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Michel Prugue (Maïsadour) : « La grande distribution doit revenir à la raison »

Michel Prugue, président de Maïsadour, s’inquiète de la tournure prise par les négociations commerciales. Les coûts de production ne sont pas couverts par les hausses acceptées par les enseignes. © MAISADOUR

À quelques jours de la fin des négociations commerciales annuelles avec la grande distribution, Michel Prugue, président de Maïsadour, nous interpelle. « Il y a urgence ! Les parties prenantes ont-elles vraiment en tête les enjeux et les conséquences de leurs choix sur le monde agricole ? »

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Toutes les filières agricoles ressortiront-elles indemnes des dernières négociations commerciales ? Rien n’est moins sûr. Malgré l’application de la loi EGalim 2, qui devait protéger les revenus des agriculteurs, les coûts de production ont tellement augmenté, du fait de l’inflation sur l’énergie, les emballages et le prix de l’aliment du bétail pour l’élevage, que le compte n’y est pas côté acheteurs.

Passer la totalité des augmentations

« En poulet, par exemple, l’une de nos principales productions, nous enregistrons une hausse du coût de production de 18 %, détaille Michel Prugue. Or la grande distribution accepte de passer, au maximum, 12 % et refuse de s’adosser à l’indicateur reconnu de l’Itavi, comme elle devait le faire. Perdre 6 à 8 % de chiffre d’affaires n’est pas supportable. Or pour le consommateur, 18 % de hausse ne représente que 0,70 € de plus pour un poulet qui coûterait, au final, 7 à 8 €. Il faut que toutes les enseignes reviennent à la raison et qu’elles acceptent de passer la totalité des augmentations. »

« Nous sommes en situation de perte »

Pour la coop, l’amplitude des pertes est telle qu’elle craint de ne plus pouvoir « boucher les trous » en lissant les résultats entre ses différentes activités. « Non seulement le revenu des agriculteurs sera impacté, mais nous n’aurons plus la possibilité d’investir, notamment dans la transition écologique et énergétique, comme le réclame la société, poursuit le président. Nous sommes en situation de perte et nous craignons d’avoir à effectuer des restructurations dans nos entreprises. »

De nouveaux coûts pour la biosécurité

Sans compter qu’avec le nouvel épisode d’influenza aviaire, il faudra à nouveau consacrer de l’énergie et de l’argent à la mise en place de solutions de biosécurité, sur les sites d’élevage. « L’enjeu est terrible pour le poulet, marché annuel régulier sur lequel nous ne pouvons pas nous permettre un accident de production, souligne le président. Pour le canard, il faudra accompagner les éleveurs qui n’ont pas encore construit les bâtiments nécessaires pour mettre les animaux à l’abri. Nous devons retravailler sur la gestion des densités, l’organisation des exploitations, la logistique… Et nous espérons que l’État nous y aidera. »

« Je tire la sonnette d’alarme »

« Souvent, quand le monde agricole parle, il donne le sentiment de défendre des idées corporatistes, ajoute Michel Prugue. Aujourd’hui, on ne parle plus de la défense des agriculteurs, mais de celle de l’alimentation de la société française et des capacités des opérateurs à assurer la transformation agroalimentaire. Je tire la sonnette d’alarme ! Nous ne pouvons plus laisser filer le temps et accepter qu’une ou deux enseignes de grande distribution mettent en danger des milliers de producteurs et d’emplois, en faisant payer les charges à ceux qui les portent déjà depuis longtemps. »

Florence Jacquemoud

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