Nouveau défi pour les responsables hygiène-sécurité-environnement Donner à son métier une dimension juridique
Avec les évolutions réglementaires, le renforcement des contrôles et la vigilance accrue des tierces personnes, les responsables HSE doivent de plus en plus acquérir des réflexes juridiques en plus de leurs compétences techniques.
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Tous les responsables HSE ayant vécu la parution de l'arrêté silo « Voynet » du 29 juillet 1998 vous le diront : il y a eu l'avant et l'après. A partir de là, l'administration a commencé à édicter de nouvelles réglementations plus contraignantes et a clairement renforcé ses contrôles. « Un certain nombre de prescriptions émanant de l'administration sont devenues démesurées », note Florent Varin, directeur Sécurité, environnement et risques industriels à Coop de France. Et depuis l'accident d'AZF, les tiers (citoyens, associations…) sont beaucoup plus vigilants et sensibles aux questions d'environnement et de risque industriel. Face à cette pression, l'industrie du grain vit le tournant qu'avait vécu la chimie dans les années quatre-vingt-dix : derrière chaque aspect technique, il y a une implication juridique. Comme les arguments techniques ne suffisent plus, recourir aux arguments juridiques est devenu essentiel.
Un investissement payant sur le long terme
« Les exploitants ont des devoirs dans le cadre du code de l'environnement mais aussi des droits, relève Florent Varin. Il faut apprendre à s'en servir comme d'un atout pour se protéger »,et ainsi éviter des annulations d'autorisation d'installation, des fermetures de sites ou des investissements surdimensionnés. Si les responsables HSE sont pour la plupart volontaires pour ce genre d'approche, ils n'arrivent pas forcément à convaincre les directions de s'y engager. Que la dimension juridique soit traitée en interne ou externalisée, elle représente un coût. « Cela peut donner une impression d'investissement, d'engager un avocat, mais une collaboration fructueuse s'avère payante sur le long terme », rétorque Maître Memlouk. Les domaines d'intervention de l'avocat vont de l'appui à la rédaction d'études de danger, de contentieux concernant les installations classées (ouverture ou fermetures de site, mises aux normes…) au soutien lors d'accidents. « Les responsables HSE sont aussi très demandeurs de formation sur cette approche juridique des dossiers, témoigne Maître Memlouk. C'était tout simplement inimaginable, il y a dix ans, de réunir des personnes sur ces thématiques-là. » Un autre moyen de se mettre à la page est de recourir à une veille juridique.
Décrypter des textes réglementaires
Fin 2009, Coop de France a noué un partenariat avec le bureau d'étude Axe, créé par deux anciens inspecteurs des installations classées de la Drire, aujourd'hui Dreal (1). Cette collaboration a pour objet d'offrir une veille juridique et réglementaire spécifique aux silos de grain, à travers le progiciel Axone. Cet outil est capable de lister les textes (arrêtés, règlements,directives, décrets…) qui s'appliquent à une installation précise, puis d'en faire une note de synthèse. Il est même capable de fournir des fiches d'audit pour verifier les conformités réglementaires, mais ce niveau n'est pas compris pour le moment dans le partenariat avec Coop de France.Pour Laurent Boulinguez, DG d'Axe, « le responsable HSE n'est souvent pas formé à lire des textes réglementaires. Il s'agissait de mettre en place un service qui lui permette de s'exonérer de cette phase amont ». Mais aussi, d'anticiper les réglementations et d'acquérir de bons reflexes face à l'administration. Une quinzaine de coops ont déjà souscrit à l'offre. « C'est un marché qui a mûri depuis deux ou trois ans, même si l'agroalimentaire est un pan d'activités où l'on s'interroge encore. » Le renouvellement de générations va permettre d'instaurer petit à petit une évolution des mentalités. Pour Maître Memlouk, « le responsable HSE sera à l'avenir plus spécialisé en droit ou s'entourera d'un juriste ».
Un moyen de pression vis-à-vis de l'administration
Avoir recours au juridique permet egalement de reequilibrer le rapport de force entre le stockeur et l'administration. Pour Florent Varin,"attaquer au tribunal administratif des arretes prefectoraux, c'est un moyen de pression". "Cela peut tendre les relations, fait savoir Arnaud Barrois de Cap Seine, mais cela oblige a plus de vigilance et de rigueur de part et d'autre."Avec moins de litiges ou, du moins, des contentieux moins importants. " Montrer a l'administration qu'on est volontaire dans cette demarche vous rend beaucoup plus legitime en cas de souci ", estime Maitre Memlouk. Avec des sanctions a priori moins lourdes." Au final, c'est un gage de responsabilite de l'industriel", conclut Florent Varin.
Renaud Fourreaux
(1) Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
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