Une problématique à prendre en compte pour les équipes terrain Intégrer dans la préco la gestion des résistances
Alors que les résistances aux herbicides continuent de se développer, chez les graminées comme les dicotylédones, la bonne construction de la préconisation désherbage devient primordiale pour faire durer les modes d'actions.
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Lionel Launois, chez Vivescia, nous alerte : « On a peu de marge de manoeuvre avec les herbicides. En situation d'échec de désherbage, c'est la pérennité de la culture qui peut être remise en cause. » Et en présence d'une densité importante d'adventices résistantes, le désherbage peut vite devenir une gageure. Quant à l'arrivée miraculeuse d'un nouveau mode d'action, il ne faut pas y compter pour le moment : « Les firmes phytosanitaires nous ont confirmé qu'il n'y avait rien dans les tuyaux avant dix ans », prévient Christophe Délye, chercheur à l'Inra de Dijon et membre du R4P, réseau de réflexion et de recherches sur les résistances aux pesticides (1). Rien de neuf, il est vrai, mais les résistances aux herbicides progressent, et la pression réglementaire croissante risque de peser sur les solutions actuellement disponibles : le ioxynil (groupe HRAC C) est notamment sur la sellette.
Diversifier au maximum le désherbage
« En plus, tout produit "perdu" pour cause de résistance l'est généralement pour longtemps », alerte Christophe Délye, voire pour de bon.
Que faire ? « Il faut diversifier au maximum le désherbage », ajoute le chercheur. En mobilisant en premier lieu des méthodes non chimiques : allongement de la rotation, introduction d'une culture de printemps, décalage de la date de semis, faux semis... Des actions à rediscuter tous les ans, en fonction de la météo, et à adapter à chaque parcelle. Ensuite, vient la délicate construction du programme phytos. Mots d'ordre : prévention, diversité et efficacité. « Nous avons toujours poussé à traiter à l'automne puis en sortie d'hiver, car intrinsèquement, les matières actives utilisées sont différentes », explique Ludovic Bonin chez Arvalis-Institut du végétal. Quant aux mélanges, ils peuvent être intéressants, à condition d'associer des substances efficaces sur toutes les adventices visées, à dose efficace. « Attention aux mélanges cosmétiques, prévient Christophe Délye, avec des solutions ne visant qu'à élargir le spectre. » « Et si possible, ne pas les utiliser en curatif quand la résistance est en place », ajoute-il.
Agir avant de se retrouver au pied du mur
Dans tous les cas, il faut viser une efficacité maximale. Idéalement, « à chaque parcelle son programme de désherbage, mais l'on est conscient des contraintes pratiques, ne serait-ce qu'au niveau logistique, comme la capacité de la cuve du pulvérisateur, analyse Ludovic Bonin. Mais on insiste beaucoup sur le fait de mettre en oeuvre des programmes pour insérer de nouveaux modes d'actions, et de viser 100 % d'efficacité. La relation avec le technicien est essentielle, il va conforter l'analyse de la situation ». Les agriculteurs sont-ils conscients de la nécessité de prévenir les résistances ? « Je pense qu'ils sont sensibilisés, estime Ludovic Bonin. Il y a une prise de conscience, mais après est-ce que les méthodes sont mises en oeuvre ? Je ne pense pas. »
Claude Mauprivez, coordinateur agronomique chez SeVeal, partage ce constat : « Malheureusement, souvent, ce n'est que lorsque les agriculteurs sont dans le mur qu'ils mettent en oeuvre ces actions. Avec une vision à court terme, l'agronomie, par exemple, est plutôt vue comme un surcoût alors qu'il faudrait considérer que c'est un investissement à long terme. » Si l'on se trouve face à une situation de résistance, que fait-on ? Et, en premier lieu, comment le savoir ? Avant d'envoyer des échantillons au laboratoire, quelques observations peuvent mettre la puce à l'oreille. « Si je constate la présence dans une parcelle d'une adventice en forte densité (plus de 100 plants au m²), et que j'ai vu une baisse d'efficacité de mon désherbage pour cette adventice, je peux soupçonner un problème de résistance », explique Ludovic Bonin. Ensuite, il faut essayer d'arrêter d'utiliser ce mode d'action, y compris en mélange, « sinon, on va continuer à sélectionner la résistance », prédit Christophe Délye.
Marion Coisne
(1) Composé de huit scientifiques, issus de l'Inra, l'Anses et la DGAL, R4P a notamment pour objectif de favoriser les transferts entre la profession et le monde de la recherche.
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