d'un système de gestion du Rex permet également de faire la démonstration que l'entreprise est proactive dans le domaine de la sécurité et qu'elle met tout en oeuvre pour éviter les accidents. « Cela peut rassurer l'inspection du travail », commente Raphaël Susini, de Cérégrain. Et même en cas d'accidents, on peut s'attendre à ce que la justice soit plus indulgente. Mais pour être efficace, le Rex doit être associé à des moyens adéquats (définition des rôles et des responsabilités, allocation de temps spécifique, formation...) et il faut absolument éviter que le système soit détourné en outil de répression par la direction, ou en outil de revendication masquée par les salariés. Il est important également que le personnel se sente impliqué, que ce soit dans la collecte des informations ou dans la formulation d'actions correctives.
Convaincre la direction
Pour cela, l'engagement de la direction est essentiel. Pour Jean-Christophe Le Coze, de l'Ineris, « la capacité d'écoute de la direction au sujet des problèmes et des messages contrariants est importante ». Il faut parfois savoir forcer cette capacité d'écoute. « En matière de sécurité, pour convaincre une direction, il faut montrer qu'on est un facilitateur et parler retour sur investissement, non seulement financier, mais aussi en termes de compétences et de responsabilisation, expose Christiane Belaubre, responsable QSE chez 110 Bourgogne. Il est fondamental, par ailleurs, que les responsables QSE dépendent directement de la direction et participent aux comités de direction. » Ce que Marc Thomas, directeur de l'environnement, des risques industriels et de la sécurité chez Axéréal confirme : « Il faut que la fonction sécurité soit à haut niveau pour garantir l'équilibre avec la production. » La préoccupation est la suivante : « il ne s'agit pas de sécurité avant tout, mais de sécurité pendant tout », conclut Raphaël Susini.
Renaud Fourreaux
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