Pour les équipes terrain et les responsables agronomiques Intégrer dans la préco phyto la qualité de l'eau
Les pollutions diffuses liées aux produits phytosanitaires peuvent affecter la qualité des eaux. Il est possible de limiter ces impacts par les préconisations, avec des mesures agronomiques et une adaptation des programmes phytos.
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L'un des grands enjeux de la conférence environnementale en septembre dernier aura été la qualité de l'eau : 1 000 captages prioritaires sont prévus, contre 500 actuellement. Il devient nécessaire pour le conseiller-préconisateur de prendre en compte la qualité de l'eau dans son métier. Aux premières loges des substances pointées du doigt, les produits phytosanitaires, notamment les herbicides. Pourquoi eux ? « Parce qu'ils sont appliqués en automne ou en hiver, explique Benoît Réal, chez Arvalis, quand les sols sont proches de la saturation en eau. » Les herbicides sont aussi les plus recherchés dans les eaux. Quant aux insecticides, peu sont retrouvés : certains, comme les pyréthrinoïdes, ont un coefficient d'absorption sur le complexe argilo-humique très important.
Première étape indispensable : faire un diagnostic. « Il faut ajuster le conseil à chaque situation », note Anne-Monique Bodilis, chez Arvalis, lors d'un colloque organisé par l'Institut du végétal, le 24 septembre, intitulé « Pratiques culturales et qualité de l'eau - Maîtriser les impacts ». « Les risques de transferts sont très variables selon les milieux pédo-agroclimatiques. Les ressources en eau ont des vulnérabilités différentes », ajoute-elle. Ensuite, place aux pratiques culturales, et en dernier recours, adapter le programme phytosanitaire. « Il est important de replacer la parcelle dans le paysage : avant tout, il faut identifier les modes de circulation de l'eau », déclare Anne-Sophie Colart, chez Arvalis. Suite à des précipitations, l'eau peut emprunter différents chemins : ruissellement de surface strict, écoulement hypodermique (sous la surface du sol, mais au-dessus d'une rupture de perméabilité), drainage... Des chemins qui vont rejoindre les eaux de surfaces ou des eaux souterraines, avec parfois des différences selon la saison. « Evaluer la circulation et la destination de l'eau, c'est la première étape, appuie Benoît Réal, chez Arvalis. Sachant que la circulation de l'eau peut être de plusieurs natures sur une même parcelle. »
Evaluer les transferts de molécules dans l'eau
Une fois la situation identifiée, il faut évaluer le risque de transfert des molécules en fonction des pratiques de l'agriculteur. Et, en la matière, il n'y a pas de règle : à chaque substance active, ses particularités. Par exemple, Arvalis a évalué dans ses essais le cas de l'isoproturon, à La Jaillière (Loire-atlantique), sur des limons sur schistes, sol caractéristique du grand Ouest. La substance active herbicide est la plus souvent retrouvée dans les analyses, si elle est appliquée en période de drainage ou de ruissellement. « En parcelle drainée, les transferts sont significativement plus importants lorsque l'application est réalisée en période d'écoulement », explique Jonathan Marks Perreau de l'institut. Alors que dans des sols avec infiltration, l'isoproturon n'est pas forcément une préoccupation. Le contexte d'application est primordial : de la nature du sol et de la façon dont il est travaillé, à l'aménagement des parcelles (drainée ou non, présence de zones tampons...), en passant bien sûr par les substances actives et leur période d'application. « Il faut aussi évaluer le risque selon la destination du transfert », ajoute Anne-Monique Bodilis. Ensuite, à chaque situation sa, ou plutôt ses recommandations. « Il faut commencer par actionner des leviers agronomiques, conseille Benoît Réal, comme la rotation, la date de semis, le travail du sol... »
Une mosaïque de solutions pour chaque situation
Illustration avec des sols à dominante argileuse dans lesquels l'eau s'infiltre à travers les fentes de retrait et rejoint rapidement la nappe en fin d'été : « Un travail du sol peut être nécessaire avant d'appliquer les produits, notamment pour créer un effet mulch, qui va colmater les fentes de retrait », recommande Anne-Sophie Colart. « Si on applique un glyphosate sur ce type de parcelle sans travail du sol, on va avoir un risque de transfert important », prévient Benoît Réal. Et en dernier recours, il est possible de modifier la période d'application, ou de changer de produit.
Au final, « il existe une mosaïque de solutions en fonction du diagnostic réalisé. Tout doit reposer sur le diagnostic », poursuit-il. Le diagnostic peut être poussé, avec des outils comme Aquaplaine, d'Arvalis, qui nécessite près d'une journée de travail pour une exploitation, ou Aquaflore, autre outil de diagnostic de l'institut, simplifié, qui est moins précis sur le terrain, « mais il permet de faire du conseil à une plus large échelle », explique Benoît Réal.
Marion Coisne
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