Intoxication aux pesticides : des salariés Triskalia gagnent leurs procès
Deux des affaires d’intoxication par les pesticides concernant Triskalia ont connu de nouvelles décisions de justice en faveur de salariés ou ex-salariés touchés.
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De nouvelles avancées ont été enregistrées cet automne dans des affaires d’intoxication par des pesticides de salarié ou ex-salariés du groupe coopératif breton Triskalia. La plus récente concerne Noël Pouliquen, salarié depuis 1989 du site de Glomel (Côtes-d’Armor), plateforme logistique de stockage et distribution de produits phytosanitaires. Il est touché par un lymphome non hodgkinien diagnostiqué en 2015, à l’âge de 48 ans, et pour lequel il est en arrêt maladie depuis. En décembre 2016, sa maladie a été définie par la MSA comme maladie professionnelle liée aux pesticides.
Faute inexcusable sur la plateforme de Glomel
Le 6 novembre dernier, le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes a reconnu la faute inexcusable de Triskalia envers ce salarié. Dans un second temps, va être évalué le montant des dommages et intérêts avec une nouvelle audience prévue fin janvier 2020. Cette décision de justice permet un doublement du taux d’IPP (incapacité permanente partielle) de Noël Pouliquen.
Ce salarié n’est pas le seul affecté puisque son père Raymond, employé sur le même site, a déclaré une leucémie en 1999. « Son père a voulu gérer seul son dossier au début après avoir vu courant 2011 le témoignage de Laurent Guillou (NDLR. : ex-salarié de Nutréa-Triskalia intoxiqué en 2009 et 2010 lors de la réception de grains surtraités par des produits phytos, pour certains interdits). Mais ayant été mal informé, il a dépassé de peu le délai de prescription et il n’a pas pu engager de procédure, précise Serge Le Quéau, de l’Union régionale Solidaires de Bretagne. Toutefois, il a été entendu par un magistrat. D’autres salariés sont tombés également malades par manque de protection et désinformation. » Cependant, officiellement, seul Noël Pouliquen est à ce jour reconnu malade en raison de l’exercice de son métier sur ce site d’appro.
109 000 € aux prud’hommes
L’autre avancée concerne deux ex-salariés également de Nutréa-Triskalia, Pascal Brigant et Claude Le Guyader, qui ont gagné aux prud’hommes de Guingamp, avec la condamnation le 24 octobre de Nutréa à verser un total de 109 000 € pour les deux hommes, pour leur licenciement en 2013 « sans cause réelle et sérieuse ». Ils travaillaient sur le site de Plouisy (Côtes-d’Armor), tout comme Laurent Guillou et son collègue, Stéphane Rouxel, qui sont aussi dans un marathon judiciaire depuis une dizaine d’années. Ils sont tous atteints d’hypersensibilité aux produits chimiques multiples et ont été licenciés pour inaptitude à leur poste.
Autre affaire très sensible, celle menée par Edith Le Goffic qui a perdu son mari, ce dernier ayant mis fin à ses jours dans un hangar du site de Plouisy, après une dépression consécutive à une double intoxication par les produits chimiques et les aliments médicamenteux qu’il transportait. Elle a pu obtenir une reconnaissance de son décès en accident du travail et se bat pour une reconnaissance en faute inexcusable. Reconnaissance que Claude Le Guyader va plaider le 5 décembre prochain.
Plainte au pénal et audit bruxellois en cours
Un des derniers chapitres de ces malheureuses situations va être la suite donnée à la plainte déposée au pénal par Laurent Guillou et Stéphane Rouxel, qui ont jusque-là gagné tous les procès engagés. Cette plainte attend la décision du juge d’instruction. Un récent réquisitoire du procureur de Saint-Brieuc laisse entrevoir un espoir, « mais il peut être une manœuvre pour faire baisser la pression », avance Serge Le Quéau, qui souhaite l’aboutissement de cette plainte pour « servir de garde-fou et montrer que l’on ne peut pas faire n’importe quoi ».
Dernier volet en cours, l’audit mené en Bretagne et en France par des commissaires européens afin de vérifier le bon respect des directives européennes au sujet de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Dans ce cadre, les ex-salariés de Triskalia ont été de nouveau auditionnés le 11 novembre par la commission des pétitions du Parlement européen. Celle-ci avait été saisie en 2016 par le dépôt d’une pétition de 83 000 signatures par les ex-salariés et des associations de soutien.
Ces affaires ont pris une grande proportion à ce jour. Un traitement à l’amiable, comme il fut souhaité au début par les salariés concernés, « aurait été le mieux pour l’entreprise », observe Serge Le Quéau. La pression sociétale s’est en effet cristallisée autour de ce dossier et les projecteurs sont souvent tournés vers le groupe, comme le démontre la dernière communication de L214 au sujet d’un élevage porcin d’un de ses coopérateurs.
La réaction de Triskalia
Interrogé sur ce dossier après les dernières décisions de justice, le groupe Triskalia nous a communiqué la position suivante : « Nous avons bien pris acte des récents délibérés concernant d’une part Monsieur Pouliquen et d’autre part Messieurs Le Guyader et Brigant. Concernant Noël Pouliquen (délibéré du pôle social du TGI de Vannes), nous attendons de recevoir de la part de la justice les détails du délibéré qui ne sont pas encore en notre possession. Vous comprendrez qu’il nous est difficile de nous prononcer sans ces informations. Pour ce qui est de Claude Le Guyader et Pascal Brigant (délibérés des Prud’hommes), Nutréa ne souhaite pas faire appel dans un souci d’apaisement. Le groupe Triskalia est bien évidemment touché par la situation humaine vécue par ces trois salariés. Le groupe s’attache à ce qu’au quotidien, ses salariés travaillent dans les meilleures conditions possible en matière de sécurité et de santé. »
Hélène LaurandelPour accéder à l'ensembles nos offres :