VU À L'ÉTRANGER Agthia : des talents cosmopolites

Créé en 1978 par le cheikh Zayed, fondateur des Emirats arabes unis, le groupe Agthia répond à deux vocations majeures pour le pays : la fourniture d'eau et de farine. Devenu, groupe semi-public avec une partie minoritaire du capital à la Bourse d'Abu Dhabi, il est aujourd'hui un importateur net de produits végétaux blé, orge, maïs, soja, d'un million de tonnes en provenance des cinq continents.

Quota d'Emiriens imposé

« Notre force est de maîtriser la chaîne de production pour nos trois métiers de base que sont la production d'eau, l'aliment du bétail et la production de farine avec en complément une boulangerie industrielle », précise Daniel Marie, vice-président, membre du comité de direction. Depuis le début des années 2000, le groupe a considérablement progressé, en embauchant des compétences aux quatre coins du monde. « Nous sommes très cosmopolites. Les Emirats arrivent à attirer les talents du monde entier, ajoute Daniel Marie. Il existe une dynamique exceptionnelle, facilitée par l'argent du pétrole et un style de vie très favorable. C'est l'un des eldorados du XXIe siècle. » L'équipe de trading est composée d'un Australien et d'un Indien, le chef meunier est Africain du Sud et de très nombreux cadres viennent d'Inde, du Pakistan, d'Amérique du Nord ou encore d'Europe dont quatre Français. » Cet apport de compétences et de culture est très favorable à l'entreprise et au pays. L'Etat a même dû imposer des quotas d'Emiriens dans les entreprises.

Le CA double en sept ans

Le groupe a doublé son chiffre d'affaires en sept ans et a l'ambition d'en faire autant dans les cinq prochaines années. « L'offre pléthorique sur le marché international des céréales et la baisse du coût du fret sont des opportunités extraordinaires pour nous », se réjouit Adrian Stock qui achète aujourd'hui près d'un million de tonnes sur les marchés. « Le blé vient de l'origine mer Noire à 80 % et du Canada, d'Australie et d'Allemagne pour les blés améliorants. » Une fois achetées, les céréales débarquent à Abu Dhabi ou dans l'un des grands ports du golfe. Celui d'Abu Dhabi, avec son tirant d'eau de 23 m peut accueillir jusqu'à des super-Panamax. Dans le port, Agthia détient une capacité de stockage de 150 000 t dont 50 000 t de stockage stratégique permanent pour la sécurité alimentaire de l'Etat. Le groupe y a construit, au pied du silo, l'un de ses moulins (400 t/jour) et son usine d'aliments du bétail (650 000 t/an), évitant ainsi les coûts d'intermédiation.

Une grande réactivité

La boulangerie industrielle est le symbole de la performance et de la nouvelle efficience du groupe. Il y a quatre ans, dans la banlieue d'Abu Dhabi, encore totalement désertique, Agthia a décidé de bâtir une boulangerie industrielle ultramoderne sur un principe très simple, la flexibilité. « Il fallait répondre rapidement à un marché très segmenté dans le respect des normes de qualité, à un coût compétitif », précise Daniel Marie. Plusieurs lignes de production ont été installées, en allant chercher le meilleur matériel dans le monde. Elles ont toutes, un point commun, pouvoir rapidement s'adapter à de petites quantités. Cent références, en frais ou en surgelé, sont fabriquées. Les Emirats ne représentant qu'un potentiel de 10 millions de personnes, Agthia a diversifié ses clients notamment les compagnies aériennes.

Au total, 1 500 petits points de vente de proximité sont livrés avec une flotte de 15 camions-citernes pour le vrac, 20 gros-porteurs et 300 petits camions. La flexibilité est, là aussi, un enjeu majeur. « Toute commande passée avant 18 h est livrée le lendemain dans la matinée, grâce à un logiciel de gestion créé au sein du groupe, précise le vice-président. La prochaine étape pourrait être d'externaliser ce transport, tout en gardant cette réactivité qui fait la différenciation de l'entreprise. »

Un institut de formation

La durée légale du travail est de 48 heures par semaine, payée 300 € pour le collège ouvrier, avec une grande souplesse dans les horaires. La majorité des ouvriers est d'origine asiatique (Inde, Pakistan, Philippines). Lors des cinq dernières années, 600 personnes ont été embauchées. Pour apporter de la cohérence, le groupe a ouvert son propre institut de formation interne. « La formation est l'un de nos facteurs de réussite pour l'intégration et le professionnalisme, se réjouit Daniel Marie à l'origine de cette initiative. Pour donner sa chance à chacun et être toujours efficient, nous formons nos propres formateurs. » Des locaux spécifiques pour les cours ont été intégrés dans l'usine, dès sa création, et doter l'institut d'outils pédagogiques modernes.

Large benchmark mondial

L'Afrique subsaharienne est le nouveau terrain de jeu commercial. Le groupe reste très ouvert à toute opportunité dans ses métiers. Il recherche le meilleur partout dans le monde en faisant un large benchmark. La France est peu présente tant sur l'approvisionnement de matières premières que sur le matériel. « Nous n'avons pas d'a priori. Toute marchandise ou matériel qui répond au cadre de nos appels d'offres est le bienvenu », insiste Tariq Al Wahedi, le responsable opérationnel du groupe. La France a incontestablement une carte à jouer, si nos entreprises prennent le temps et l'énergie de venir sur place. La compétition y est certes rude, mais le jeu en vaut la chandelle.

Christophe Dequidt